FACE À LA VIE CHÈRE AU BÉNIN : Voici ce que propose Dr. Aimé Dadégnon

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Au Bénin depuis quelques temps, l’actualité est marquée par la cherté de la vie. Une situation marquée par la hausse du prix des produits de grande consommation dans les marchés mais aussi la pénurie de certains produits. Face à cette situation, des voix ne cessent de se faire entendre pour proposer des pistes de solutions au gouvernement en vue d’une sortie de crise. C’est le cas du Dr. Aimé Dadégnon qui donne quelques pistes de solutions qui pourraient aider le pays à mieux supporter les effets de cette cherté de la vie généralisée. Lisez plutôt.

Samira ZAKARI

Introduction

Depuis quelques mois, le monde entier connait une hausse de plus en plus généralisée des prix des biens et services sur la quasi-totalité des marchés. On note par exemple une augmentation de plus de 30 % du prix des matières premières (CRB, 2022) ; une augmentation de 18 % du prix des biens alimentaires de base (FAO, 2022) ; une augmentation de plus de 20 % du baril du pétrole et des autres hydrocarbures (CRB, 2022) ; etc. Face à cette situation, l’on est en droit de se demander :

Qu’est-ce qui peut expliquer cette cherté ambiante de la vie ? 

Quelles sont les conséquences actuelles et futures de cette cherté de la vie ?

Que doit-on faire pour arrêter la saigné ou à défaut, l’atténuer ?

Telles sont les questions auxquelles nous apportons des approches de réponses dans cette brève communication qui sera suivie de débat.

1- Les causes de la cherté de la vie

Dans cette première partie, nous présentons d’abord les causes théoriques de la hausse des prix dans un pays puis nous explorons les causes réelles de la cherté ambiante de la vie dans le monde et au Bénin.

1.1. Causes historiques de la hausse des prix

Selon la littérature économique, il y a plusieurs facteurs externes et internes qui pourraient causer la hausse des prix dans un pays. Au nombre de ces facteurs, nous retenons principalement :

a) L’augmentation de la masse monétaire dans une économie. Ce que l’on appelle l’inflation par la monnaie qui est souvent causée par la création excessive de monnaie. Cette forme d’inflation est souvent observée dans les pays qui disposent de leur propre monnaie et qui, pour des raisons d’investissements massifs font recours à la planche à billets. Elle peut être aussi causée par une augmentation importante des salaires. L’augmentation donc de la masse monétaire par l’un ou l’autre des canaux indiqués ci-dessus, donne un effet signal à travers lequel les agents économiques cherchent à tirer leur part en haussant le prix de leurs biens et services. De plus, à moyen termes, cette augmentation de la masse monétaire rend les citoyens moins productifs et induit une baisse de la production nationale. Ce qui conduit à une hausse des prix sur les marchés.

 

b) La baisse de la production nationale. Causée généralement par des catastrophes naturelles, ou par la hausse des coûts de production (matières premières, main d’œuvre, coût du capital…), ou par l’exode rural ou encore par les surtaxes qui poussent certains entrepreneurs à déposer leur bilan, etc. la baisse de la production est facteur explicatif de la hausse des prix. En effet, quand la production baisse, les biens et services disponibles sont inférieurs à la demande globale émise par la population. Ce qui tire les prix vers le haut.

c) La structure du marché. Si le marché est dominé par des monopoleurs, ceux-ci peuvent, pour une raison ou une autre augmenter les prix des biens et services.

d) L’inflation importée. Elle est souvent constatée dans les pays importateurs. En effet, lorsque le prix des produits augmente dans les pays exportateurs, les pays importateurs en font les frais. Cette forme d’inflation peut être aussi causée par les barrières à l’entrée rencontrée par l’importateur et surtout les taxes douanières qu’il supporte.

