DIVULGATION D’IDENTITÉS DE JEUNES FILLES ENCEINTES DES ŒUVRES D’ENSEIGNANTS OU D’ÉLÈVES : Ariane Adjolohoun adresse une lettre ouverte au ministère des affaires sociales et de la microfinance et celui des enseignements secondaires techniques et de la formation professionnelle du Bénin (Lire l’intégralité de cette lettre ouverte)

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LETTRE OUVERTE A LA MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA MICROFINANCE ET AU MINISTRE DES ENSEIGNEMENTS SECONDAIRE TECHNIQUE ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE DU BENIN

Madame et Monsieur les Ministres,
Depuis quelques années, il n’est de secret pour aucun béninois, que les grossesses en milieu scolaire ont connu un boom sans précédent. Deux mille sept cent soixante trois (2763) cas de grossesses pour le compte de l’année académique 2016-2017 selon des statistiques issues des institutions en charge de l’enseignement ; plusieurs centaines de cas pour le compte de cette année en cours.
Je salue, tout comme des millions de béninois, les efforts que vous faites pour enrayer ce fléau qui entache vos résultats et hypothèque l’avenir de notre nation en handicapant les générations futures. Je salue notamment, le suivi qu’opère votre Ministère au travers du recensement strict des cas de grossesses dans les lycées et collèges ; chose qui permet en interne de suivre le phénomène dans ses fluctuations et de prendre les mesures idoines. Je salue le durcissement de ton et l’énergie insufflée aux actions de vos services depuis les dernières semaines. Ceci contribuera à coup sûr à accentuer la légère tendance à la baisse (des grossesses en milieu scolaire) qui semble être enregistrée ces derniers mois.
Cependant, depuis quelques jours, une liste référencée Ln°685/MESTFP/DC/SGM/DETFP/DESCG/SA du 05/06/ 2018 et intitulée « Point des élèves et enseignants auteurs de grossesses », mais portant malheureusement (en plus des noms des auteurs enseignants ou non) la mention des noms, prénoms et âge des élèves de sexe féminin enceintées a été divulguée et se retrouve depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux ; exposant ainsi l’identité de plusieurs jeunes filles mineures.
Un état de choses qu’en ma qualité de citoyenne béninoise, de mère, d’assistante sociale et militante pour le mieux-être des plus vulnérables, je désapprouve avec force.

LA LOI N° 2015-08 PORTANT CODE DE L’ENFANT EN REPUBLIQUE DU BENIN A ETE BAFOUEE

En son article 4, cette loi consacre l’inviolabilité de la personne de l’enfant en tant que personne humaine, sacrée et inviolable.
Le même code place en son article 169, l’enfant de sexe féminin porteur d’une grossesse ou la fille mère dans la catégorie des enfants en situation difficile. Ces jeunes filles n’ayant pas encore atteint les dix-huit ans révolus sont donc des enfants en situation difficile, qui auraient dû être protégées dans leur intégrité morale (celle physique ayant déjà été battue en brèche par ces grossesses). Et donc, ces enfants avaient droit au respect de leur vie privée et de leur dignité, car, il n’est point besoin que je vous rappelle ici que les enfants sont aussi dotés de ces nobles sentiments.

L’IMPACT MORAL DE CES DIVULGATIONS SERA LOURD DE CONSEQUENCES
L’enfant qui tombe enceinte avant la fin de la scolarité, a le droit de la poursuivre ou de la reprendre selon l’article 170. Un article dont la réalisation est mise à mal par la divulgation de cette liste ; puisque la honte, la culpabilité et la stigmatisation dont elles et leurs parents seront victimes, amèneront certaines à refuser catégoriquement de reprendre l’uniforme kaki, inciteront des parents à changer de lieu de domicile à leurs filles et exerceront une pression encore plus forte qui les conduira à des pratiques mortelles comme les avortements clandestins.

Madame la Ministre de l’Action Sociale et de la Microfinance, « L’enfant mineur de sexe féminin doit être protégé contre toute grossesse avant l’âge de dix-huit (18) ans. La grossesse chez l’enfant mineur est interdite. Toute personne, qui engrosse un enfant de sexe féminin, malgré les dispositions de la présente loi, est seule responsable des conséquences qui en découlent » ; c’est ce que stipule l’article 180 du Code Béninois de l’Enfant.

Si nous (l’Etat, la Famille, la société) avons failli et continuons de faillir depuis des années, il ne tient qu’à vous que la loi ne faillisse point.

LE BON SENS, L’HUMANISME ET L’ETHIQUE DEVRONT AVOIR LE DERNIER MOT
Madame, Monsieur les Ministres, je ne suis point l’avocate des grossesses en milieu scolaire (contre lesquelles je me bats personnellement et de manière innovante dans mon milieu). Je suis pour un respect de l’éthique, de la déontologie et du sens humain, appliqué de façon transversale dans tous les services publiques béninois, mais surtout dans les institutions gouvernementales dont vous avez la charge. J’espère qu’aux fins de décourager de futurs manquements de cette nature, vous prendrez les dispositions administratives qui s’imposent pour punir les auteurs de cette faute afin que la dignité et l’intérêt supérieur de l’Enfant soient placés au cœur de la politique de l’Education et de l’Action Sociale.
Le chantier qui est le vôtre est assez vaste. Les services sociaux au sein des écoles, l’encouragement des dénonciations d’abus et de harcèlements sexuels en milieu scolaire, le respect des droits élémentaires de l’Enfant, et j’en passe, sont des chantiers dont la réalisation réussie reste en étroit lien avec le maintien réel des enfants à l’école jusqu’à l’obtention minimum du CEP. Ce faisant, l’illettrisme très présent (qui découle de la non-application de l’article 116 du Code Béninois de l’Enfant) accusera un recul qui diminuera par une relation de cause à effet, la très faible vulgarisation de nos textes et lois au commun du peuple.
Madame, Monsieur les Ministres, les esprits avertis ont les regards tournés vers vous et attendent l’application de nouveaux paradigmes.

Cotonou, le 14 juin 2018

Ariane ADJOLOHOUN
Ampliations :
UNICEF
FNUAP
Care International Bénin-Togo
Plan International Bénin
Wildaf Bénin
Rifonga Bénin
Wanep Bénin

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