ABANDON DES LANGUES MATERNELLES EN MILIEU URBAIN : La politique d’alphabétisation encourage le statut quo

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ABANDON DES LANGUES MATERNELLES EN MILIEU URBAIN
La politique d’alphabétisation encourage le statut quo

De nombreux béninois vivant en ville laissent de plus en plus la langue de leurs ancêtres pour épouser celle des autres, notamment le Français. Ce qui amène de nombreux citadins, au Bénin, à ignorer tout ou presque tout de la langue de leurs géniteurs. Bien que cette situation soit justifiée par diverses raisons, la politique nationale d’alphabétisation participe énormément à son accentuation.
Kassim MAMA

La politique d’alphabétisation en langue nationale, au Bénin, a longtemps privilégié l’alphabétisation en milieu rural laissant les villes à leur compte. Ainsi, on rencontre des citoyens en ville, bien que instruits, cependant analphabètes dans leur propre langue. Agathe Kouagou, étudiante à l’université de Parakou témoigne, « Je ne peux lire le Ditamari, alors qu’en français pour moi, c’est comme boire un verre d’eau». Impuissant et apparemment déçu d’avoir été vaincu sur ses propres installations, Mathias, un jeune rencontré dans la ville de Parakou, reconnait son ignorance de la langue qui est sensée être la sienne. « Mille en Bariba, mille, mille,…en Bariba. Franchement, je ne sais pas ». Comme Mathias et Agathe, nombreux sont des jeunes qui ne peuvent pas tenir un discours cohérent dans la langue de leur géniteurs. Parfois, ils ignorent complètement tout de la langue maternelle.
En effet, les nombreux programmes qui s’occupent de l’alphabétisation visent plus les populations rurales que celles des villes. L’orientation des discours lors de la célébration de la journée internationale de l’alphabétisation le prouve bien. L’Association pour le Développement des Communes du Borgou (Adecob) et l’Association Pour l’Intercommunalité et le Développement dans l’Alibori ont par exemple initié respectivement les bibliothèques mobiles et les bibliothèques villageoises. Cette cause institutionnelle n’est pas la seule. Celles-ci sont à la fois historiques, sociologiques et culturelles.

Les autres causes de l’abandon des langues maternelles

L’abandon des langues nationales en Afrique est d’abord du à la colonisation. Pour Bakara Korokoudouro, instituteur à la retraite, « Le Blanc a tout fait pour que l’Africain déteste sa culture, sa langue. Au moment de l’école coloniale, nos langues étaient désignées comme des dialectes et seules les langues du Blanc étaient reconnues comme des langues ». D’autres encore, non seulement qu’ils valident la thèse précédente, mais accusent également certains parents qui négligent leur langue en faveur du français dans la quête de l’excellence. Selon eux, il existe des parents qui pensent que le fait de parler le français à la maison avec les enfants constitue une grande opportunité pour l’enfant, à l’école. En plus de cela, la langue de travail au Bénin n’est pas une langue nationale, soutiennent-ils. Une position qui révolte Pierre Yarou. « A la maison, c’est ma langue maternelle. Je paie la scolarité pour que le maître apprenne le français à mon enfant », a-t-il laissé entendre. Par ailleurs, d’autres accusent le caractère cosmopolite des villes qui facilite les brassages au niveau des mariages. Les parents étant de différentes ethnies, la langue de communication devient une langue étrangère. Malheureusement, cette situation ne se passe pas sans inconvénients.

Les inconvénients

Abandonner sa langue, c’est nier sa culture, son identité et devenir étranger chez soi. Selon le psychopédagogue, Dénis Amoussou Yéyé reçu par téléphone, « La langue, pour tout homme est d’abord et avant tout le moyen d’intégration à une communauté. On accepte facilement et avec moins de méfiance celui qui parle la même langue que soi que celui qui ne parle pas la même langue  que soi». Ainsi, on rencontre des individus qui sont complètement étrangers à leur famille. Par ailleurs, comprendre plusieurs langues constitue un atout. Comme le fait remarquer Gani Issa, certains tests de recrutement exigent d’être polyglottes.
Quoi qu’il en soit, cette situation vient remettre sur tapis le houleux débat sur l’introduction des langues nationales dans le système formel d’enseignement au Bénin.

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