GROUPEMENTS DE TONTINES AU BENIN : Des creusets légendaires de solidarité

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GROUPEMENTS DE TONTINES AU BENIN

Des creusets légendaires de solidarité

Les communautés béninoises sont souvent caractérisées par un fort désir d’entraide qui s’exprime de plusieurs manières dans la société. Cet esprit de solidarité et d’entraide se matérialise souvent par la formation presqu’instinctive des groupements de diverses tontines à des fins économiques ou sociales. Ainsi pour l’atteinte de cet objectif les membres de ces groupements décident d’épargner avec le consentement de tous. Les règles et les modalités sont déterminées dans une approche très participative. Cependant, bien que ces regroupements constituent une solution pour la vie des communautés, il arrive qu’ils se mutent en source de tension.

Wahabou ISSIFOU

Les tontines de solidarité sont de plus en plus présentent dans la société béninoise. Que ce soit dans les administrations, les marchés, les entreprises, les établissements, les écoles et autres, plusieurs personnes de différentes classes sociales s’adonnent à ces tontines de solidarité qui leur permettent de réaliser leurs différents projets. Ainsi, plusieurs raisons sont évoquées pour justifier leur choix. La confiance, la fraternité, le fait de vite entrer en possession des sous en cas de besoin, l’inexistence de formalités, sont entre autres les raisons avancées par certains membres. Amina I., membre d’un groupement de femmes au marché Dépôt se justifie en ces termes, « moi je fais ces tontines parce qu’il y a moins de tracasseries. On ne me demande rien comme papier parce qu’on se connait déjà, ce qui n’est pas le cas au niveau des banques.» De plus elle pense que ce mode d’épargne lui permet d’avoir de l’aide en cas d’urgence. « Si par exemple j’ai une situation, ça peut être la nuit, si j’appelle la présidente du groupe, je peux trouver solution », a-t-elle ajouté.

Les types de tontines

On distingue deux types de tontine de solidarité. Il y a la tontine rotative et la tontine à accumulation. En ce qui concerne la tontine rotative, les participants s’engagent à verser une somme prédéterminée à une fréquence donnée. Cette fréquence varie d’un groupe à un autre. Pour chaque tour de versement, l’un des participants est désigné pour être le bénéficiaire de fonds des autres participants. A ce niveau deux modes de désignation de bénéficiaire existent. Selon Sylvain K., responsable d’un groupement de fonctionnaires dans la cité des Koburu, soit il y a tirage au sort avant chaque versement, soit le tirage au sort se fait une seule fois au début du cycle et les participants bénéficient des versements en fonction du numéro qu’ils ont tiré au sort. Il poursuit, «… lorsque tous les participants ont été bénéficiaires des fonds une fois, le cycle de la tontine est terminée. A la fin du cycle quand tous les participants ont déjà reçu le versement, un nouveau cycle est généralement entamé.». Il faut retenir qu’à ce niveau pour le premier bénéficiaire la tontine s’apparente à un crédit et pour le dernier participant la tontine s’apparente à une épargne. Pour Christian T., membre d’une association de cotisation, le nombre de participants à une tontine est en principe connu au début du cycle. Cependant d’autres membres peuvent rejoindre avant que tous les anciens participants aient bénéficié des fonds. Dans ce cas, va-t-il précisé, chaque nouvel arrivant donne son épargne à chacun des anciens participants qui ont déjà perçu les versements. Il ne faut pas oublier que la tontine est aussi bien utilisée par des groupes de femmes que d’hommes ou des deux ensembles.

Pour la tontine à accumulation, les cotisations ne sont pas redistribuées à un des membres, mais accumulées dans la caisse du groupe. Les fonds ainsi collectés appartiennent à la caisse jusqu’à ce que les membres décident d’effectuer un partage, c’est-à-dire de redistribuer tout l’argent accumulé aux membres. Entre-temps l’argent est investi de la façon dont les membres en ont décidé collectivement. Le plus souvent, les fonds sont octroyés aux membres sous forme de crédit ou de prêt. Selon Christian T. les conditions du crédit sont décidées collectivement, conditions d’obtention, durée, intérêt, échéance et remboursement, recouvrement et sanction en cas de retard dans le remboursement etc. Ainsi, les membres empruntent auprès de la tontine pour mener des activités économiques. Ils remboursent ensuite la tontine, capital et intérêts. Les crédits étant souvent courts avec des intérêts relativement élevés, les fonds disponibles s’accroissent rapidement, ce qui permet aux membres d’emprunter plus, plus longtemps et ainsi de développer progressivement leurs affaires. «Au moment du partage les membres reçoivent nettement plus que ce qu’ils ont cotisé. A partir de cet instant ceux qui ont avant tout besoin d’épargner et ceux qui ont besoin de crédit y trouvent tous leur compte. La somme importante ainsi récupérée peut permettre un investissement à long terme, ou de faire face à une dépense importante prévisible telles que les fêtes religieuses ou familiales, les frais de scolarité etc.», a expliqué Mathias Agboton, membre du bureau d’une association d’artisans. Quant à Rébecca O. membre d’un groupement de femmes, «grâce à cette tontine, j’ai pu réaliser beaucoup de choses, sincèrement je ne pourrai pas dire combien ces sous m’ont beaucoup aidé.»

De plus, les tontines à accumulation offrent souvent des services d’assurance à leurs membres en cas d’accident, de maladie ou de décès d’un proche. Ces assurances peuvent prendre la forme de cotisations exceptionnelles qui sont données aux membres ou de crédits d’urgence sans intérêt et avec une souplesse dans le remboursement. A côté de ces deux formes, parfois certaines de ces tontines sont destinées uniquement pour soutenir les membres en cas d’événements malheureux ou heureux.

Qu’on le veuille ou non, ces tontines connaissent un succès car elles renforcent les liens d’amitié et de solidarité entre amis, collègues ou familles. Ces différentes tontines bien qu’importantes présentent également des limites.

Des limites…

La participation aux tontines est bien régie par des règles à la base. Mais des limites existent. Elles sont relatives au niveau de vie des différents membres qui ne sont pas forcément de la même classe sociale. Ainsi, le montant épargné n’est pas toujours suffisant aux yeux de ceux qui sont d’une classe sociale plus élevée. Alors pour ne pas frustrer les autres membres, ils font recours au système bancaire qui pour eux leur permet d’épargner des montants plus élevés. Claude P., Entrepreneur à Parakou se fait clair, « je fais la tontine avec les autres mais pour les gros montants que je gagne je les dépose sur mon compte bancaire.» Même son de cloche chez Nazirou Sidi, commerçant qui pense que tout ce qu’il gagne ne peut pas faire objet d’épargne dans ces différents regroupements. «Après tout, il faut être prudent, on ne sait jamais. Il faut mettre aussi une partie à la banque pour éviter d’autres problèmes», a-t-il ajouté. Dans bien des cas plusieurs des membres de ces groupements sont victimes d’abus de confiance de la part des responsables ou de la mauvaise foi d’autres membres. Ce qui rend réticentes bon nombre de personnes.
Le système bancaire n’a donc pas failli ?
Pour Armand, agent dans une banque de la place tout le monde y trouve son compte. «La banque a toujours son importance. D’ailleurs les gros dépôts se font chez nous et c’est mieux ainsi. Au niveau de ces groupes, il n’y a pas une assurance à 100 %. Chez nous c’est formel et les papiers existent.», a-t-il martelé.

De ces propos l’on peut affirmer sans risque de se tromper que les tontines de solidarité jouent un rôle prépondérant dans la mesure où elles renforcent les liens en termes de brassage et permettent aux différentes familles de s’épanouir.

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