POLLUTION DES EAUX MARINES À GRAND-POPO : Le ministre Tonato apporte des explications aux questions des députés

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Les députés béniniois veulent savoir plus sur la gestion de la pollution des eaux Marines à Grand-Popo. A cet effet, ils ont adressé un questionnaire au gouvernement à travers le ministre du cadre de vie et du développement durable Didier José Tonato. Ces parlementaires ont cherché à savoir quelle évaluation le gouvernement béninois fait par rapport aux impacts socio- environnementaux des effluents de phosphates sur les ressources biologiques et les « écosystèmes marins dans cette zone menacée ? Pourquoi cette situation persiste-t-elle depuis des années sans que le gouvernement ne prenne des mesures pour amener le gouvernement togolais à cesser les préjudices causés au Bénin par les eaux usées de cette usine d’explication ? Y a-t-il des mesures conservatoires pour permettre aux populations de cette zone côtière de pouvoir jouir à long terme de leurs activités de pêche ? Face à ces questions, voici les éléments de réponses apportés par le ministre Didier José Tonato.

Wilfried AGNINNIN

Eléments de réponses aux questions des députés, relatives à la pollution des eaux marines de la côte-ouest de Grand Popo.

Introduction 

La création du Ministère du Cadre de Vie et du Développement Durable (MCVDD) illustre l’option du Gouvernement du Bénin d’améliorer le bien-être de tous les Béninois et de préserver l’environnement et le cadre de vie au plan national. Ce ministère porte l’ambition de parvenir à un aménagement équilibré du territoire, à l’amélioration progressive, mais effective du cadre de vie des populations, dans la promotion d’une gestion rationnelle et durable des ressources naturelles, marines et forestières. Dans cette optique, la vision du secteur cadre de vie et développement durable est « un développement inclusif et durable articulé autour de villes résilientes et sûres ». L’approche de mise en uvre des programmes du secteur sera participative et inclusive. Elle intégrera ainsi les synergies indispensables entre le développement urbain, l’habitat et l’environnement, la rationalisation et la mise en cohérence des programmes et des interventions de l’État, et le partenariat avec les communes et les structures privées.

Le MCVDD a pour mission la définition, le suivi de la mise en oeuvre et l’évaluation de la politique de l’État en matière d’habitat de développement urbain et ville durable, de géomatique de l’aménagement du territoire de l’assainissement, d’environnement et de climat, de préservation des écosystèmes marins et côtiers et terrestres, des eaux, forêts et chasse.

Au regard de ces enjeux et défis, le Gouvernement a pris l’initiative de s’associer autour d’une stratégie internationale et régionale pour préserver ses écosystèmes marins et côtiers au profit des générations présente et future.

Ces réformes s’expriment à travers la ratification des conventions internationales, notamment : 

La convention d’Abidjan 

Elle a pour objet la protection et la mise en valeur du milieu marin et des zones marines et côtières de la région de l’Afrique de l’ouest, du Centre et actuellement du Sud.

La convention des Nations Unies sur le droit de la mer 

Elle encadre le régime juridique de la mer territoriale et de l’espace aérien subjacent, ainsi que du fonds de cette mer et de son sous-sol. 

La Convention sur la diversité biologique 

Elle encourage les parties à créer les Aires Marines Protégées dans le cadre de la gestion durable des ressources marines et côtières. 

La Convention de Ramsar sur les zones humides d’importance internationale 

Son objectif principal est « la conservation des zones humides et leur utilisation rationnelle par des actions locales, régionales et nationales et par la coopération internationale, en tant que contribution à la réalisation du développement durable dans le monde entier ». 

Plusieurs choix législatifs et règlementaires ont été opérés permettant de rendre applicables ces textes internationaux dans le droit positif national à travers des textes cités ci-après :

la constitution du 11 Décembre 1990 de la République du Bénin telle que modifiée par la loi n°2019-40 du 7 novembre 2019. 

la loi n°98-030 du 12 février 1999 portant loi-cadre sur l’environnement en République du Bénin.

la loi cadre n°2014-19 du 07 août 2014 relative à la pêche et à l’aquaculture en République du Bénin.

la loi n°2002-016 du 18 octobre 2004 portant régime de la faune en République du Bénin 

la loi n°2010-44 du 21 octobre 2010 portant gestion de l’eau en République du Bénin

la loi n°2018-18 du 06 août 2018 sur les changements climatiques en République du Bénin. Le chapitre 3 aborde la gestion des zones humides, des écosystèmes côtiers et des ressources marines ;

la loi n° 2018-10 du 02 juillet 2018 portant protection, aménagement et mise en valeur de la zone littorale en République du Bénin. Cette dernière fera l’objet des questions réponses ;

la loi n°2022 04 du 16 février 2022 sur l’hygiène publique en République du Bénin.

