GAVAGE TRADITIONNEL DES NOURRISSONS : Une pratique meurtrière toujours en vogue

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Il ne passe pas une journée sans qu’un nourrisson ne soit gavé par sa mère dans une région de l’Afrique. Au Bénin, le gavage est une pratique courante chez les mères. Il consiste à obliger le nourrisson à prendre la bouillie ou autres liquides afin de l’assouvir. Mais cette pratique ancestrale transmise de génération en génération n’est pas sans conséquences sur ces nourrissons qui parfois passent de vie à trépas.

Wahabou ISSIFOU

Le gavage est une pratique qui consiste à faire absorber à l’enfant âgé entre 3 mois et deux ans régulièrement et souvent par la force de l’eau chaude, la bouillie ou d’autres liquides. Ainsi, pour le docteur pédiatre Edwige Djagoun, il existe deux types de gavage, « il y a le gavage traditionnel, ce que nos mamans pratiquent à la maison et le gavage médical ; c’est l’alimentation des enfants malades qui ne peuvent pas s’alimenter par la bouche, mais par la sonde ».
Pour ce qui concerne le gavage traditionnel, il se fait à l’enfant en position couchée ou assise. La mère puise la tisane ou la bouillie dans le creux de sa main qu’elle colle près de la bouche de l’enfant. Pour l’obliger à ingurgiter, elle pince le nez par intermittence. Le gavage est souvent pratiqué selon Sylvia mère pratiquante du cette méthode traditionnelle, lorsque l’enfant n’a pas la capacité de se nourrir lui-même ou lorsqu’il n’a pas d’appétit. « Je fais coucher mon enfant sur mes jambes pour lui donner la tisane parce qu’il est encore petit et ne peut pas la prendre lui-même. C’est ce que nos parents ont toujours fait pour nourrir leurs enfants. Ils l’ont fait à toutes mes sœurs ». Sakinatou Soulé va renchérir. Elle pense que c’est la meilleure manière de nourrir son enfant afin qu’il garde sa forme avec la bonne croissance de ses organes. Mais comme dans toute pratique, il y a le revers de la médaille.

De la vie à la mort

Dans la pratique du gavage, il survient parfois des fausses routes. Pendant que la mère oblige son nourrisson à prendre l’aliment, l’enfant se débat, pousse des cris rejetant à chaque fois une bonne quantité du liquide sur son corps et la main de sa mère. Le gavage ne dure que quelques minutes et quand c’est fini, l’enfant est soulagé. « C’est pour son bien et c’est sans violence. Elle doit manger pour prendre des forces et bien grandir », va tenter d’expliquer Raïssa Alassane. Mais pendant ce temps, c’est le contraire chez d’autres femmes qui exagèrent dans leurs actions créant ainsi des dommages chez leurs enfants. « Le gavage traditionnel est une très mauvaise pratique qu’il faut bannir, parce qu’au cours des gavages, l’enfant peut inhaler la bouillie ; c’est-à-dire que la bouillie peut passer de travers et aller vers les poumons, inonder parfois même les poumons. Et cela entraine comme conséquence, l’arrêt des échanges gazeux. Donc il n’y aura plus d’échange d’oxygène et de Co2 au niveau des poumons…c’est la mort qui s’en suit si les conditions de réanimation ne sont pas immédiates », va marteler la doctoresse pédiatre Edwige Djagoun. Un avis que semble partagé Philomène Zinsou qui a déjà été victime de cette pratique qui a emporté son enfant. « C’est vraiment dangereux cette chose. Tellement ça va vite qu’il est difficile d’éviter le pire. Ma fille est partie sans que je ne sache. Puisqu’elle refuse de prendre la bouillie simplement avec la cuillère, j’ai essayé de la forcer en lui fermant les narines, mais quand j’ai relâché mes doigts, c’est la bouillie qui est sortie de ses narines et elle a commencé par grimacer dans mes bras…je ne savais plus quoi faire. En appelant le secours dans la maison, je lui ai versé de l’eau sur la tête, mais cela n’a rien fait… », a-t-elle expliqué les larmes aux yeux en jurant de ne plus jamais conseiller un proche à pratiquer le gavage.

Quelle alternative alors ?

« C’est une pratique qu’il faut décourager avec la dernière rigueur. On a déjà vu beaucoup d’enfants mourir à cause de ça. Même dans mon centre, dans la clinique pédiatrique de Parakou, il y a beaucoup de décès qu’on enregistre parce que les parents ont gardé leur enfant à la maison. Et on ne fait que constater le décès à la maison », a indiqué la pédiatre Edwige Djagoun Challa en précisant qu’il y a beaucoup d’autres astuces pour faire manger un enfant que de faire recours au gavage, car « la faim ne tue pas un enfant, mais le gavage peut tuer ». L’idéal est donc de faire recours aux spécialistes dès qu’un nourrisson a un problème pour s’alimenter.

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