MEUNERIE AU BENIN : Le métier des dignes oubliés de la société

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MEUNERIE AU BENIN

Le métier des dignes oubliés de la société

 

La ration alimentaire des béninois du Nord au Sud est composée en majeure partie de pâtes de farine de céréales ou de tubercules. Ainsi, la transformation de ces vivres est un besoin qui se faisait sentir depuis la nuit des temps. La satisfaction de ce besoin pressant fait la raison d’être des meuniers qui constituent des maillons essentiels de l’industrie agroalimentaire au Bénin. Ce métier très important et un peu spécifique, nourrit une frange de la jeunesse béninoise, surtout celle déscolarisée qui s’oriente facilement vers ce secteur, bien qu’il constitue une source de pollution et de plusieurs maladies. Un tour dans l’univers des meuniers de Parakou, permet de se rendre compte des méandres de ce métier qui évolue avec le temps.

Edouard ADODE

Assis sur un tabouret entre la dynamo et la ‘’tête’’ du moulin, Alain la trentaine environ est tout souriant en faisant son travail. Ses cheveux blanchis par les farines de maïs emportées par l’air, torse nu, portant une culotte jeans dont la vraie couleur reste difficile à deviner. Il est un meunier. Alain passe le clair de sa journée en contact avec le moulin. « Ma journée commence à partir de six heures du matin et prend fin vers vingt deux heures », a confié le jeune-homme. « Je me suis lancé dans ce métier depuis près de dix ans. C’était suite au décès de mon père. J’étais en classe de quatrième en ce temps. Je n’avais aucun soutien. J’ai commencé par faire des jobs au village pour aider ma mère à s’occuper de mes jeunes frères, c’est ainsi qu’un ami à mon feu père m’a proposé de m’amener à Parakou pour travailler dans son moulin », a-t-il narré. L’histoire de ce jeune-homme est pareille à celle de tous ceux qui interviennent dans ce secteur. Ils sont pour la plupart des jeunes qui ont connu une enfance difficile et n’ayant pas eu la chance d’évoluer dans les études et n’ayant pas appris un métier, ou encore, certaines personnes du troisième âge. Cependant, on rencontre également dans le rang de ceux-ci des apprentis qui sont en congé de libération et certains élèves pendant les congés et les vacances.

Sales, mais dignes de respect

Ces vaillants travailleurs de la société ne sont pas souvent considérés dans la société. Ils sont regardés comme des clochards ou des vauriens pour la plupart du temps. « Oui c’est un métier, mais je ne souhaite pas que ma fille épouse quelqu’un qui fait ce travail, c’est humiliant pour elle », fait remarquer Suzanne mère de famille. Ainsi, pour le commun des béninois, ce métier est un métier de force majeure juste pour ne pas voler. Mais pourtant ceux qui l’exercent y tirent assez de profits. Comme l’explique Alain, « au début, j’étais gêné de faire ce travail. Mais aujourd’hui je suis fier de ça parce que grâce à mon métier, je mange bien et j’envoie de l’argent au village. Avec ça, j’ai gardé mes trois frères qui aujourd’hui, l’un a déjà fini l’université. J’ai acheté un moulin que j’ai déposé au village pour ma mère. Bientôt, je vais finir de payer pour ma parcelle à Tourou ». Tout comme lui, Alassane, la soixantaine environ confirme, « moi, j’ai quatre moulins ici à Parakou. Or, j’ai commencé dans les années 90 en tant que meunier à Cotonou. Chacun de mes moulins est sur l’une de mes parcelles. Je n’ai jamais fait un autre travail ». «  Si tu prends au sérieux ce que tu fais, ça peut t’enrichir », a-t-il conclu.

Les risques du métier

La meunerie est un métier qui expose, et meuniers et riverains au bruit assourdissant du moulin. Ainsi, les meuniers souffrent souvent de problème d’audition. Les maux de tête atroces, la fatigue générale et des maux de reins. Pire, à long terme, ils peuvent souffrir des maladies pulmonaires à cause de l’inhalation des farines au quotidien. Ce métier est une véritable source de pollution sonore et parfois atmosphérique pour les moulins qui fonctionnent à base des carburants. Raison pour laquelle les autorités étatiques suivent de près l’exercice de ce métier. Parfois, on note également des interventions de ces dernières pour mettre de l’ordre dans l’installation anarchique des moulins dans les agglomérations ou à côté des écoles. Comme le confirme Sanni Orou, directeur départemental du cadre de vie et du développement durable Borgou/Alibori, « c’est l’une des pollutions sur lesquelles nous sommes suffisamment sollicités. Ce que nous faisons souvent, c’est, soit nous arrêtons carrément après mesure avec le sonomètre. Si nous constatons que pour la santé, ce n’est pas vivable, nous fermons carrément, et demandons au propriétaire de déplacer son moulin ». Il fait savoir que, « lorsqu’ils peuvent cohabiter, on leur demande de respecter les heures de repos afin de permettre aux enfants d’étudier ».
Il est noté que ces moulins qu’on retrouve un peu partout au Bénin sont la cause de plusieurs maladies dont souffrent les populations. Car, après avoir écrasé les céréales ou les tubercules, il y a forcément des débris de métaux qui se déposent dans les farines. Or ces farines finissent dans les assiettes des uns et des autres pour être ingurgiter.
Au demeurant, la meunerie est un métier essentiel dans l’industrie agroalimentaire au Bénin. Car, il constitue un métier à part entière comme les autres. Raison pour laquelle, qu’il urge que l’Etat accorde une attention particulière à ce métier pour la préservation de la santé des populations. De même, la réorganisation du secteur s’impose pour la professionnalisation des acteurs qui y interviennent.

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