 

1.2. Causes de la situation actuelle

La situation que traverse le monde actuellement est essentiellement attribuée à plusieurs chocs macroéconomiques ayant chacun des corolaires très importants sur tous les pays du monde. Il s’agit notamment de la crise du coronavirus et de la situation d’instabilité politico-économique enregistrée dans certaines régions économiques du monde (la guerre entre la Russie et l’Ukraine, les coups d’Etat en Afrique de l’Ouest, le terrorisme, etc.)

i) La crise sanitaire et économique due au Coronavirus

Démarrée en décembre 2019 en Chine, cette crise sanitaire a occasionné à la date d’aujourd’hui la plus grave crise économique que le monde n’ait jamais connue par le passé. En effet, à court terme, cette crise s’est manifestée par de nombreuse perte en vies humaines, une baisse du revenu due à la cessation d’activités, une aggravation de l’insécurité alimentaire, une baisse de l’emploi et des moyens de subsistance, etc. Et pour cause, le confinement et les restrictions de circulation des personnes et des biens ont baissé fortement la production mondiale de biens et services en causant de graves entorses aux chaînes d’approvisionnement mondiale et aux comportements de consommation.

Ainsi, le monde est actuellement dans le prolongement des effets de la COVID-19 qui se caractérisent par un ralentissement généralisé des investissements, de la production et de l’activité économique mondiale de façon globale.

Nous en étions là quand la Russie assiège l’Ukraine le petit matin du 24 Février 2022. Une situation qui n’est restée sans conséquences sur l’économie mondiale, du moment où le monde est désormais un village planétaire et surtout en raison de la position stratégique de la Russie.

ii) L’invasion de l’Ukraine par la Russie

L’invasion de l’Ukraine par la Russie suivie des sanctions économiques et monétaires infligées à la Russie par les pays occidentaux (l’exclusion de certaines banques Russes du système international de paiements et le gel des actifs de la banque centrale Russe…) ont accentué la crise économique mondiale due à la COVID-19. On assiste donc à une hausse des prix des hydrocarbures, de l’énergie, des matières premières, etc. Les prévisions de l’OCDE annoncent une baisse de plus de 800 milliards de dollars des échanges commerciaux mondiaux et une chute brutale de 5 % de la croissance du PIB mondial.

iii) L’instabilité politique et l’insécurité dans la sous-région ouest-africaine

Avec la situation décrite ci-haut qui plombe déjà l’économie mondiale, l’on peut ajouter les crises politiques enregistrées dans la sous-région ouest-africaine. Il s’agit notamment des coups d’Etat militaires en Guinée Conakry, au Mali et au Burkina Faso qui, en changeant l’ordre constitutionnel dans lesdits pays ont provoqué des dérèglements importants dans les rapports économiques entre les Etats de cette sous-région. Dans ce registre, on peut aussi noter les sanctions politiques et économiques à l’endroit du peuple malien qui ont pour corolaire la baisse des échanges commerciaux avec les autres Etats de la CEDEAO. On ne peut aussi occulter les effets négatifs du terrorisme et de l’insécurité grandissante observés depuis un certain temps dans la sous-région Ouest-africaine. Toute chose qui influence négativement les activités de production et la libre circulation des personnes et des biens.

Mais la question principale qui recadre notre analyse est de savoir, comment ces chocs mondiaux et régionaux se répercutent sur le Bénin ?

 

2- Causes, manifestations et conséquences de la cherté de la vie au Bénin

C’est un secret de polichinelle que le monde est désormais un village planétaire et que les chocs économiques se propagent rapidement dans les 4 coins du monde avec tous leurs corolaires. Le Bénin étant un pays ouvert au monde et de surcroit un pays hautement extraverti en raison de sa forte dépendance des autres pays du monde, ne reste pas en marge de ces réalités économiques mondiales. Il subit, comme la plupart des autres pays, les effets du coronavirus, de la guerre Russo-Ukrainienne, de l’instabilité politique et de l’insécurité ambiante qui l’environne. Ainsi, la cherté des produits importés au Bénin est justifiée par :

• La baisse de la production mondiale due aux effets de la COVID-19 (on a déjà montré ci-haut que lorsque la production baisse, cela induit une augmentation des prix sur le marché). Notons que cette baisse de la production est expliquée à son tour par :

– Les pertes en vies humaines ;

– La fermeture de plusieurs unités de production sur plusieurs mois pendant que la COVID-19 sévissait (2020 et le premier trimestre 2021) ;

– Le confinement et les restrictions de circulation des personnes et des biens ;

– La hausse du prix des matières premières ;

– La hausse du prix des hydrocarbures ;

– Etc.

