Les députés de la 9è législature ont voté, le jeudi 13 mars 2025, la loi N°2025-09 portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin. Cette loi reconnaît désormais 16 royaumes, 80 chefferies supérieures et 10 chefferies coutumières. Quelques heures après le vote, l’on assiste à de vives critiques et polémiques dans l’opinion publique sur cette loi. Au regard des irrégularités signalées, il est impérieux de procéder dans un bref délai à sa relecture pour favoriser la paix et le vivre-ensemble dans les communautés.
Wilfried AGNINNIN
La loi N°2025-09 portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin est une avancée significative à saluer. Cette loi à mettre à l’actif du gouvernement de la rupture, permettra la réhabilitation et la reconnaissance légale des chefferies traditionnelles autrefois moins considérées. L’article 33, aliéna 2 de la loi adoptée dispose, «L’Etat peut accorder au roi, au chef supérieur ou au chef coutumier ou à chaque chefferie traditionnelle, une allocation selon les conditions et modalités fixées par voie règlementaire». Mais au-delà de ces avantages et avancées, cette loi contient des irrégularités, imperfections et incohérences qu’il faille impérativement corriger.
Les oubliés de la loi
En l’état actuel, ce cadre légal adopté est un trouble à l’ordre traditionnel établi depuis la nuit des temps et suivi de génération en génération. Par exemple, à Tchaourou selon l’ordre traditionnel, c’est le roi de Tchatchou qui intronise celui de Tchaourou. Malheureusement sur les 80 chefferies supérieures dépendantes ou non à pouvoir moyennement centralisés reconnues par l’État, Tchatchou n’y figure pas. Pourtant Woria, un village de Tchatchou a été reconnu. N’est-ce pas une source de frustration et une bombe à retardement ? De même, Banikoara n’est pas sur la liste. «En pays Bariba, on a aligné des rois, j’ai vu cinq ou six équivalents à l’empereur de Nikki. Faisons attention, nous allons créer des problèmes de préséance énorme et de conflits sur le terrain, évitons cela», avait déploré le député Nassirou Bako-Arifari lors de la séance plénière à l’Assemblée Nationale (An) tout en reconnaissant des avancées contenues dans ce cadre juridique.
D’un autre côté, l’absence de chefferies supérieures et coutumières Peulh sur la liste officielle du Bénin soulève un problème majeur. L’on peut assimiler cette absence à une marginalisation de la communauté Peulh qui représente pourtant une part significative de la population nationale avec plus de 7% des habitants. Les Peulhs forment le cinquième groupe sociolinguistique du pays, après les Fon (39 %), les Yoruba (18 %), les Adja (15 %) et les Baatombu (9 %). Un appel à la justice et à l’équité est donc lancé. Et de telles omissions, il y en a assez sur cette loi qui constitue tout de même un grand pas dans la reconnaissance de la chefferie traditionnelle au Bénin.
Nécessité d’une relecture
Cette loi votée en présence du ministre Yvon Détchénou en charge de la justice et adoptée à l’unanimité des députés présents et représentés moins 18 voix contre, n’est que le point de départ d’une révolution traditionnelle longtemps attendue par les acteurs culturels du Bénin. Mais on peut encore sauver les meubles dans un délai raisonnable pour éviter le pire dans les chefferies traditionnelles. La relecture s’impose pour intégrer les oubliés de cette loi que les béninois saluent dans son ensemble.
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