CONSOMMATION D’EAU DE PLUIE : Les risques d’un choix de survie

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Au Bénin, l’accès à l’eau potable des populations fait partie des préoccupations majeures des autorités au sommet de l’Etat. Malgré les efforts fournis par les gouvernements qui se sont succédé à la tête de l’État, les populations éprouvent toujours de difficultés à accéder à ce liquide vital. Face à cette indisponibilité, elles n’hésitent pas à consommer l’eau de marigot pour assouvir leur besoin. Des techniques traditionnelles sont à cet effet développées pour profiter au maximum de la saison pluvieuse malgré les risques sanitaires que présente la consommation de cette eau. 

Samira ZAKARI

Il sonnait 4h30mn, le jeudi 21 avril 2022 quand dame pluie s’invita aux préparatifs du repas matinal entrant dans le cadre du jeûne musulman. Ainsi, Azaratou Lawani ménagère, affairée à la cuisine pour la cuisson du repas comme toutes les femmes au foyer en ce mois de ramadan, accourut immédiatement dans la cour de la maison avec des bassines en mains, qu’elle dispose à l’entrée de la chambre. Objectif, recueillir ce liquide naturel provenant du ciel. A l’en croire, il y a plusieurs jours qu’elle attendait la venue de cette pluie car le puits traditionnel qui dessert en eau les membres de la cour commune où elle habite, étant tari. « On n’a pas de pompe ici et voilà notre puits n’a pas actuellement d’eau. Donc l’eau de pluie que je vais recueillir va beaucoup nous aider dans le ménage pour les tâches domestiques », a-t-elle fait savoir.

Consommation d’eau de pluie, une contrainte ?

Comme Azaratou, nombre sont les béninois surtout, en milieu rural qui utilisent l’eau de pluie pour assouvir leur besoin, face à l’indisponibilité d’une source d’eau potable.

Lors d’une enquête réalisée en Août 2021 à Banikoara dans le cadre du projet “Enquêtes sur les droits sociaux au Bénin en 2021: cas de l’eau et la santé”, financé par la Fondation Friedrich Ebert (Fes) au Bénin et piloté par Banouto, dans un partenariat avec Matin Libre, La Météo, Daabaaru et Odd Tv, l’on a pu constater que la consommation de l’eau de pluie est le quotidien de certains ménages. À Kao-Kao, un village de la commune cotonnière, les habitants qui ont confié ne plus connaître le goût de l’eau potable depuis une décennie, vont jusqu’à creuser de petite retenue d’eau de pluie qui sert ensuite pour la consommation.

En effet, à son arrivée au pouvoir en 2016, le chef de l’État Patrice Talon s’est donnée pour objectif d’offrir de l’eau potable à l’ensemble des béninois d’ici 2021 alors que le taux de couverture était de 55 %. Mais malheureusement, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs au regard des réalités sur le terrain. À cet effet, une nouvelle échéance de 2023 a été fixée. Mais en attendant, des populations continuent de se contenter de l’eau de pluie qui leur est servie de façon naturelle, malgré les risques sanitaires liés à sa consommation.

Des risques sanitaires

Dans un article publié sur le site Futura-Sciences, la journaliste Céline Deluzarche a fait savoir que « l’eau de pluie possède une tenue élevée en dioxyde de carbone ce qui la rend naturellement acide. Puis elle se charge en oxydes d’azotes et dioxydes de soufre issus de la combustion des énergies fossiles ou de la circulation, qui là encore se transforment en acides. Enfin, lors de son ruissellement dans les gouttières et dans la citerne, elle se charge en métaux, bactéries et micro-organismes potentiellement dangereux pour la santé. ». Plus loin, le ministère de la santé de France estime que « l’eau de pluie présente une contamination microbiologique et chimique supérieure aux limites de qualité retenues pour l’eau potable distribuée par le réseau public ». Les spécialistes de la santé renseignent que la consommation d’eau de pluie est susceptible d’entraîner des gastroentérites voire des intoxications graves.

Pour certains citoyens qui ont conscience des risques sanitaires auxquels ils s’exposent en consommant l’eau de pluie, ils soutiennent traiter cette eau avant toute consommation. À en croire Azaratou Lawani, « l’eau qui est recueillie dans les bassines est chauffée avant consommation. En traversant le toit de la maison pour les bassines, l’eau peut absorber des microbes nuisibles pour la santé, ce qui fait qu’on l’a chauffe d’abord », a-t-elle souligné. Mais, les spécialistes de la santé pensent que cette technique de chauffage bien qu’utiliser par plus d’un, ne garantit pas la potabilité de l’eau. « Il ne suffit pas de faire bouillir l’eau de pluie ou d’y ajouter un désinfectant. Certains virus ou bactéries sont en effet résistants à ces traitements », a fait savoir la journaliste Céline Deluzarche dans son article.

Que faire donc ? 

Il existe des dispositifs spéciaux de potabilisation de l’eau qui passe par le contrôle dans un laboratoire habilité. Une solution qui malheureusement reste coûteuse donc inaccessible pour tous. Interdire la consommation de l’eau de pluie aux populations étant pour le moment chose impossible, il urge que les politiques se dotent véritablement de moyens pour faire du 6ème Objectif de Développement Durable (Odd) qu’est “garantir l’accès de tous à l’eau potable et à l’assainissement ”, une réalité au Bénin.

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