PRATIQUES OCCULTES DANS LE FOOTBALL EN AFRIQUE : Quand le « gris-gris » tue des talents . « C’est pour nuire aux joueurs », dixit Raoul Zamba . « C’est quand même chez nous que la France s’est préparée pour être championne du monde en 1998 », indique un marabout . Des millions engloutis dans l’éphémère ?

2 ans ago | Written by
65 930 vues
0 0

C’est un sujet qu’on n’aborde pas souvent. Pourtant, la pratique de ce que l’on appelle communément « gris-gris » dans les disciplines sportives est un fait réel qui suscite moult réflexions au regard des conséquences désastreuses qu’il dégage sur les sportifs et les disciplines elles-mêmes. Cette pratique est beaucoup plus visible dans le sport roi qu’est le football au point où les acteurs se demandent pourquoi l’Afrique ou les pays africains ne sont pas sur le toit du monde si tant est que ces pratiques portaient effectivement leurs fruits. Sur la question, les avis sont partagés au sein de l’opinion publique. 

Wahabou ISSIFOU

Des amulettes aux orteils, aux doigts, à la hanche, au bras, dans les poteaux, aux points de penalty, escalader le mur du stade, entrer par reverse des bus pour certaines équipes, entrer par le dos pour certains joueurs, dormir au cimetière, sacrifier des animaux, boire des compositions mystiques, prononcer des paroles incantatoires, jeter des produits dans le poteau adverse, passer des produits sur le corps, faire monter dix joueurs au démarrage d’une rencontre. Autant de faits qui sortent de l’ordinaire auxquels l’on assiste très souvent lors des matchs de football.

Existence réelle et conséquences du gris-gris 

« …j’avais toujours une chaine au cou. Les joueurs qui faisaient le pressing sur moi quand j’avais le ballon voyaient des serpents », témoigne Benjamin Diboué, footballeur camerounais au micro de nos confrères de afrotribune.com. Selon la même source, des marabouts sont capables de décider du sort d’un match de football. « Je peux décider du sort d’un match », a indiqué un marabout sur le site afrotribune.com avant de rappeler en éclat de rire selon la source, « c’est quand même chez nous que la France s’est préparée pour être championne du monde en 1998 ». Toujours sur la question de l’existence du gris-gris dans le football, Raoul Zamba, ancien joueur des Dragons de l’Ouémé, pense que c’est relatif. « Le gris-gris dont nous parlons ici ne nous apporte pas à la gagne. C’est pour nuire aux joueurs. J’ai vécu ça en tant que joueur où en refusant de passer une pommade, de faire une scarification, j’ai eu des soucis sur le terrain. En fait, ce jour là, je disais que ce n’est pas ça qui joue au foot et d’aucuns m’ont démontré que ça contribue, parce que sur le terrain, je n’ai même pas fait 25 minutes de jeu, je me suis blessé tout seul, et depuis ce jour, je traine un genou malade », a-t-il fait savoir. Comment a-t-il su que c’était le gris-gris, l’homme répond, « je suis convaincu puisque je suis tombé tout seul, je n’ai pas eu de contact. Un contrôle orienté, je voulais me retourner et je suis tombé tout seul… Ça peut arriver naturellement, mais les gens m’ont dit que je suis un joueur ‘’yéyé’’, on te dit de faire ci, de faire ça, tu ne veux pas faire. J’ai déduit toute suite que c’est peut-être ça qui est à la base ».

De son côté, l’entraineur de football Abdoul Madjid Bello pense que c’est une pratique à laquelle il faisait foi quand il était joueur, mais en tant que technicien, c’est une pratique qui ne contribue pas au résultat d’un match. « Au moment où on faisait ça, on nous battait. », a-t-il évoqué. Un autre acteur du football, pratiquant du charlatanisme ayant requis l’anonymat, dit que le gris-gris joue plusieurs rôles. « C’est souvent pour protéger les joueurs contre les mauvaises pratiques de l’équipe adverse. Mais parfois aussi, nous l’utilisons pour rendre inaptes des joueurs de l’équipe adverse qui pourraient nous marquer des buts. Ça ne marche pas toujours, parce que parfois ce sont ces joueurs qui nous marquent des buts », a-t-il laissé entendre. Des avis qui expriment l’existence du gris-gris mais qui démontrent également de son inefficacité.

