CELEBRATION DE LA JOURNEE MONDIALE DE LA LIBERTE DE LA PRESSE : 26 ans après, quel bilan au Bénin ? . Avis de quelques professionnels des médias et faiseurs d’opinion

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CÉLÉBRATION DE LA JOURNÉE MONDIALE DE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE

26 ans après, quel bilan au Bénin ?

. Avis de quelques professionnels des médias et faiseurs d’opinion

Célébrer les principes fondamentaux de la liberté de la presse, évaluer la liberté de la presse à travers le monde, défendre l’indépendance des médias et rendre hommage aux journalistes qui ont perdu la vie dans l’exercice de leur profession, tels sont les objectifs pour lesquels le 3 mai a été proclamé journée mondiale de la liberté de la presse par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1993. 26 ans après l’institution de cette journée, quel bilan peut-on faire au Bénin et quelles doivent être les perspectives ?

La rédaction

Albérique Houndjo, correspondant Nord / quotidien Matin libre


« C’est vrai que la question de la liberté de presse est une question relative. Ça c’est mon point de vue. Ces dernières années, il est à constater que quand on prend le classement des Reporters Sans Frontières (Rsf), le Bénin ne fait que dégringoler ce qui n’est pas bon pour l’image du pays à l’extérieur. Je vais vous donner peut être quelques chiffres, en 2017, le Bénin était 78ème sur 180, en 2018 on a perdu 6 places pour être à la 84ième place, vous voyez et puis en 2019 nous avons perdu 12 places, ça veut dire que de 2017 à 2019 on ne fait que dégringoler et il faut chercher à comprendre pourquoi cet état de chose. Ça s’explique même dans le rapport de Reporters Sans Frontières. Les raisons qui justifient ces mauvaises places sont énumérées ; entre autre je peux vous parler de la fermeture des organes de presse par la Haac et les entraves à l’exercice du métier de journalisme. Et il est en constat permanent que chaque jour les journalistes sont inquiets dans l’exercice de leur profession et ce n’est pas une bonne chose pour un Etat démocratique. La liberté d’expression ou la liberté de presse est un droit garanti par les conventions internationales et même notre constitution. Si on en arrive à ce que les journalistes ne soient plus libres d’écrire ou de dire ce qu’ils pensent, ça fait un précédent grave, ça fait une entorse aux principes démocratiques de notre pays. Pour me résumer la liberté de presse ne se porte pas très bien…

La cause du bâillonnement ou de l’entrave à l’exercice sont internes comme externes. Il revient à chacun, notamment les professionnels des médias de prendre conscience de la situation pour faire ce qui doit être fait à leur niveau quitte à espérer une réponse du côté des gouvernants pour leur faciliter l’exercice du droit… C’est pourquoi déjà au niveau de l’Upmb j’ai organisé une conférence débat sur le thème : Que pensent les professionnels des médias du Bénin par rapport à la liberté de presse ?

Mon mot de la fin c’est d’appeler et gouvernants et professionnels des médias à jouer convenablement leurs rôles pour garantir la liberté de la presse car le classement de Reporters Sans Frontières ne nous honore pas. »

Soulémane Gbassidé, rédacteur en chef de la Radio Deeman

 

« Le métier de journalisme n’est pas totalement ce qu’il faut être. De Kérékou à aujourd’hui il faut dire que la presse béninoise a beaucoup reculé en matière de liberté. Aujourd’hui, le régime actuel est venu avec certains outils légaux pour réglementer notamment le code du numérique qui fait couler beaucoup d’encre et de salive. Les journalistes sont beaucoup plus animés par la peur car, pour un oui ou un non, vous pouvez facilement vous retrouvez devant les juridictions. Il faut dire qu’on assiste plus à de l’intimidation. Cette intimidation a pris plusieurs tournures. Si vous n’êtes pas en bon terme avec les autorités, vous ne jouissez pas par exemple des contrats pour permettre à votre organe de gérer un certain nombre de problèmes. Il y a comme une sélection de certains organes qui sont proches du pouvoir et qui jouissent pleinement des avantages pécuniaires. Aussi, le journaliste n’est plus libre de mener des enquêtes sur un sujet donné afin d’apporter la vérité aux populations sans qu’il ne soit bloqué d’une manière ou d’une autre, des mains invisibles pour l’arrêter. Le journaliste n’est plus libre d’exercer pleinement. La presse béninoise n’est pas encore ce qu’elle doit être et le classement de Reporters Sans Frontière en dit long. On note aujourd’hui une rétention de l’information. Quand vous allez à la quête de l’information on cherche d’abord à savoir votre organe d’appartenance. Vous êtes satisfait si votre organe est en bon terme avec l’administration au cas contraire vous ne bénéficiez d’aucun avantage. Dans ce cadre là, on ne peut pas dire qu’on exerce en toute indépendance. Il va falloir qu’on exerce de façon professionnelle…

