Le 24 février 2023, cela faisait une année qu’a démarré le conflit armé entre la Fédération de la Russie et l’Ukraine. Plusieurs nations se sont faites entendre pour condamner ou soutenir l’un des belligérants de cette guerre russo-ukrainienne. La chaîne française Lci a reçu comme invité du journal télévisé, le Chef de l’État béninois Patrice Talon le dimanche 5 mars 2023. Au nom du peuple béninois, Patrice Talon a condamné l’intervention armée de la Russie sur le territoire de son voisin l’Ukraine. Il a également donné sa vision des grands enjeux internationaux, de l’Afrique et du Bénin. Voici l’intégralité de son intervention ci-dessous.
Florent YAMA (Stg)
« Ce qui me préoccupe pour le Bénin, c’est la guerre en Ukraine. Cette guerre est malheureuse. La Russie est un ami du Bénin de vieille date et malgré l’intervention de la Russie en Ukraine, elle demeure une amie du Bénin. Mais ce n’est pas parce-que nous sommes des peuples amis qu’il faut se garder de ne pas condamner ce que fait la Russie en Ukraine.
Le Bénin condamne la Russie parce que l’usage de la force n’est pas à promouvoir. Cela est dangereux parce-que si on banalise ce fait là où on exprime de la neutralité, ce serait une façon de promouvoir l’usage de la force pour régler les conflits internationaux. Cela est dangereux notamment pour les pays du Sud comme le Bénin et encore davantage pour les pays qui ont une force militaire faible ou qui n’ont pas de puissance militaire.
Je ne veux pas juger de l’opportunité de son intervention. L’usage de la force, est-ce que la cause est juste ? Est-ce que la cause est pertinente ? Ce n’est pas le débat. Donc évitons de chercher si une cause, fut-elle juste, puisse justifier l’intervention de l’armée dans la relation internationale. Il ne faut pas que la force soit le moyen de règlement des conflits quelle que soit la pertinence de la cause.
Mais toutes les grandes puissances des grandes nations font dans une séduction. Chacun veut étendre sa sphère d’influence. Je ne sais pas si le mot convient aujourd’hui. Mais étendre sa sphère d’influence c’est commun aussi bien à la France, à la Russie, la Chine, les États-Unis, l’Angleterre, toutes les grandes puissances. Les relations humaines sont d’ailleurs caractérisées par ce genre de volonté.
La Russie est dans une phase difficile. La guerre que la Russie mène en Ukraine l’oblige à se justifier et à étendre son cercle d’amis. Donc c’est normal que dans cette phase actuelle est soit plus active en terme de séduction. Mais je continue de dire que tous les Etats et les responsables/dirigeants des pays devraient s’abstenir de banaliser ou d’être neutres parce qu’on peut avoir un ami et si l’ami fait quelque chose qui est préjudiciable pour l’ensemble de l’humanité, il faut le dire. L’usage de la force n’est pas souhaitable. Ça devient de la banalité et tout le monde le fera. Ce sera dangereux pour les pays comme les nôtres.
Le Bénin n’a pas à aider un pays contre un autre. Nous ne pouvons pas être un allié de la France contre la Russie. Et nous ne pouvons pas être l’allié de la Russie contre la France, la Chine et consorts.
Wagner vient dans un environnement où nous parlons de la guerre que la Russie mène en Ukraine. L’environnement est assez pollué. Wagner est un prestataire armé privé. La notion d’appel à un prestataire privé armé militaire n’est pas nouvelle. On a vu en Afghanistan qu’il y a eu des sociétés de sécurité privée qui sont intervenues pour protéger les édifices et consorts. Ce principe n’est pas condamnable quoi que l’idéal serait que tout ce qui est armé soit public et non privé.
Je suis bien relativiste. Si la mission de Wagner est purement sécuritaire au service d’un pays qui est en proie à l’insécurité, au djihadisme et qui n’a pas les moyens humains, techniques, n’a pas les hommes qu’il faut et que le pays fait appel à une sécurité privée, ce principe n’est pas condamnable.
Si le recours d’un pays africain à un prestataire privé armé n’a pas d’autres objectifs que le soutien pour le code sécuritaire, là c’est condamnable. Donc si Wagner intervient dans ces pays pas pour apporter purement une prestation sécuritaire et que ça va servir un régime pour des exactions et consorts, cela est condamnable.
L’Afrique est confrontée à un problème sécuritaire grave. Les armes circulent et on sait très bien que l’explosion de la Libye est un facteur déterminant. La Libye a explosé suite à la chute de Kadhafi. Dans le quotidien des Africains aujourd’hui où on voit les armes de guerre circuler librement et aisément au détriment de la paix et de la sécurité des uns et des autres. Vous savez, la fin justifie les moyens. Ce qui se passe aujourd’hui peut être mis en balance avec ce que Kadhafi était hier pour savoir si la chute d’un monsieur malgré tout ce qu’on peut lui reprocher, quand on regarde l’Afrique, qu’est-ce qu’il fallait faire ou ne pas faire. Le monde va heureusement, malheureusement avec les constances du jour pour détermination du jour. Si on devrait savoir l’avenir, on saura combien de choses on ne ferait pas et combien de choses on ferait.
Les temps ont beaucoup changé, il faut l’avouer et il faut le reconnaître. Il subsiste encore beaucoup de fantasme au titre des relations entre l’Afrique et la France. La tournée actuelle du président Macron et son discours avant sa tournée tombent bien. Ça clarifie beaucoup de choses. Nos populations ont encore beaucoup l’impression que l’État français a encore beaucoup d’intérêts en Afrique et qu’elle tente de les défendre coûte que coûte. Il faut avouer que l’association n’est plus pareille comme il y a quelques décennies. Elles ont beaucoup changé. Une partie de la population africaine évolue et n’est plus accrochée au passé.
Le président Macron est un président jeune. Certains de nos compatriotes perçoivent encore certains propos comme du paternalisme. Ce comportement doit être gommé de leur tête.
Il ne faut pas que les migrations ou la nécessité de combler le déficit démographique en Occident, en Europe conditionne les politiques africaines de développement en termes démographique. Nous sommes confrontés aujourd’hui à un drame. Le taux de croissance de la démographie est trop élevé et en décalage avec nos capacités à investir dans l’infrastructure, dans l’éducation, la santé et dans la création d’emplois.
Il faut contrôler la progression de cette démographique, et donc contrôler les naissances. Beaucoup de pays sont parvenus et il faut trouver les moyens d’inciter au contrôle des naissances. Il faut que les dirigeants africains que nous sommes, nous œuvrons pour le bien-être de nos concitoyens aujourd’hui et demain. Et pour cela, il faut contrôler les naissances pour limiter le taux de croissance de la démographie, que nos moyens soient en adéquation avec la population.
La Chine est une puissance incontournable. Elle donne l’exemple qu’on peut partir de rien de devenir une puissance. La Chine m’inspire beaucoup. L’effort sur soi, la bonne gouvernance sont des éléments qui devraient inspirer tous les pays sous-développés. Il faut que chaque individu puisse vivre librement sur terre et s’exprimer en ce qui concerne la gouvernance de sa communauté. C’est un bien inaliénable. Faut pas que la démocratie soit un leurre ».