CHRONIQUE DES US ET COUTUMES : L’autre goût du lévirat !

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Le lévirat, une pratique en cours dans plusieurs sociétés depuis la nuit des temps, consiste à obliger la veuve à se remarier dans la famille de son défunt époux. Cette pratique n’est pas loin du sororat qui concerne le veuf qui a la possibilité de refaire sa vie avec une sœur de son épouse défunte. Même si le sororat est rare en Afrique à cause du système patriarcal en vogue dans la plupart des sociétés de ce continent, le lévirat est rencontré partout.
Avec l’évolution que connaît aujourd’hui le monde, le lévirat fait partie des violations des droits de la femme contre lesquelles se battent plusieurs Organisations Non Gouvernementales qui pensent que la femme doit être libre de refaire sa vie selon sa volonté et non livrée au diktat de sa belle famille. Un noble combat qui semble prospérer dans les milieux urbains tandis que dans les zones rurales où les traditions ont encore une forte prédominance, cette pratique subsiste toujours. Ainsi, pour les femmes dans ces milieux ruraux à quelques exceptions près, le lévirat fait partie de l’ordre normal des choses tout comme le veuvage d’autant qu’il permet de vivre avec sa belle famille, ses enfants et au milieu des biens laissés par son défunt époux.
Mais pourquoi de telle pratique continue par subsister malgré tout son côté négatif ?
Avant de combattre efficacement le lévirat en Afrique et l’éradiquer si tant est qu’il est une réelle violation du droit de la femme, il va falloir d’abord démolir certains soubassements de la pratique et souvent reconnus comme un droit pour la femme. Ainsi donc, la conception du mariage en Afrique est le premier élément qui continue d’entretenir cette pratique. Puisque généralement en Afrique, le mariage n’est pas a priori vu comme le lien entre deux individus mais plutôt comme une alliance entre deux familles. D’ailleurs, la plupart du temps, dans certaines de nos traditions dans le sud Bénin par exemple, il n’est pas permis au fiancé d’être présent à la cérémonie de dot de sa future épouse même si ces deux amoureux se connaissent déjà et sont réciproquement connus des parents des deux côtés. Il revient de droit à la famille de l’homme de représenter valablement leur fils devant la belle famille pour la demande de la main de la femme. C’est au cours de cette cérémonie de dote que la famille de l’homme s’engage au nom de leur fils à respecter toutes les exigences faites par la belle famille en ce qui concerne l’épanouissement de leur fille dans le mariage. Par conséquent, la mort de l’époux n’arrête pas le mariage au sein de ces sociétés puisque le lien est d’abord entre les familles avant qu’il ne soit entre les individus.
Outre cette réalité intimement liée à nos coutumes, jusqu’à présent plusieurs continuent d’avoir à l’esprit que la femme fait partie des patrimoines d’un homme. Ainsi, si la loi permet à la famille de participer au partage de l’héritage du de cujus, la veuve est donc également un bien à garder pour la perpétuation du lien entre les familles. D’ailleurs, le régime matrimonial qui permet à la femme de porter le nom de famille de son époux une fois mariée et même quand elle devient veuve (si elle estime que ce nom est important pour ses affaires), favorise bien la chose.
De manière pratique, le remariage d’une veuve hors de sa belle famille dans bien des cas n’a jamais été bénéfique pour les orphelins. Car, généralement ces enfants ont de la peine à prendre leur beau-père comme leur défunt père puisque dans la plupart des cas, ces derniers ont toujours le ressentiment d’être moins aimés par ce ‘’nouveau papa’’ surtout si celui-ci avait déjà ses autres enfants. Pire, si l’un des orphelins a l’impression que leur mère est maltraitée par son nouveau mari, d’office, par élan de jalousie pour son défunt père, cet enfant se dresse en ennemi contre cet homme d’où la multiplicité des tensions dans ces familles reconstituées.
Or, ces répercussions sont souvent moindres lorsqu’il s’agit du lévirat puisque celui qui est désormais le beau-père des orphelins est un oncle à qui ces enfants vouaient déjà du vivant de leur père, un respect exigé par la tradition. De même, selon certaines conceptions liées à nos coutumes africaines, l’orphelin et la veuve font partie des catégories sociales à protéger et à aimer par leur famille de peur de s’attirer la colère du défunt qui, selon la tradition, voit tout depuis l’au-delà.
Sans vouloir faire l’apologie du lévirat, il est donc clair que cette pratique aura de la peine à disparaître de nos sociétés compte tenu de ces réalités souvent ignorées par les défenseurs des droits des femmes qui traitent ce problème de manière superficielle. Alors, il n’est pas question de combattre aveuglement le lévirat en Afrique mais œuvrer pour que s’il doit être mis en œuvre, qu’il le soit quand il est effectivement bénéfique à toutes les parties avec le libre consentement de la veuve. Ainsi, nos sociétés se porteront mieux et dépourvues de certains conflits familiaux.

Edouard ADODE

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