RÉFORME DU SECTEUR DE LA DÉCENTRALISATION AU BÉNIN : Le sort des administrations locales scellé sur l’autel d’une réforme trop intelligente . Les faiblesses de la réforme qui risquent de plomber le développement des communes

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La réforme du secteur de la décentralisation voulue et mise en œuvre par le chef de l’État Patrice Talon vient d’amorcer un pas décisif avec le tirage au sort des Secrétaires Exécutifs désormais ordonnateurs du budget et chefs des administrations locales. Si la réforme en elle-même n’est pas mauvaise, sa mise en œuvre telle que démarrée risquera de provoquer l’effet contraire à l’objectif de départ.

De la constitution du fichier national

Le premier faux pas a été noté depuis le départ. Il s’agit du processus ayant abouti au choix des cadres devant constituer le fichier national. Le processus biaisé a dû être repris pour aboutir à un résultat pas différent du premier. Ce qui voudra dire que le problème n’a pas en réalité été résolu.

Une sélection trop impartiale ?

Dans le processus du choix des futurs cadres des administrations communales et municipales, un point très important a été omis. Il s’agit de l’expérience qui n’a pas été prise en compte. Il est bien clair qu’un cadre d’une commune qui a fait 10 ans au poste de Secrétaire Général est mille fois meilleur qu’un cadre bardé de 10 masters en administration sans expérience dans le domaine de la décentralisation. C’est en cela que le choix a été biaisé car n’ayant pas tenu compte de cette réalité. Le gouvernement aurait pu évaluer l’existant, puis sélectionner les meilleurs avant de compléter.

Le tirage au sort et ses probables conséquences

Le développement n’est pas une question de hasard, c’est du concret. Si après un processus qui a permis de classer des cadres par ordre de mérite on en vient à faire un tirage au sort qui choisit des moins bons pour laisser des premiers sur le carreau, cela présage déjà d’une catastrophe dans les mairies. Des personnes qui, après les différentes épreuves, sont classées en tête de liste ont été délaissées au profit des derniers qui ont eu la chance d’être tirées au sort iront foutre quoi de bon dans les communes.

Les réalités sociopolitiques de chaque commune bafouées

Qu’on le veuille ou non, toutes les communes n’ont pas les mêmes réalités et selon la réalité politique, sociale, culturelle, etc. d’une commune, convient un type de cadre qu’il faut pour son développement. Parachuter des personnes qui n’ont aucune maîtrise de ces réalités dans un environnement de rivalité potentielle ne fera qu’enliser les communes. Les anciens qui maîtrisaient parfaitement les rouages de l’administration qu’ils ont servie durant des décennies croiseront les bras pour voir les supers intelligents se débattre comme de beaux diables pour soit s’en sortir ou s’embourber dans les méandres d’une administration locale en proie à un clivage ethnique, politique, sociologique et que sais-je encore ?

Bonjour le développement équitable du Bénin qui met en cause l’équilibre

Le processus tel que conduit respecte le principe de l’équité. Cependant dans un pays non équilibré, on ne peut adopter le principe d’équité. L’on se retrouve alors à une répartition qui prend en compte près de 90% des cadres provenant d’une région et laissant sur le carreau des cadres d’une autre partie du pays.

Quid de l’existant ?

La question qui se pose également aujourd’hui est de savoir ce que l’État fera des anciens cadres de l’administration locale. Seront-ils radiés ou mis à disposition des administrations ? Si tous les postes de l’administration communale sont pourvus par de nouveaux cadres, les anciens serviront où ? Qu’en sera-t-il de leur traitement ? Autant d’interrogations qui baignent dans la tête de plus d’un.

Pour révéler un pays, l’on n’a nullement besoin de remettre en cause tout ce qui existait, il est bien possible d’améliorer l’existant pour le rendre meilleur et l’on a l’impression que le gouvernement de la rupture a horreur de toucher l’existant et l’améliorer. Cette réforme très intelligente, bien qu’ayant un objectif noble ne prend pas en compte certaines réalités et c’est d’ailleurs là toute la problématique. Cependant, rien n’est encore tard…

Barnabas OROU KOUMAN BOK

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