KALETA AU BENIN : Un terreau de la solidarité légendaire des béninois

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KALETA AU BENIN

Un terreau de la solidarité légendaire des béninois

De mi-décembre à mi-janvier de chaque année, impossible de se promener dans les rues du Bénin sans rencontrer ces gamins en joie autour des masques, communément appelés Kaleta. Ces masques qui ont marqué l’enfance de plus d’un des béninois, surtout dans la partie méridionale du pays, continuent de résister au temps malgré le vent de modernisation qui souffle sur le continent. Le Kaleta, au-delà d’un simple masque porté par de petits garçons à l’approche des fêtes de fin d’année, se présente comme un véritable vecteur de la sociabilité de l’enfant et le terreau de la solidarité légendaire des béninois.

Édouard ADODE et Samiratou ZAKARI (Stg)

Le kaleta est autrefois plus connu dans le sud du Bénin notamment dans les départements de l’Atlantique, du Littoral, du Mono etc. Cette société de masque est formée de groupe d’enfants autour de l’un ou deux des leurs masqués ayant la taille entourée de raphia et dans un accoutrement qui ne laisse transparaitre aucune partie du corps du porteur du masque. Ces gamins se partagent des rôles au sein du groupe pour assurer une animation culturelle ambulante dans les rues et les maisons pour égayer les adultes et les autres enfants. Après chaque prestation, les adultes généreux font don de petites pièces d’argent au groupe en guise d’encouragement. Ainsi, chaque groupe de Kaleta comporte exclusivement une dizaine de garçons qui, pour jouer les tamtams de fortune, qui pour entonner certains chants populaires connus de tous et les autres assurent le chœur. Les enfants désignent entre eux à chaque sortie de Kaleta, un ou deux porteurs de masque. Ces porteurs de masque constituent le principal point d’attraction du groupe. Raison pour laquelle pour faire porter le masque à quelqu’un du groupe, les autres enfants s’assurent des qualités de bon danseur de celui-là, car de la capacité de bien exécuter les pas de danse des porteurs de masque, dépendra le ‘’chiffre d’affaire’’ du groupe.

Les valeurs du Kaleta

Étant un vecteur d’unification autour d’un idéal, le Kaleta véhicule plusieurs valeurs qui permettent de forger la personnalité des adultes de demain. Au nombre des valeurs qui sont attachées à ce masque historique, on peut noter la discrétion, l’esprit d’équipe, la solidarité, l’endurance, la maitrise de la culture…

La discrétion. Le kaleta se présente comme le premier couvent de l’enfance, du fait que le port de masque se fait en cachette loin de tout regard intrus. Une fois le masque porté, tous les membres du groupe sont tenus de garder secret le nom du porteur pendant et même après la sortie du Kaleta. Également, le porteur lui-même ne doit en aucun cas révéler à qui que ce soit son identité étant dans l’accoutrement ou une fois la saison passée. Quiconque enfreint à cette règle est d’office exclu du groupe et ne pourra jamais y réintégrer. « C’est une véritable école où l’enfant apprend à garder le secret », confie Jean Agbogba ancien Kaleta, aujourd’hui père de famille.

L’esprit d’équipe. Loin de tout regard d’adulte, des jeunes garçons s’organisent et se partagent des tâches à exécuter. « Nous nous retrouvons derrière, l’école de notre quartier dans une maison inachevée à partir de 17heures 30, et c’est là nous faisons les préparatifs. Pour les accoutrements et les masques, chacun apporte ce qu’il a, et on cotise de l’argent pour acheter ce qui manque pour commencer », a expliqué Anicet Bokouè, le plus âgé d’un groupe de Kaleta rencontré dans les rues de Parakou. « Avant que nous ne sortions, chacun sait déjà ce qu’il a à faire et chacun joue son rôle. Le soir au retour à la maison, nous confions la recette du jour à un parent à qui nous avons confiance. À quelques jours de la grande fête, on partage à part égale tout ce qu’on n’a pu réunir avec l’assistance de ce parent », a-t-il ajouté. Jean Agbogba confirme ces propos et rappelle, «  c’est grâce à Kaléta que je m’achetais les chaussures des fêtes quand j’étais enfant. C’est merveilleux ! »

La solidarité. Les membres d’un groupe de kaléta savent se soutenir mutuellement même au delà de la période du Kaléta. « Mes meilleurs amis jusqu’à présent, ce sont ceux-là avec qui j’étais resté dans le même groupe de kaléta. Dans les évènements malheureux tout comme heureux, je les vois toujours. En tout cas, nous continuons de nous entraider, même ceux qui sont actuellement à l’étranger, nous gardons de très bonnes relations et des souvenirs inoubliables », a rappelé Jean Agbogba la soixantaine déjà.

Le kaléta d’hier à aujourd’hui

Le Kaléta ce masque qui constitue l’une des traces laissée par la traite négrière, se porte mieux au Bénin, mais reste parfois inconnu de certains enfants issus de certains milieux modestes. Ainsi, du fait de ces parents qui voient cette valeur culturelle, comme un phénomène diabolique ou la chose des enfants de pauvres, leurs enfants sont totalement étrangers à cette réalité culturelle de leur pays. Comme en désolent les organisateurs des festivals Kaléta au Bénin. Des initiatives privées qui visent à sauvegarder le Kaléta et sa philosophie afin de le faire connaitre à tous les béninois, quel que soit leur rang social.

Donc, il est nécessaire que les parents commencent par permettre aux enfants de participer à ces mouvements traditionnels enfantins qui forgent la personnalité de l’enfant. Ainsi, le Kaléta ne saurait disparaitre sous aucun prétexte. Car, il fait partie intégrante du patrimoine culturel du Bénin et un facteur de socialisation des enfants.

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