CHRONIQUE DES US ET COUTUMES : La sainte rivalité africaine entre Gbèzé et Allèvi

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CHRONIQUE DES US ET COUTUMES

La sainte rivalité africaine entre Gbèzé et Allèvi

Tant que le talent artistique existera, on ne cessera de parler de rivalité entre artistes car, le talent est mieux soigné par le feu de la rivalité donnant à l’art toute sa beauté et sa splendeur en le propulsant vers la perfection. Ainsi, lorsqu’un art se pratique sans rivalité, il finit par être ennuyant pour son artiste et par ricochet aux consommateurs de cet art. Cette vérité des arts a toujours été le moteur qui faisait fonctionner la musique traditionnelle depuis la nuit des temps au Bénin.

Dans les hameaux les plus reculés, rassemblés autour d’un feu ou au clair de la lune, les villageois prenaient du plaisir à savourer avec volupté les mélodies suaves de ces hommes qui ont l’art dans le sang. Au-delà des messages captivants que distillent ces langues mielleuses ancrées dans la tradition des ancêtres avec la beauté de la parole, les mélomanes s’extasiaient à l’écoute des éloges qui sortent de la bouche de ces chanteurs à l’endroit d’un bienfaiteur. De même, ces parties de concert en live ne sont pas exemptes de diatribes en vue d’infliger une correction à un quidam ou à un autre artiste qui se montre concurrent à celui-ci. C’était des soirées merveilleuses qui faisaient appel à des répliques à n’en point finir.

Jadis, il était même facile que des artistes rivaux sortent du terrain des diatribes à travers leurs chansons pour atterrir sur le terrain de la démonstration des forces occultes. Ce qui souvent devient fatal pour l’un ou l’autre.

Aujourd’hui cette rivalité subsiste, mais semble être plus sainte qu’hier. Car, elle profite aux rivaux en leur permettant d’éviter les erreurs au maximum et chercher à toujours mieux faire.

Quand je me réfère à cette guéguerre qui existe aujourd’hui entre les célèbres chanteurs Gbèzé et Allèvi, deux baobabs incontournables de la musique traditionnelle de la partie méridionale du Bénin, je brûle d’une saine envie d’attiser davantage leur sainte rivalité, pas par esprit de division mais pour le plaisir de les voir exceller plus.

En effet, si Gbèzé et Allèvi étaient restés amis jusqu’à aujourd’hui, je parie qu’ils n’auraient pas progressé dans leurs arts comme on le constate maintenant pour ceux qui sont les férus des rythmes Toba et Tchingounmè. A chaque fois que l’un sort un chef d’œuvre, il essaie d’indiquer à l’autre dans une argumentation ad ‘hominem un défaut qui est aussitôt corrigé par ce dernier dans sa prochaine sortie, et lui-même à son tour essaie de faire pareil, ceci, vice-versa.

Après plus d’une décennie d’intense rivalité, ces deux chanteurs font la fierté de leur communauté respective car, que ce soit sur le plan de la qualité de leurs œuvres, tant au plan moral, intellectuel et même matériel, l’un a aidé l’autre de manière réciproque à se parfaire. Ceci au grand bonheur des mélomanes et de la famille de la musique au Bénin.

Au demeurant, il n’est plus question de chercher à réconcilier ces deux anciens amis, puisque le faire ne rendra aucunement service ni à l’un, ni à l’autre et par conséquent, ces deux baobabs pourraient facilement tomber dans la médiocrité. Il urge donc d’encourager cette sainte rivalité dépourvue de toute sauvagerie pour voir resplendir tous les rythmes de chez nous.

Gbèzé Zèguèzougou Alômahozoki et le phénomène du Bénin Allèvi alias ‘’La Torche du Bénin’’ vous êtes dans une bonne guerre. Faites nous davantage plaisir par vos mélodies suaves toujours dans cette sainte rivalité dont a besoin l’art.

Edouard ADODE

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