CONSEQUENCES DU CORONAVIRUS SUR L’ECONOMIE BENINOISE
Voici l’analyse de l’économiste Aimé Dadégnon
La pandémie du coronavirus qui sévit actuellement dans le monde entier n’épargne aucun secteur. Les activités économiques notamment le tourisme, le transport, le commerce et le sport de tous les pays sont nettement au ralenti. Cette baisse a, sans doute, une conséquence négative sur l’économie mondiale. Tout comme les autres pays du monde et de l’Afrique, le Bénin aussi est fortement touché par cette maladie. Dans une interview à nous accordée, le doctorant en économie Aimé Kocou Dadégnon attaché de recherche à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion (Faseg) de l’Université de Parakou énumère les impacts du Covid-19 sur l’économie mondiale, africaine et en l’occurrence béninoise. Le doctorant a également proposé des solutions pour une stabilité économique. Lisez plutôt.
Wilfried AGNINNIN
Daabaaru : Quels sont les impacts de la pandémie du Covid-19 sur l’économie mondiale en générale et celle béninoise en particulier ?
Aimé Kocou Dadégnon : Nous saluons au prime abord la mémoire de tous ceux qui ont trépassé par l’entremise de ce virus. Comme le dit l’adage : « il n’est de richesse que d’hommes ». Une manière de dire que la première et la plus lourde des conséquences du Covid-19 est l’importante perte en vies humaines (plus de 56.000 décès ce 04 avril 2020) qui engendrera forcément beaucoup de conséquences fâcheuses sur le processus de production dans les mois à venir.
Le monde entier constate déjà et constatera davantage – d’une manière ou d’une autre – les impacts de cette crise sanitaire qui perdure encore. En effet, partant de la puissance économique des principaux pays grièvement touchés par cette crise, il n’est pas superflu d’être pessimiste quant aux comportements futurs des indicateurs économiques dans les différents pays du monde. Et pour cause, la Chine, premier pays qui a subi les affres de ce virus est la deuxième puissance économique du monde avec une contribution de plus de 40% au Pib mondial en 2019. Les prévisions économiques montrent que ce pays connaîtra un recule de plus de 4% de son Pib en 2020. Cette baisse de la production en Chine induira forcément une baisse de l’activité économique dans les autres pays du monde par effet contagion et surtout par la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondial. Il en est de même pour les Etats-Unis d’Amérique, la France, l’Italie, l’Espagne etc. dont l’activité économique est fortement perturbée pendant que plusieurs autres pays prennent appui sur eux.
De façon spécifique, nous constatons déjà à travers le monde, une baisse de l’activité commerciale qui sera suivie dans les jours à venir d’une hausse des prix puisque l’élan de la production est réduit ou carrément supprimé dans certaines régions. Nous enregistrons également une baisse des activités de transport, de tourisme, de sport (dont l’industrie est totalement contrainte à un congé jamais imaginé) et plus généralement de tous les secteurs vitaux de l’économie.
Dans le même temps, on constate qu’une grosse part du budget des Etats est en train d’être utilisée pour organiser la résilience. Cela induira forcément des déséquilibres budgétaires puisque la santé publique n’est pas la seule rubrique du budget. Ce qui fera qu’à la fin prochaine de cette crise (ce que nous souhaitons vivement pour bientôt), le monde fera face à une forte difficulté de financement de l’économie. Cette difficulté sera suivie d’un dérèglement des lois monétaires (usage arbitraire de la planche à billet par exemple) avec ses corolaires.
Sur le Bénin
En dehors de tout ce qui est énuméré déjà ci-haut qui concerne tous les pays, les conséquences du Covid-19 sur un petit pays comme le Bénin sont encore plus alarmantes bien que celui-ci n’a pas encore enregistré des décès liés à ce virus. Ainsi, le Bénin connaîtra deux types de perturbations : des perturbations internes et des perturbations importées. Au nombre des perturbations internes, nous pouvons énumérer pêle-mêle : la paralysie de plusieurs secteurs d’activités comme c’est le cas actuellement du secteur de l’éducation, des transports, du tourisme, des sports, de hôtellerie, du sous-secteur anacarde etc. ; l’engagement de plusieurs dépenses autrefois imprévues au plan individuel, collectif et national et la réduction des activités commerciales (baisse des exportations et des importations).
Le Bénin connaîtra également plusieurs perturbations importées. Parce qu’en effet, nous sommes un pays maladroitement extraverti c’est-à-dire que nous dépendons trop du reste du monde et surtout des pays hautement touchés par le Covid-19 (la Chine, la France, les Usa…). Du coup, nous importerons sans même le vouloir, les conséquences néfastes de ce virus. Il s’agit de : l’inflation, la hausse des prix suite aux perturbations du système productif dans les pays développés ; la baisse des recettes fiscales (notamment douanières) suite à la baisse de l’activité commerciale et de la défaillance du système productif puisque le Bénin est un pays essentiellement fiscal ; la fuite des capitaux vers les pays hautement touchés puisque le capital a de la valeur là où il est le plus recherché ; la détérioration du revenu des ménages ; l’augmentation de la pauvreté, du chômage et des inégalités sociales et le recul de l’activité économique de façon générale (faible pouvoir d’achat qui entraînera une baisse de la demande effective qui a son tour affaiblira le système de production)
A qui pourrait profiter économiquement l’apparition du coronavirus ?
L’observance minutieuse des comportements économiques face à ce virus nous permet de dire avec aisance que seules les grandes puissances économiques mondiales – celles-là même qui semblent être fortement atteintes par ce virus – sont encore les plus grands bénéficiaires des avantages économiques induits par l’apparition du coronavirus. J’illustre mes propos par le constat du développement fulgurant de l’activité médicale et pharmaceutique pour la recherche d’amélioration du plateau technique ; la production des solutions hydro-alcooliques ; la production des médicaments servant de traitement aux personnes testées positives et surtout la recherche active de vaccin contre le Covid-19 etc. Il en est de même pour la production des masques ; la production en masse des solutions de désinfection et que sais-je encore ? Pendant ce temps, mon Afrique dort et ronfle sous les sales draps que lui impose le confinement. On espère que « beaucoup de blancs meurent » pour qu’on aille occuper leur poste après le déluge.
Quelles sont les dispositions à prendre pour une stabilité économique ?
A l’heure actuelle, l’instabilité économique est inévitable. Il faut plutôt réfléchir à comment la surmonter. Du moment où les secteurs vitaux sont paralysés pendant que les besoins humains restent non négociables, il y a de quoi s’inquiéter. C’est pourquoi je salue déjà la générosité des Institutions Financières Internationales (le Fmi et la Banque Mondiale notamment) qui annoncent des contributions financières substantielles aux Etats et ont même demandé aux créanciers de suspendre le remboursement des dettes des pays pauvres. Ces mesurent permettront donc à ces pays de concentrer leur énergie sur la résolution de la crise et surtout sur la relance de leur économie. En termes clairs, à la fin de cette crise sanitaire, les Etats doivent aider tous les secteurs de l’économie à se relancer. Ils doivent donc négocier pour les entreprises des prêts à taux abordable, alléger la pression fiscale le temps que ces entreprises ne retrouvent leur sentier d’expansion. Les Etats doivent également développer des politiques à visée sociale afin de soulager les peines de la grande masse.
Pas mal comme analyse. Nous attendons l’article.