INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE AU BÉNIN  : L’impérative nécessité pour les agents de santé de maîtriser leurs rôle et responsabilités . Ce que dit la loi et les sanctions pénales 

10 heures ago | Written by
1 808 vues
0 0

 

Le conseil des ministres du mercredi 12 avril 2023 a adopté le décret qui fixe les conditions de l’Interruption Volontaire de Grossesse (Ivg) au Bénin. Ceci, après l’adoption par l’Assemblée Nationale (An), d’une nouvelle loi sur l’avortement sécurisé. Mais dans la pratique, bon nombre de médecins, sages-femmes ou infirmiers dûment habilités à effectuer l’Ivg, manquent d’informations sur la législation en la matière. Cet état de choses pénalisent la patiente avec à la clé des conséquences dommageables. D’où la nécessité de sensibiliser ces agents de santé afin qu’ils puissent s’approprier les contours de cette pratique ainsi que leurs rôles et responsabilités. 

Wilfried AGNINNIN

L’Interruption Volontaire de Grossesse (Ivg) est régie au Bénin par la loi N°2021-12 modifiant et complétant la loi N°2003-04 du 3 mars 2003 relative à la santé sexuelle et à la reproduction en République du Bénin. Elle désigne un avortement déclenché volontairement à la demande d’une femme enceinte qui ne veut pas porter ou poursuivre sa grossesse pour une raison ou pour une autre.

Que dit la loi sur l’Ivg au Bénin 

Selon la législation béninoise, elle ne peut être effectuée au-delà de 12 semaines d’aménorrhée. Pour Jihane Babio Ali, Administratrice civile et juriste, l’Ivg est encadrée par le législateur béninois. A l’en croire, «elle peut être pratiquée lorsque la poursuite de la grossesse met en danger la vie et la santé de la femme enceinte ; lorsque la grossesse est la conséquence d’un viol ou d’une relation incestueuse et dans ce cas, la demande est faite directement par la femme enceinte s’il s’agit d’une majeure, ou par ses représentants légaux s’il s’agit d’une mineure et ce, dans une structure sanitaire publique ou privée compétente». Elle a aussi ajouté que cette pratique peut se faire lorsque l’enfant à naître est atteint d’une affection d’une particulière gravité au moment du diagnostic et lorsque la grossesse est susceptible d’aggraver ou d’occasionner pour la femme une situation de détresse matérielle, éducationnelle, professionnelle ou morale incompatible avec l’intérêt de la femme et/ou de l’enfant à naître. En outre, la juriste Jihane Babio Ali, a fait savoir que l’Ivg doit être pratiquée dans une formation sanitaire agrée qui dispose d’une maternité ; d’un service de gynécologie obstétrique ou d’une unité d’orthogénie ; d’un personnel qualifié ; d’un plateau technique approprié ainsi que d’un service d’accueil et d’information.

Par ailleurs, la loi fait obligation aux agents de santé sur un certain nombre de choses. «Le médecin, la sage-femme ou l’infirmier dûment habilité à effectuer l’Ivg devra donner à la patiente toutes les informations nécessaires et ce, dans les conditions garantissant la confidentialité. Il informe la patiente sur les risques particuliers liés à chaque procédure abortive quand bien même elle vient solliciter personnellement une Igv», a souligné Jihane Babio Ali. De même, l’agent de santé habilité doit obtenir le consentement libre et éclairé de la patiente sur la décision d’interrompre sa grossesse.

Quid du rôle et responsabilités des agents de santé ?

