CHRONIQUE DES US ET COUTUMES : Des rois sans chaussures au Bénin!

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CHRONIQUE DES US ET COUTUMES

Des rois sans chaussures au Bénin!

Au Bénin plusieurs royaumes forts ont existé de par le passé surtout dans la période précoloniale. Ces royaumes ont connu à leur tête des monarques qui rivalisaient d’ardeur pour démontrer leur puissance. A cet effet, le roi et sa cour usaient de tout ce qui était humainement et parfois surnaturellement possible pour l’extension du royaume. Ainsi, par exemple, le royaume d’Abomey étendait sa domination sur une bonne partie du pays notamment dans la partie méridionale. Ce royaume fort était en permanence en conflit avec ses voisins même jusque dans l’actuel Nigeria. A cette époque de l’histoire de la nuit des temps, le roi avait le pouvoir de la vie et de la mort sur ses sujets, il était le propriétaire terrien par excellence. De ce fait, il jouissait d’une forte estime et de révérence de la part de tout ce qui se retrouve sur son territoire. C’était la belle époque de la royauté. Les enfants et épouses du roi étaient presqu’en nombre illimité. Tout ce qui appartenait au roi recevait les mêmes honneurs que ce dernier. Le trône vide était respecté comme le roi, la récade, le couvre chef et même les chaussures d’un monarque avaient tous une valeur royale. China Achébé va plus loin en déduisant dans son roman ‘’Le monde s’effondre’’, « quand on regarde la bouche d’un roi, on ne croirait pas qu’il a eu à sucer le sein de sa mère ». C’était tout simplement l’apologie de l’ère des demi-dieux. Jamais de mémoire d’homme, un mortel n’a pu fixer du regard un roi quand celui-ci parle.

Mais après des décennies de trêve à cause des affres de la colonisation et des indépendances qui ont donné lieu à un nouveau mode de gouvernance, la royauté refait surface. Ainsi, des rois se font introniser par ci et par là. Cette floraison de rois au lieu de renforcer l’institution traditionnelle, la fragilise et enlève à la royauté tout ce qu’elle a de prestigieux.

Ainsi, la chaussure du roi qui était respectée même plus que le roi, est trainée partout. Désormais, les rois sont devenus des étrennes décoratives des meetings politiques voire des marches de soutien et de protestation. Le roi est devenu si banal qu’on croirait que les nouveaux rois sont sans chaussures à l’instar des esclaves d’hier. Le roi est désormais le garçon de course des politiciens auprès des populations. La royauté est descendue de son piédestal et presqu’à terre.

Pire, il n’est plus rare de croiser dans les couloirs des postes de police et des tribunaux modernes des soi-disant rois qui sont mêlés dans des affaires très peu honorables que même le plus petit sujet du bas peuple aurait en horreur autant de leurs aïeux. Ces derniers sont même traités comme tout citoyen. Où est donc passé le prestige royal d’antan! Sont-ils tous vraiment des rois ?

Certes, « la construction d’une nation nouvelle exige la destruction de certaines reliques du passé», disait Jean Pliya dans sa nouvelle ‘’L’arbre Fétiche’’. Mais est-ce pour autant que la royauté doit aussi être rasée ou vouée aux gémonies ?

Il est temps qu’une attention particulière soit accordée à ces gardiens de la tradition qui doivent cesser d’être les chefs de leurs collectivités, et devenir de véritables forces vives de la Nation.

Pour y arriver, les actuels rois doivent d’abord faire le ménage en leur sein en extirpant de leur rang les brebis galeuses et autres usurpateurs de titre qui galvaudent les prestigieuses couronnes ancestrales. La démystification de l’intronisation du roi est également nécessaire pour que le roi ne soit plus ce sorcier qui fait peur aux enfants des villages. Ensuite, il va falloir qu’une loi soit votée pour réorganiser la royauté comme ailleurs.

C’est alors qu’on pourra sauvegarder cette autorité traditionnelle et remettre à ses pieds ses souliers sacrés d’antan.

Edouard ADODE

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