Comme appel, je dirai plutôt qu’il faut que nos dirigeants nous laissent mains libres pour exercer pleinement notre métier afin qu’on véhicule la vraie information à la population. Aussi, les journalistes doivent être informés des décisions concernant leur corporation car ils ont eux aussi des propositions à faire, leur mot à dire. Il ne faut pas qu’ils soient là justes comme des exécutants.

Moudachirou Acakpo, rédacteur en chef / Radio Fraternité


« Si on doit parler de la liberté de la presse au Bénin, je dois d’entrée de jeu dire que nous faisons des efforts depuis 1990. Nous avons fait des efforts, nous avons fait des avancées. Mais depuis ces derniers temps, notamment depuis 3, 4 ans, on a régressé. Le Bénin a régressé en matière de liberté de presse. Il y a beaucoup de restrictions à la liberté d’expression qui constitue l’un des principes chers à notre démocratie. Les faits sont là et il y a le dernier rapport de Rsf (Reporter Sans Frontière) qui montre que notre pays a dégringolé. Cela traduit réellement déjà ce que nous vivons au niveau de notre pays. L’accès à l’information, c’est un problème. L’accès aux sources crédibles d’information, c’est un problème. Et même si vous avez travaillé, si vous avez investigué, vous avez les réelles informations, la diffusion, l’exploitation de ces informations pose un problème. Il y a une peur, une hantise dans le rang des professionnels des médias. Une sorte de manipulation, c’est la réalité sur le terrain. Nous régressons. Certes on n’a pas des journalistes persécutés, assassinés, tués comme ça se passe dans d’autres pays mais chez nous il y a une autre forme de restriction de la liberté et si on n’y prend garde, les prochains classements, nous allons nous retrouver au bas de l’échelle.

Bachirou Adam, faiseur d’opinion à Parakou

 

Parlant de la liberté de presse au Bénin, je suis déçu. Surtout qu’après le 06 avril 2016 le Président Patrice Talon a promis révéler le Bénin. Moi à mon entendement personnel, on ne peut pas révéler un pays sans la presse qui est le quatrième pouvoir au Bénin. La presse doit jouer un rôle prépondérant dans le processus de cette révélation. Mais aujourd’hui, c’est une presse qui est pris dans l’engrenage des politiciens, une presse qui n’arrive pas à investiguer sur un certain nombre de dossiers et ceux qui le font, se retrouvent devant les tribunaux. Quand c’est comme ça, la presse ne peut pas aider le gouvernement à jouer son rôle. La presse devrait être un outil de dénonciation de la mauvaise gouvernance. Aujourd’hui certains journalistes ont peur de dire ce qu’ils pensent et d’écrire ce qu’ils pensent. Le dernier rapport du classement du Reporter Sans Frontière (Rfs) en dit long. Le Bénin a régressé de 12 places.

Albert Batcho, faiseur d’opinion à Parakou

S’il faut réellement dire la vérité, il faut dire que la presse béninoise n’est pas totalement libre. A voir ce qui se passe aujourd’hui, il y a quelque chose qui ne va pas au niveau de la presse béninoise. Entre temps le général Mathieu Kérékou avait dit que si les journalistes peuvent écrire ne serait-ce que pour manger, ça n’engage qu’eux. Aujourd’hui, quand les journalistes parlent ou bien ils écrivent et que le lendemain on les arrête, il y a quelque chose qui ne va pas.

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