Les agents de santé ont un grand rôle à jouer et une responsabilité accrue dans la pratique de l’Ivg. A en croire, Sandra O. N. Sossou, Point Focal (Pf) de la Santé Sexuelle et Reproductive des Adolescents et Jeunes, et des violences basées sur le genre de la mairie de Lokossa, les agents de santé doivent respecter plusieurs conditions. Elle a cité, le respect du délai légal, c’est-à-dire «l’Ivg médicamenteuse peut être pratiquée jusqu’à la fin de la 9e semaine de grossesse (7 semaines après le début de la grossesse). L’Ivg par intervention chirurgicale peut être pratiquée jusqu’à 14 semaines de grossesse (12 semaines après la conception)». A cela s’ajoute, le consentement libre et éclairé de la patiente, l’entretien psychosocial (pour les mineures), le devoir de non-jugement et le suivi médical. Par ailleurs, en tenant compte de la conscience professionnelle, «un médecin ou une sage-femme peut refuser de pratiquer une Ivg pour des raisons de conscience, mais il a l’obligation de référer la patiente à un autre praticien susceptible de le faire sans délai».

Cependant, la décision de recourir à une Ivg peut être lourde, mêlée de doutes et parfois de pressions sociales. «Sachez que cette décision vous appartient et que personne ne devrait vous juger pour cela. Il est essentiel de vous souligner que ça peut être compliqué pour des exceptions de cas et nous vous soutenons. Chaque parcours est unique», a prévenu l’experte en santé sexuelle et reproductive des adolescents et jeunes et des violences basées sur le genre Sandra O. N. Sossou.

Quand est-il des femmes qui ne remplissent pas les conditions ?

Selon Sandra O. N. Sossou, lorsqu’une femme ne remplit pas les conditions de prise en charge, un agent de santé doit adopter une approche à la fois professionnelle et éthique. Ainsi, elle recommande d’avoir l’écoute active et le respect, une explication des critères de prise en charge, une orientation vers des services appropriés et de rappeler à la patiente qu’elle a le droit de demander une réévaluation de son cas si sa situation change. «L’agent doit accueillir la patiente avec respect et empathie, même si elle ne peut pas bénéficier de la prise en charge. Éviter toute attitude de jugement. Expliquer clairement les raisons pour lesquelles elle ne remplit pas les critères. S’assurer que la patiente comprend bien les critères et la décision prise. Cette approche garantit à la fois le respect de la dignité de la patiente et la continuité des soins dans les limites des ressources disponibles», a-t-elle expliqué.

Des peines encourues par des agents de santé

Lorsque les dispositions légales en matière de l’Ivg ne sont pas respectées, des sanctions sont prévues. En cas du non-respect des normes régissant l’Ivg au Bénin, les contrevenants sont passibles des peines prévues à l’article 519 de la loi portant code pénal en République du Bénin. Selon ces dispositions rappelées par l’administratrice civile et la juriste Jihane Babio Ali, «quiconque, sans habilitation et sans qualification médicale procèdera à une interruption de grossesse est puni de la réclusion criminelle à temps de cinq ans à vingt ans et d’une amende de deux cent mille à cinq cent mille francs Cfa, alors même que l’interruption soit librement et dûment sollicitée». La loi ajoute que le double de la peine est encouru lorsque l’interruption, quoique volontaire, est tentée ou accomplie dans un lieu inapproprié et non autorisé par le ministère en charge de la santé. Si, dans ces conditions, «l’interruption de grossesse a été suivie de mort, les auteurs et complices sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité», a éclairé Jihane Babio Ali pour conclure.

En conclusion, une Ivg sécurisée repose sur l’utilisation de méthodes médicales éprouvées, un accompagnement complet, et l’accès à des soins de qualité. Les Ivg pratiquées dans des contextes non sécurisés (par des personnes non qualifiées ou dans des conditions inadéquates) augmentent les risques de complications graves et sont une cause majeure de mortalité maternelle. Les agents de santé sont donc invités à respecter la législation en la matière pour le bien-être de tous et «pour garantir que la procédure d’Ivg soit réalisée dans un cadre respectueux de la dignité, de la liberté et de la sécurité de la femme», a conclu Sandra O. N. Sossou pour finir.

Il est aussi indispensable que les autorités renforcent la sensibilisation et la formation des agents de santé sur l’Ivg.

Article Categories:
A la une · Actualité · Nationale · Santé · Société

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Daabaaru