CHRONIQUE DES US ET COUTUMES : Le droit d’aînesse : un acquis ou un mérite ?

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Le droit d’aînesse : un acquis ou un mérite ?

Il est l’un des principes qui régissent la vie au sein des sociétés africaines traditionnelles. Il s’agit du droit d’aînesse. Ce droit que possède tout individu sur les générations qui ont suivi la sienne, semble parfois vague, mais revêt quand même d’une importance capitale aux yeux de plusieurs africains.
Ainsi, de manière naturelle en Afrique, l’aîné dans une famille est digne d’un certain respect que lui confère la société. Puisque selon la logique de nos sociétés, l’aîné se présente comme le remplaçant direct des parents en leur absence. Par conséquent, il jouit directement de certains droits qui normalement ne reviennent qu’aux parents.

Mais par extension, le droit d’aînesse en Afrique est également une priorité qu’on accorde à toute personne ayant vu le jour avant soi. Car, comme le stipule un proverbe marocain, « ton aîné d’un jour a plus d’astuces que toi ». Ainsi, compte tenu de cette manière de voir les choses, tout aîné au sens large du terme mérite respect et considération.

Alors, la société traditionnelle exige des moins âgés de céder le passage aux plus âgés. De même, chez nous en Afrique, les aînés ont une priorité de siège sur les plus jeunes. Ainsi, lorsqu’à un rendez-vous, un plus jeune est assis sur un siège, à l’arrivée d’un aîné, il est tenu de céder sa place à ce dernier par respect du droit d’aînesse. Toujours, au nom de ce droit de fait, au cours des réunions, il revient au plus âgé de parler en dernière position et après, tout le monde se tait. C’est également en fonction de ce droit qu’il n’est pas permis à un jeune de tendre la main à un plus âgé que lui en voulant saluer ce dernier, seul le plus âgé a la prérogative de faire ce geste vers le plus jeune en premier. Et même autour de nos repas communautaires comme il est de coutume chez nous, seul le plus âgé a le droit de manger la viande ou le poisson qui est dans la sauce en premier. Autant d’exigences découlant du droit d’aînesse ! Mais que reste-t-il aujourd’hui de ce fameux droit dans nos sociétés à forte modernisation ?

Si autrefois, le respect de ce droit coutumier était l’essence de la société, il est devenu pour la nouvelle génération un poids difficile à supporter. Puisqu’il devient de plus en plus difficile de respecter même les géniteurs, le droit d’aînesse a perdu toute son essence. Ainsi, dans une société de plus en plus matérialiste, seuls ceux qui possèdent une grande richesse jouissent de ce droit quand bien même, ils sont jeunes. Par conséquent, à cause du matériel, aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des aînés obligés de lécher les bottes aux plus jeunes qu’ils n’hésitent pas à appeler poliment et gentiment « grand-frère ». Pire dans les réunions de famille, ce n’est plus le plus âgé qui parle en dernière position, mais plutôt celui qui détient le nerf de la guerre, même s’il était le plus jeune de la famille. Toutes les conclusions viennent de lui.
Ainsi donc, le droit d’aînesse n’est plus forcément un acquis, mais un droit mérité par la position sociale ou économique de l’individu, l’âge importe peu.

Cependant, il est à souligner que plusieurs des aînés se font déchoir de leur droit d’aînesse par leur manque de sagesse ou par négligence. C’est ce qui faisait dire à l’écrivain malien Massa Makan Diabaté que « le premier-né n’est pas toujours l’aîné ».

Au demeurant, chacun doit s’évertuer à mériter des autres ce qu’il prétend être dans l’humilité et la sobriété afin de faciliter le vivre ensemble. Toutefois, la jeunesse ne doit pas perdre de vue ce principe qui parfois sauve de certains désastres de la vie devant lesquels les moyens financiers ne peuvent rien.

Edouard ADODE

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