MARCHE KOUTCHETA-TCHAKITIBAM DE PARAKOU : Un pôle économique aux saveurs de l’Atacora

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MARCHE KOUTCHETA-TCHAKITIBAM DE PARAKOU

Un pôle économique aux saveurs de l’Atacora

. Plus de 5000 litres de tchoucoutou consommés chaque samedi

Dans la commune de Parakou comme d’ailleurs dans la plupart des communes du Bénin, les marchés sont des lieux d’échanges commerciaux et de rencontres qui contribuent énormément au rayonnement économique. Mais, certains de ces marchés se démarquent de par les types de marchandises qui sont échangées entre vendeurs et acheteurs. Le marché Koutchéta-Tchakitibam de Parakou est l’un de ceux-ci. Construit de plein pied dans la cité des Koburu, ce marché est de l’Atacora, par l’Atacora et pour l’Atacora.

Barnabas OROU KOUMAN

Samedi, 16 heures. C’est l’heure de pointe au marché Koutchéta-Tchakitibam, construit dans le quartier Arafat, dans le deuxième arrondissement de Parakou. Au niveau de l’entrée principale, vendeurs, acheteurs et visiteurs se bousculent. Les étalages de diverses marchandises se ravissent la vedette. Les unes, soigneusement posées sur les tables et d’autres posées à même le sol. Un regard circonspect, rien d’anormal à l’instar des marchés de la localité. Et pourtant, lorsque vous levez le nez, une odeur particulière attire toute l’attention. Quelques pas en direction du centre du marché et on découvre l’origine de l’odeur, objet de la curiosité. Il s’agit de la boisson locale reconnue sous le nom de « Tchoucoutou ».

Des femmes élégamment habillées sont assises devant des sceaux de débit de boisson. Des clients des deux sexes encerclent ces dernières pour la dégustation du prestigieux « Tchoucoutou », une boisson localement et artisanalement produite. Tout au tour du marché, on retrouve des grillades. Viandes de poulets congelés communément appelés ‘’Cajaf Comon’’ au Bénin, du porc et du chien fument lentement sur des grillages. On y remarque aussi la présence des joueurs de différents jeux de hasard du genre casino, appelé le ‘’Chacha‘’. Toute l’ambiance vous renvoie dans l’un des quartiers de la cité des Nanto, Natitingou. Pourtant, cela se passe à des centaines de kilomètres de « Nati la belle » c’est-à-dire en plein pied dans la cité des Koburu.

Le marché Koutchéta-Tchakitibam s’anime une fois par semaine, tous les samedis. Pour Augustin Kouagou, un sage du quartier Arafat qui a vu naître ce marché et ancien membre de son comité de gestion, la spécificité du marché Koutchéta-Tchakitibam est le Tchoucoutou, la grillade de la viande du chien, de la viande de porc et la femme. «  Dans notre marché, on trouve ce qu’on ne peut trouver ailleurs, ici à Parakou. Nous avons la viande du chien, la viande du cochon, le Tchoucoutou et la femme, pendant la nuit », a-t-il laissé entendre. Une spécificité qui selon lui, ne peut être saisie sans la compréhension de l’historique dudit marché.

L’histoire du marché Koutchéta-Tchakitibam

Le marché Koutchéta-Tchakitibam est un chef d’œuvre des peuples de l’Atacora. Selon Augustin Kouagou, les ressortissants de l’Atacora d’alors, c’est-à-dire l’actuel Atacora-Donga, se retrouvaient tous les samedis le long de la voie pour la vente et la consommation du Tchoucoutou. Ce qui occasionnait fréquemment des accidents de circulation. Ainsi, une délégation est allée rencontrer le responsable départemental de la chambre de commerce et d’industrie de l’époque, Jean-Marie Rufino. Celui-ci donna autorisation pour que le marché naissant s’installe provisoirement sur le site de l’école normale des instituteurs du Borgou qui abrite aujourd’hui l’université de Parakou. Lorsque l’université décida de réaliser sa clôture, elle sollicita une libération de ses locaux. Ainsi, le marché est déplacé sur l’actuel site qui était une carrière de latérite. Mais, la latérite enlevée avait laissé derrière elle un trou de 5 mètres de profondeur. Ce qui d’ailleurs ne facilitait pas l’installation. C’est ainsi que la population sollicita l’aide de la municipalité de Parakou. Une aide qui n’a pas été apportée à cause des moyens limités de la mairie. Et comme une grâce, l’ancien ministre de Yayi, Barthélemy Kassa arriva avec tout le pouvoir qu’on lui connaissait en matière de lobbying. C’est celui-ci qui managea le président de la République. Les travaux commencèrent à la veille des législatives de 2011. L’actuel site est inauguré le samedi qui précédait les élections législatives.
Augustin Kouagou explique également que le nom Koutchéta-Tchakatibam vient de deux langues, le Lokpa et le Ditamari. Koutchéta signifiant « changement » vient du Ditamari et Tchakitibam veut dire « Tu vas boire et tu restes en paix » en langue Lokpa.
Il confie enfin que ce nom n’est lié à aucune anecdote mais seulement un signe de l’union entre les peuples de l’Atacora et de la Donga. Deux peuples qui se sont unies pour donner de la joie à Parakou.

