CHERTE DES PRODUITS DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ AU BENIN : Les ménages pauvres en milieu urbain, les plus touchés . Vers l’insécurité alimentaire . Nécessité d’un plan d’urgence . « L’Etat peut, à la mesure du possible, subventionner les produits de première nécessité ; accompagner les entreprises productrices afin qu’elles augmentent leur production future..», propose l’économiste Aimé Kocou Dadégnon

3 ans ago | Written by
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Depuis quelques semaines au Bénin, les prix des produits alimentaires ont considérablement connu une hausse. Ainsi, les coûts des produits de base ont doublé voire triplé. Cette situation qui est due à plusieurs facteurs, a des répercussions non seulement sur l’économie locale et nationale, mais aussi et surtout, sur les ménages notamment les plus défavorisés en milieu urbain. L’on est d’ailleurs tenté d’affirmer sans risque de se tromper que le pays fonce droit vers une insécurité alimentaire. Face à cette crise, les dirigeants doivent prendre des dispositions les plus urgentes à moyen et à long terme. 

Wilfried AGNINNIN

La vie devient de plus en plus chère au Bénin depuis un certain moment. Et pour cause, les populations sont confrontées à la flambée des prix des produits de première nécessité. La mesure du gari autrefois vendue à 250 F est passée désormais à 500 F voire 600 F. Le bidon d’huile de 25 kg est passé de 15 500 F à 27 000 F. Le poisson « Sylvie » d’un Kg autrefois vendu à 1 200 F est désormais cédé à 1 600 F. Ce sont là, quelques prix des produits alimentaires actuellement sur les marchés.

Vers l’insécurité alimentaire

Au regard de cette spéculation sur les denrées alimentaires et la crise actuelle sur les prix des produits de grande consommation, les ménages les plus pauvres en milieu urbain sont affectés. Ainsi, ils auront tendance à dépenser une plus grande partie de leurs revenus pour se procurer de la nourriture au détriment des produits non-alimentaires. De même, la quantité de nourriture quotidienne moyenne consommée par ces ménages est réduite.

On pourrait également assister dans les jours à venir, à un impact direct sur la sécurité alimentaire, car les ménages pauvres vont acheter plus de nourriture autre que de vendre. Ils dépenseront ainsi une plus grande partie de leurs revenus pour la nourriture, et auront moins de mécanismes d’adaptation sur lesquels ils pourraient se rabattre. De ce fait, la pauvreté alimentaire connaîtra une ascension sans précédente. Il est donc urgent de trouver une solution pour contrer et prévenir l’insécurité alimentaire qui pointe à l’horizon.

Facteurs de la hausse des prix des produits alimentaires 

Selon le conseil des ministres du 16 juin 2021, aucune taxe n’a été instituée sur ces produits. Pour le gouvernement, les coûts élevés des produits de grande consommation, s’expliquent par la rareté des pluies depuis la dernière campagne agricole d’une part, et l’exportation en grande quantité des productions vers les pays voisins d’autre part.