Réponses aux questions

Question N° 1 :

Quelle évaluation le gouvernement béninois fait-il par rapport aux impacts socio- environnementaux des effluents de phosphates sur les ressources biologiques et les « écosystèmes marins dans cette zone menacée ?

Réponse N° 1 :

La pollution sur la côte Ouest du Bénin à Grand-Popo est due au rejet des boues de phosphate de l’usine de KPEME au Togo et des déchets générés par les populations environnantes.

L’impact environnemental des rejets des boues de phosphates a été mis en évidence à travers des études scientifiques récentes dont certaines ont été validées par le gouvernement. Les résultats de ces études ont révélé des atteintes graves à :

l’écosystème marin par d’une part, la contamination des ressources halieutiques par le cadmium et le fluor et d’autre part, la diminution constatée par les pécheurs, des ressources halieutiques dans les eaux de la côte ouest d’Agoué à Grand-Popo ;

la santé des populations dans cette zone menacée est marquée par le développement de la fluorose dentaire. Il faut noter également que la zone du littoral, en l’occurrence la partie ouest du Bénin connaît depuis quelques temps la dégradation de la qualité des eaux souterraines due à l’intrusion saline occasionnée par un pompage excessif pour satisfaire les besoins de lavage du phosphate par le voisin togolais. Il y a enfin, la pollution optique de l’eau de mer. Elle est due au changement progressif de la coloration marine au fur et à mesure qu’on s’approche.

Les habitats aquatiques marins et côtiers subissent aussi des pressions venant de la pollution de phosphates. Or, la pollution de l’environnement marin et côtier par des ordures et déchets de tous genre est interdite par la loi-cadre sur l’environnement en République du Bénin en ses articles 28 et 39. Malgré cette disposition, à la côte ouest du milieu marin béninois, l’écosystème est pollué par le déversement constant du déchet de phosphates provenant de Kpémè au Togo. Cette pollution qui date de plusieurs décennies est constatée depuis la frontière d’Hilacondji jusqu’à plus de 50 km de Ouidah à Avlékété le long de la côte béninoise. Cette forme de pollution met à mal la majorité des services écologiques attendus des écosystèmes aquatiques de cette zone affectée en particulier et de tout le sud Bénin en général.

La convention d’Abidjan a adopté quatre protocoles additionnels dont l’un porte sur la gestion intégrée des océans. Lesdits protocoles ont été signés par le gouvernement du Bénin et sont en cours de ratification.

S’agissant des déchets produit par les populations, plusieurs mesures sont prises dont le projet de nettoyage et de sécurisation des plages à travers lequel, des brigades ont été mobilisées de façon permanente sur ces plages pour leur assainissement.

Question N° 2 :

Pourquoi cette situation persiste-t-elle depuis des années sans que le gouvernement ne prenne des mesures pour amener le gouvernement togolais à cesser les préjudices causés au Bénin par les eaux usées de cette usine d’exploitation ?

Réponse N° 2 :

La complexité des problèmes environnementaux sur la zone littorale et dans le milieu marin et côtier exige une approche de solutions stratégiques intégrées. Dans la mise en oeuvre des outils de planification de la gestion du littoral et en vue de la protection de la côte et de ses écosystèmes, le gouvernement a élaboré un plan de gestion intégrée de ladite zone qui s’inscrit dans le cadre global des programmes environnementaux établis par le Ministère du cadre de vie et du développement durable et contenus dans le Programme d’Actions du Gouvernement (PAG) 2016-2021, notamment dans son axe stratégique 7, intitulé « développement équilibré et durable de l’espace national ».

Dans le même ordre d’idées et pour l’amélioration de la gouvernance des océans et des zones côtières, la Conférence des Parties (CoP 10) a adopté le Plan stratégique décennal (2010-2020) pour la sauvegarde de la biodiversité dans lequel les Parties prenantes et les autres Gouvernements ont été exhortés à assurer la conservation à long terme, la gestion et l’utilisation durable des ressources marines et leurs habitats. Dans ce cadre, la Convention de Diversité Biologique et la Convention d’Abidjan soutiennent les politiques et stratégies nationales à travers le développement de plusieurs instruments de gestion globale et intégrée des espaces marins et côtiers y compris leurs ressources pour l’atteinte des Objectifs du Développement Durable (ODD) souhaités par les Nations Unies. Au nombre de ces instruments, figurent :

la création d’une cellule environnementale pour la gestion intégrée des zones marines et côtières (GIZMaC) ;

l’identification et la description des zones marines d’importance écologiques et/ou biologique (ZIEB) ;

le rapport sur létat de l’environnement marin (REEM) ;

la création des aires marines protégées (AMP) ;

la planification spatiale marine (PSM).