Des joueurs escaladant le mur d’un stade au Bénin

Certains dirigeants croient tellement en cette magie noire au point où ils renvoient l’entraineur qui leur tient tête. C’est le cas d’un entraineur de football du septentrion qui a été licencié au soir d’un match perdu pour avoir refusé à ses joueurs d’entrer au stade en escaladant le mur. Selon un joueur de football, il fallait des amulettes pour se protéger. Sinon, « tu as tôt fait d’être jeté au banc par ton propre coéquipier pour une blessure inexplicable ».

De l’argent jeté par la fenêtre ?

Pour de simples tournois de football, joueurs et staffs techniques n’hésitent pas, à débourser des sommes mirobolantes pour soi-disant préparer spirituellement le tournoi et l’équipe. Dans cette pratique, beaucoup d’argent y sont éjectés. A titre illustratif, à Parakou, pour un tournoi de football où le champion empoche 100.000f, une équipe a fait venir des marabouts du Nigéria. Ceci aurait coûté plus d’un million aux dirigeants. Au finish, l’équipe a été éliminée lors des demi-finales. Des équipes nationales disposent d’ailleurs des marabouts. En 2002, selon le site afrotribune.com, pour être qualifié à la Coupe d’Afrique des Nations (Can) et la Coupe du monde, le Sénégal aurait dépensé près de 90 millions de Francs Cfa pour des pratiques mystiques auprès des marabouts. Des exemples sont légions et font froid au dos lorsque certains dirigeants payent autant d’argent aux marabouts pour gagner des matchs pendant que des joueurs sont impayés et végètent parfois dans la précarité.

Que disent les textes

Il sera difficile de bannir cette pratique des habitudes qui n’honorent guère le sport en général et le football africain en particulier. Le Bénin par exemple, est un pays laïc et l’alinéa premier de l’article 23 de la constitution béninoise stipule que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion et d’expression dans le respect de l’ordre public établi par la loi et les règlements. L’exercice du culte et l’expression des croyances s’effectuent dans le respect de la laïcité de l’Etat. ». Ainsi, chacun ayant sa religion, libre à lui d’en faire ce qu’il veut par rapport à ses croyances.

Cependant selon le règlement intérieur du championnat professionnel de football du Bénin en son article 2, « l’escalade des clôtures par les joueurs et toutes pratiques occultes à l’intérieur et aux alentours du stade sont interdites. Le club qui reçoit doit assurer dans de bonnes conditions l’entrée des joueurs, des officiels, du bus de l’équipe adverse au stade sauf en cas de force majeure constatée par le commissaire au match ». Il poursuit, « en cas de violation de ces dispositions, il sera infligé au club fautif par la Ligue de football du Bénin, une amende de cent mille (100.000) Fcfa à verser sur le compte bancaire de la Ligue sous huitaine. En cas de récidive la sanction sera doublée. »

Il faut noter que malgré ces dispositions, le phénomène a toujours la peau dure dans les stades.

Des conseils

Selon l’entraineur de football Raoul Zamba, il y a des gris-gris qui ne traversent pas la mer, mais cette pratique en Afrique est souvent pour empêcher l’adversaire d’être présent sur le terrain. Voilà pourquoi il conseille que ces pratiques occultes, soient faites sans l’implication des joueurs. « Certains joueurs pensent que c’est ça qui fait gagner des matchs. Ils ne se donnent plus autrement dans le match, ils se disent, il y a le gris-gris, on va gagner », a-t-il indiqué en invitant les joueurs à travailler pour l’avenir de leur carrière. « Il faut qu’on puisse inculquer aux joueurs déjà dans les centres de formation que c’est la prestation, c’est la performance, c’est le talent qui priment au cours d’un match. Donc, cela doit être psychologique », a renchéri Abdoul Madjid Bello.

 

Article Categories:
A la une · Dossier · Sport

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Daabaaru