Pour l’économiste, Aimé Kocou Dadégnon, plusieurs facteurs peuvent être à l’origine de la flambée des prix des produits sur un marché. Il énumère entre autres, le comportement des agents économiques dans le cycle économique (trop de spéculation par exemple) ; la hausse des coûts de production ; la baisse de la production qui peut être due aux conditions météorologiques ou à l’invasion des criquets pèlerins ou aux perturbations diverses ; la hausse de la masse monétaire qui se généralise dans l’économie à travers une hausse des investissements et une augmentation du revenu disponible et la hausse des coûts de transports ; la hausse des coûts de douane et taxes indirectes. Par ailleurs, l’économiste met un accent particulier sur la conjoncture économique, sanitaire et sociale qui a pour origine la pandémie du coronavirus au Bénin. « En effet, en plus des pertes en vies humaines et des dérèglements sociaux enregistrés, cette pandémie a bouleversé tous les secteurs d’activités et donc, le système économique dans sa globalité. Par conséquent, comme il n’y a pas de cause sans effet, le monde entier est actuellement dans la phase des premières conséquences des bouleversements engendrés par le coronavirus. Autrement dit, les mesures barrières et surtout le confinement imposés par le coronavirus ont grandement ralenti l’activité économique à travers le monde. L’économie a donc été sous-optimale, sous productive et cela ne peut qu’être suivie d’une période de récession ; celle que nous traversons actuellement », a-t-il expliqué. Il a également fait remarquer que la situation actuelle de la morosité économique ambiante et spécifiquement la flambée des prix des produits de première nécessité, a entraîné une baisse de la production ce qui a fait que le Produit Intérieur Brute (Pib) du Bénin est passé de 6,9% en 2019 à 2,3% en 2020. « Elle a également plongé les Etats dans une inédite politique conjoncturelle et surtout une politique de relance économique qui leur exigent une forte mobilisation de ressources. D’où la hausse des taxes et droits indirects, la hausse de l’endettement pour faire face à la persistante demande d’investissement », a-t-il ajouté.

Les conséquences

Le côté positif de cette situation est que les prix élevés sur les marchés ont créé une occasion favorable à certains acteurs. Selon l’économiste Aimé Kocou Dadégnon, « la hausse des prix est favorable aux détenteurs d’actifs et de stocks c’est-à-dire ceux qui ont des stocks des biens profitent actuellement de la hausse des prix, aux créditeurs ayant fait preuve d’anticipation et bien d’autres acteurs ». A l’en croire, la situation est défavorable aux populations qui doivent débourser plus d’argent avant d’accéder aux biens et services nécessaires à leur survie. Selon lui, une récession économique devient problématique lorsque son amplitude est élevée et surtout lorsqu’elle dure dans le temps.

La voie à suivre

Il est vrai que depuis cette situation économique, le gouvernement béninois n’est pas resté silencieux. Dans cette logique, l’Etat a interdit la sortie incontrôlée des produits agricoles en attendant la prise des mesures spécifiques. La décision a été prise en conseil des ministres du mercredi 16 juin 2021. Face à cette crise économique, le gouvernement doit mobiliser l’attention et le soutien du monde entier notamment le secteur privé et les particuliers pour pallier à cette situation. La subvention des produits alimentaires par l’Etat surtout aux ménages pauvres en milieu urbain serait également une solution salutaire à cette crise. « L’Etat peut, à la mesure du possible, subventionner les produits de première nécessité; accompagner les entreprises productrices afin qu’elles augmentent leur production future; encourager et encadrer les producteurs individuels et les paysans à emblaver plus de culture céréalières…Il pourrait aussi intervenir à travers une politique économique visant à corriger les excès du libéralisme et à maintenir les prix stables », propose l’économiste pour sa part.

Ainsi, les plus pauvres peuvent obtenir un soutien grâce aux subventions accordées par les organisations de protection sociale en l’occurrence le Programme Alimentaire Mondial (Pam), les associations caritatives notamment religieuses, laïques et commerciales et les dons individuels.

Aux dires du spécialiste des questions économiques Aimé Kocou Dadégnon, il n’y a de péril en la demeure. « En l’état, il n’y a pas encore péril en la demeure. Car, en effet, toute récession économique se fait succéder d’une phase d’expansion. C’est pour dire que la saison prochaine est prometteuse puisqu’aujourd’hui, le système productif est mis en branle pour répondre à la demande du marché. Du coup, la saison prochaine, on peut avoir une offre (une disponibilité des biens et services) plus élevée que la demande ; ce qui tirera les prix à la baisse », a-t-il rassuré pour finir.

Cependant, si rien n’est fait de tout cela, l’augmentation des prix des produits de première nécessité pourrait provoquer dans les jours à venir, des troubles sociaux dont des émeutes de faim à travers le pays.

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