Toutes ces actions visent à réduire voire éliminer les pressions humaines et naturelles sur les écosystèmes marins et côtiers. Des dispositions législatives et réglementaires ont été prises pour donner une base juridique à la gestion durable de la zone côtière et marine au sud du Bénin. En termes de gouvernance, du milieu marin menacé, le scenario de gestion durable des écosystèmes présente un ensemble d’initiatives gouvernementales, communautaires et autres, exécutées ou en cours pour un avenir radieux du milieu marin et côtier affecté. Il sagit donc du scenario « Alafia » qui consiste à adopter des comportements et des pratiques éco citoyennes qui n’entraînent pas des pressions sur les écosystèmes marins et côtiers. Les Etats du Bénin et du Togo disposent au niveau national des textes qui régissent la protection de l’environnement et des zones humides et la gestion du milieu marin et côtier, pour compléter et opérationnaliser les conventions et accords internationaux qu’ils ont signés.

En effet, ces mesures de gestion relèvent d’une politique globale d’État et leur budgétisation nécessite la prise en compte des investissements qui sont du ressort des deux Etats. La définition de ces actions pour freiner les effets néfastes de la pollution des eaux induites par l’usine de phosphates de Kpémè sur la côte ouest de Grand-Popo doit s’inscrire dans une politique environnementale globale entre le Bénin et le Togo et ne peuvent pas trouver solution dans le cadre d’une action sectorielle, d’où une volonté politique affirmée par les deux gouvernements, en plus des initiatives scientifiques et législatives, afin de respecter les normes environnementales requises.

En définitive, il urge donc pour la partie togolaise d’opter pour la « construction de bassin de décantation sur le site actuel (site de Kpémè). Cette option offrira un atout important pour les riverains dont l’activité principale est le maraîchage. Une telle approche intégrée est envisagée afin d’éliminer la pollution de la mer, tout en maintenant le site actuel, mais en utilisant toujours l’eau marine pour le lavage uniquement des surverses primaires du minerai de phosphate.

Question N° 3 :

Y a-t-il des mesures conservatoires pour permettre aux populations de cette zone côtière de pouvoir jouir à long terme de leurs activités de pêche ?

Réponse N°3 :

Pour des mesures conservatoires du secteur des pêches afin de permettre aux populations de cette zone côtière de jouir continuellement de leurs activités de pêche, et de l’aquaculture au Bénin en général, le gouvernement est en train de relever de multiples enjeux (sécuritaires, économiques, environnementaux et même sociaux). Ceci, pour assurer et asseoir une meilleure application de sa souveraineté sur son espace maritime, dans les eaux territoriales et sur sa zone économique exclusive. Cela ne peut se faire qu’à travers la protection de ses ressources halieutiques et de la biodiversité. Pour cela, il faut :

la création des Aires Marines Protégées (AMP) pour la gestion durable des ressources marine et côtière dans la zone menacée ;

l’évaluation du milieu marin transfrontalier entre le Bénin et le Togo. Cette évaluation sera assortie de recommandations aux autorités des deux pays afin de renverser la tendance actuelle.

Conclusion

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer consacre une partie de ses dispositions à la protection et à la préservation du milieu marin. Dans son article 192, les Etats ont « l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin » et dans son article 193, les Etats ont « le droit souverain d’exploiter leurs ressources naturelles selon leur politique en matière d’environnement et conformément à leur obligation de protéger et de préserver le milieu marin ». Elle engage formellement les Etats dans leurs responsabilités pour cette protection. Quant à la Convention d’Abidjan, elle met en exergue le Protocole d’urgence de lutte contre la pollution marine notamment en Afrique de l’Ouest. Conscient des intérêts de la population, des attentes dans la mise en oeuvre des actions pour la protection du milieu marin et côtier et de la zone menacée dans la commune de Grand-Popo, le gouvernement continue de travailler à trouver des solutions pour réduire ou éliminer les rejets de boues dans la mer par les activités d’exploitation des mines de phosphates de kpémè au Togo et dont les impacts environnementaux deviennent de plus en plus manifestes pour les populations béninoises de cette côte ouest de Grand-Popo et ses environs.

 

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