Les acheteurs se régalent et les vendeurs se frottent les mains

Tous les samedis, au marché Koutchéta-Tchakitibam, c’est une fête. Les usagers viennent de différents quartiers de Parakou pour se régaler autour de la viande et de la boisson. « Le samedi, c’est le début du week end. Après la semaine de travail il faut trouver un bout de temps pour se défouler », déclare Hyppolite N’Dah rencontré à l’intérieur du marché. Une réjouissance qui génère également des sous pour la trésorerie de la mairie. Selon Dramane Yacoubou, conseiller local du quartier Arafath et membre du comité de gestion du marché Tchakitibam, les agents recouvreurs de la mairie délivrent des tickets aux vendeurs. Il estime que, même si les fonds collectés ne sont pas gérés par le quartier qui abrite le marché, ceux-ci participent à la construction des voies, à l’éclairage et à l’assainissement de la ville. Quant aux vendeuses de Tchoucoutou, elles se frottent également les mains compte tenu des chiffres d’affaires qu’elles réalisent chaque samedi. Pour Christine N’Dah, vendeuse de Tchoucoutou, ce sont des centaines de mille de francs qui circulent tous les samedis dans ce marché. Elle confie, « ça marche très bien ici. On vend très bien. Je vis de mon commerce depuis plus de trois ans que je suis là ». Cet avis est partagé par Jeanne N’Koué alias ‘’Mademoiselle 15 ans’’ qui ajoute, « tous les jours, je vends bien. Mais les samedis, je suis aux anges. Les clients viennent nombreux ».
Cependant, la fête et l’économie constituent l’arbre qui cache la forêt sur la situation sécuritaire et hygiénique dans laquelle vivent les usagers. Une situation qui d’ailleurs amène les usagers à solliciter l’aide et l’accompagnement de l’autorité.

Une calebasse de Tchoucoutou

 

Une vendeuse de Tchoucoutou entourée de ses clients au marché Tchakitibam

Le marché Koutchéta-Tchakitibam aurait pu être le « Las Vegas » de la ville de Parakou si l’insécurité et l’insalubrité n’étaient pas la quadrature du cercle de ce centre commercial. On note la présence d’une pompe, mais l’électricité est encore absente. La bonne gestion des ordures est loin d’être une réalité. Les ordures sont entassées non loin des hangars. Ce qui dégage une odeur nauséabonde. Il existe des latrines publiques mais celles-ci sont abandonnées. Les usagers se refusent de payer. Dramane Yacoubou, le chef quartier explique, « les gens n’aiment pas payer pour se mettre à l’aise. Quand on boit Tchoucoutou, on urine trop. Par conséquent, ils urinent partout et c’est ce qui occasionne toutes ces odeurs ». A côté de cette insalubrité, on note également une grande insécurité. Selon les riverains, même en plein jour les gens sont braqués. Une situation que confirme le chef quartier d’Arafat Dramane Yacoubou, et qui témoigne, « la fois dernière, c’est aux environs de 18 heures qu’une dame s’est fait dépouiller de tout ce qu’elle avait, téléphone portable androïde, porte-feuille et autres objets. Heureusement que le commissariat de Banikanni est toujours là pour nous aider ». Des témoignages de ce genre existent à profusion. Cette insécurité est accentuée par la présence d’une mini forêt à quelques mètres du marché. « Voyez-vous cette pépinière là, c’est là tous bandits et voyous de la ville viennent pour prendre de la drogue », renseigne Mathias Kombéto, un riverain.
Ainsi, un appel est lancé à l’endroit des autorités afin que celles-ci assurent un minimum de sécurité pour que les usagers retrouvent toute la joie.

Il ne fait plus l’ombre d’aucun doute que le marché « Tchakitibam » est une source de revenue économique pour les populations et l’administration locale. Il est également clair que ce marché constitue un lieu de rencontre, de retrouvailles et au delà de tout, un endroit où des populations d’une partie du pays se retrouvent comme chez elles. C’est simplement le lieu d’expression d’une identité culturelle. Si besoin en était encore de le rappeler, les autorités municipales, et au plus haut niveau doivent plus s’investir pour faire de ce lieu, un patrimoine touristique à valoriser.

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