POUR UNE AGRICULTURE DURABLE AU SERVICE DES POPULATIONS : Nécessité de renforcer le système semencier national . L’alerte de l’environnementaliste Patrice Sagbo

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Le Bénin a abrité du 20 au 22 juin 2024, le sommet du système semencier qui a réuni des décideurs politiques, des scientifiques, des acteurs du secteur privé et du monde paysan autour de la transformation de l’agriculture locale. L’objectif est de déclencher une révolution agricole en établissant un système semencier durable. Dans cet entretien avec Patrice Sagbo du ‘’Réseau Jinuku’’, l’ingénieur en santé et productions animales dénonce la non-association des structures locales spécialisées mais opte pour un Bénin agricole fondé sur une exploitation rationnelle, saine et durable des ressources. L’environnementaliste Patrice Sagbo attire l’attention du Chef de l’Etat Patrice Talon sur le non endoctrinement par des chapelles aux agendas cachés qui visent à saccager les courageuses réformes opérées dans le secteur agricole.

S.A.A

Daabaaru: Êtes-vous surpris par l’organisation d’un sommet sur les semences au Bénin ?

Patrice Sagbo: Je ne peux pas comprendre pourquoi ils le font. Mais ça ne nous surprend pas et ça ne devrait pas nous surprendre parce qu’on comprend. Il y a quelques mois, le gouvernement a décidé en conseil des ministres de créer une société béninoise de semences et de plans. Il a cité ses objectifs. Nous avons déjà démontré que les raisons pour lesquelles cette société est créée ne sont pas valables, parce qu’il disait entre temps que les semences actuelles sont de rendements faibles et on lui a répondu que quelle que soit la performance de ces semences aux laboratoires, si les conditions agronomiques ne sont pas respectées, les terres en bonne santé, de l’eau et beaucoup de soins, elles ne donneront rien. Ensuite, nous avons signé des accords pour dire que le Bénin est souverain sous ses ressources et il faut laisser les paysans s’occuper de leurs ressources. On leur a dit tout ça là, et ils n’ont pas fait ça. Aujourd’hui, c’est à 24h que j’ai appris que ce sommet se tient sans avertir les acteurs, les acteurs mêmes qui sont les paysans à la base.

Alors, vous dites aussi qu’ils tentent de s’accaparer du système semencier. Pourquoi une telle affirmation ?

C’est ça! Ça veut dire, qu’il y a plusieurs années, le système semencier était détenu par les paysans. Ce qu’ils faisaient très bien jusqu’à ce que nous soyons ici aujourd’hui. Si vous voyez dans le monde entier, il y a des gens aujourd’hui on les connait, quelques multinationales financières qui veulent s’accaparer de la totalité des semences dans le monde et ils disent que c’est eux et disent aussi que nos semences ne sont pas valables. On ne peut pas les vendre. Nous ne pouvons les consommer que chez nous et le paysan ne peut les consommer que chez lui. Alors, nous nous sommes résolus à manger seulement leurs semences et c’est eux seuls qui doivent les vendre et ils ont des critères d’homogénéité, des critères de stabilité, beaucoup de critères et que nos semences sont les plus résilientes par rapport à toutes les conditions climatiques et tout le monde le sait. C’est ça et c’est pour ça nous disons qu’on ne peut pas accepter ces choses là. Je vais vous surprendre en vous disant aussi qu’ils viennent déposer beaucoup de nos semences en Norvège sans nous informer.

Et Jinuku n’est jamais associé ?

Mais attendez ! Vous comprenez que depuis plus de 20 ans, on parle de semences sans associer Jinuku qui est un réseau qui s’occupe des ressources génétiques ici ? La fédération du Bénin, c’est connu ? La Copagen, c’est connu ? Et on veut faire une réunion ici, et on ne nous associe pas. Ça veut dire qu’ils font des trucs en clandestinité et ne veulent pas que les gens comprennent. On comprend aussi que c’est un sommet de business.

Est ce qu’il y a une organisation publique nationale qui s’occupe de ça ?

C’est la direction des végétaux qui est à Porto-Novo, c’est avec l’Inrab. Ce sont les deux entreprises du Bénin qui s’occupent des semences. On reconnaît que c’est eux, mais ici on ne peut pas parler de semences sans associer ceux qui en parlent dans le pays. Donc, on doit nous associer. Le système semencier paysan est le système le plus résilient, le plus libre qui nous donne vraiment la souveraineté alimentaire qui nous permet vraiment de nous nourrir. Vous comprenez que le problème de l’agriculture au Bénin, ce n’est pas seulement les semences. Les terres dégradées, les jeunes quittent les zones agricoles pour la ville à la recherche d’emploi. On ne finance pas suffisamment les paysans pour qu’ils produisent mieux. C’est ça les problèmes et aujourd’hui vous savez aussi que les consommateurs, les populations du Bénin sont confrontés à la cherté de la vie surtout par rapport à ces denrées agricoles. Pourquoi on n’investit pas dans ces choses là et on s’attaque aux semences ? Ça nous inquiète et nous ne pouvons pas rester tranquilles tant que cela se passe.

Vous avez l’impression que c’est un soutien à l’Upov 1991 ?

Ce n’est pas que ça. On a vu des acteurs qui soutenaient hier la révolution verte qui est devenue bluff et c’est ceux qui soutenaient les Ogm. On les connait dedans. Ensuite, ceux qui soutenaient Upov, c’est les vendeurs d’intrants chimiques de synthèse. Ce qui tient votre ventre on ne parle pas de ça. Je ne sais pas si c’est manque d’informations effectivement si ceux qui veulent agir ne vous informe pas, comment vous allez réagir. Donc, c’est ce qu’ils veulent ça. Ils veulent faire les choses silencieusement pour que les gens ne parlent pas.

Est-ce que vous avez eu vent des résolutions issues de cette rencontre?

Nous ne mettons même pas pieds là-bas avant de savoir ce qui va se passer. On n’a pas besoin d’être là-bas parce qu’on sait déjà ce qui va se passer. On parle de sommet, avez-vous vu notre Président de la République là-bas ? Combien de Présidents de la République avez-vous vus à ce sommet ? Si on dit sommet, on doit avoir au moins un Président qui vient dire oui pour ce qui se passe. Le nôtre n’est même pas parti. Selon ce qui a été publié, c’est que l’objectif visé par ce sommet était de déclencher une révolution agricole au Bénin en établissant un système financier économiquement durable pour les cultures prioritaires comme le riz, le manioc, le maïs, le sorgho, le mil et bien d’autres. Nous on a besoin non seulement de ça, mais surtout d’être une agriculture écologiquement durable, socialement durable et ‘’sanitairement’’ durable.

Quel appel lancez-vous au Chef de l’État?

L’appel, c’est que le Chef de l’État sait que nous on est d’accord avec lui pour toutes les actions qu’il mène pour le développement de notre pays. Il ne peut pas admettre qu’on offense son peuple. Il ne peut pas admettre qu’on prenne en compte otage le système semencier paysan. Il ne peut pas admettre que l’avenir des générations futures soit compromis. Il ne peut pas admettre non plus qu’on dissolve l’ensemble des paysans qui fournissent 80% de nourriture dans notre pays. Nous lui demandons de faire reculer cette tentative de prise en otage du système semencier dans notre pays, d’interdire la privatisation des ressources génétiques dans notre pays, de refuser que notre système semencier soit pris en otage, nous lui demandons humblement et nous savons qu’il le fera s’il comprend.

Propos recueillis et transcris par Spero AHOUSSINOU (Coll)

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Actualité · Nationale

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Daabaaru