• La hausse des prix de transport qui est suivie d’une perturbation prononcée des chaînes logistiques depuis le début de la pandémie et qui est accentuée aujourd’hui par la guerre Russo-Ukrainienne ;

• La rigueur de l’Etat béninois dans la collecte des impôts et taxes à travers le PVI et l’utilisation imposée des factures normalisées à toutes les entreprises. Une bonne politique pour l’Etat de mobiliser efficacement ses ressources fiscales afin de faire face à ses nombreux projets de développement, mais malheureusement, ces taxes viennent alourdir les prix des biens et services sur le marché.

Par ailleurs, la cherté des biens et services produits localement (le maïs, le mil…) est provoquée par une baisse relative de la production par rapport à la demande intérieure et surtout par l’incursion des pays voisins sur le marché national. Effet, les pays limitrophes du Bénin tel que le Niger, le Burkina Faso et le Nigéria s’alimentent couramment en produits viviers sur les marchés béninois. Cet état de chose s’est intensifié ces derniers temps avec la baisse criarde de la production céréalière dans les pays limitrophes du Bénin. Ceux-ci siphonnent donc nos marchés en achetant nos produits vivriers plus chers que le prix du marché local.

En plus de ces raisons fondamentales, l’on peut noter aussi le comportement peu orthodoxe de certains commerçants qui surfent sur la situation actuelle pour augmenter de façon fantaisiste le prix de certains biens. C’est le cas par exemple du ciment, du gaz et autre.

3- Quelques mesures d’atténuation

Les politiques de lutte contre l’inflation s’attaquent aux causes du mal. Elles identifient des actions à mener pour repousser les facteurs déterminants l’inflation. Elles sont généralement de trois ordres : politiques d’action sur l’offre, des politiques d’action sur la demande et des politiques de régularisation des revenus. Mais en raison des causes évoquées dans cette analyse, nous penser principalement qu’il faut :

– Subventionner les producteurs locaux (agriculteurs, industriels et autres) pour espérer, à court et à moyen terme, une hausse de la production nationale ;

– Subventionner les produits de premières nécessité et les produits de grande consommation ;

– Alléger momentanément les tracasseries douanières et les charges fiscales sur les importations surtout pour ce qui concerne les biens de grande consommation ;

– Interdire momentanément l’exportation de la production locale ;

– Mettre en place un mécanisme de conservation de la production locale afin de faire convenablement face aux périodes de soudure ;

– Sensibiliser et motiver davantage la population sur « le consommons local. » C’est une politique importante pour mettre le pays à l’abri des chocs exogènes.

Conclusion

Eu égard à tout ce qui est détaillé ci-haut, nous retenons principalement que la cherté de la vie au Bénin est due principalement au prolongement des effets de la pandémie du coronavirus ; à la situation d’instabilité politico-économique enregistrée dans certaines régions économiques du monde (la guerre entre la Russie et l’Ukraine, les coups d’Etat en Afrique de l’Ouest, le terrorisme, etc.) ; au Programme de Vérification des Importations (PVI) ; aux réformes fiscales ; etc. Pour atténuer cette situation, il faut subventionner les producteurs locaux, subventionner les biens de grande consommation et les biens de première nécessité ; alléger momentanément les tracasseries douanières surtout pour ce qui concerne les biens de grande consommation ; interdire momentanément l’exportation des produits locaux ; mettre en place un mécanisme de conservation de la production locale (l’ONASA, par exemple) ; encourager le « consommons local ».

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