RELATIONS ENTRE TETES COURONNEES ET AUTORITES POLITIQUES AU BENIN : La chefferie traditionnelle face au pouvoir de l’argent

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RELATIONS ENTRE TETES COURONNESS ET AUTORITES POLITIQUES AU BENIN

La chefferie traditionnelle face au pouvoir de l’argent

.Vers la désacralisation des royautés

Les rois sont les véritables gardiens des traditions ancestrales au Bénin. A l’avènement du pouvoir moderne, cette autorité traditionnelle a vu ses prérogatives et sa notoriété s’effriter brusquement. Malgré l’effort de certaines personnes qui continuent de perpétuer cette tradition qui aujourd’hui a encore du mal à se faire une place digne dans les sociétés béninoises, d’autres pris par l’amour très poussé de l’argent tendent à désacraliser le pouvoir traditionnel. Ainsi, la situation de la plupart des rois dans plusieurs localités du Bénin, laisse à désirer, faisant de certains d’entre eux de véritables quémandeurs et acteurs politiques assis sur des trônes d’or dans la société. Un tour dans certains palais royaux du Bénin, permet de se rendre compte de la triste réalité de ces monarques des temps modernes.

Edouard ADODE

Le roi est une institution traditionnelle respectée et respectable. Hier, il jouissait des prérogatives dans tous les domaines de la société traditionnelle. Les rois avaient le pouvoir de vie et de mort sur tous les sujets de leurs royaumes. De même, ils étaient les chefs de terre par excellence. Mais, avec le vent de la colonisation qui a soufflé sur tout le continent africain, cette autorité fut ébranlée et a vu ses prérogatives tombées dans les mains de l’Etat moderne. Ainsi, la royauté au Bénin est dépourvue de tout son sens sauf le titre qui est resté dans des palais en ruine. Malgré cette situation déplorable, certaines personnes continuent de perpétuer cette tradition ancestrale contre vents et marrés. Si dans les milieux ruraux, ces chefs continuent de jouir de certaine notoriété en dehors de ce qu’ils constituent des éléments d’attraction touristique, dans les anciens royaumes du Bénin qui se sont métamorphosés en villes modernes, la valeur des rois semble être réduite uniquement au titre qu’ils portent.

De l’autorité des rois dans les villes modernes

Autrefois, tous les pouvoirs étaient réunis entre les mains du roi. Il avait donc à la fois, le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Ainsi, à ce titre, les décisions du roi étaient sans aucun recours. Mais aujourd’hui dans les grandes villes du Bénin, à savoir, Cotonou, Porto-Novo, Parakou, Abomey-Calavi et Ouidah, l’autorité du roi est à la rigueur limitée sur les membres de sa famille ou de sa collectivité royale. Et même dans ce cercle restreint, nombreux sont ceux qui ont de la peine à obtempérer aux injonctions des rois à leur endroit. D’ailleurs peu de personnes font recours au roi pour trancher leur litige, et même au cas où le roi a prononcé une sentence dans une affaire qui lui est soumise, les concernés sont souvent tentés de faire recours au pouvoir judiciaire moderne pour avoir satisfaction. Dans bien de ces cas, la justice moderne ne tient aucunement compte du jugement préalablement prononcé par le roi. Alors, le roi se voit réduit en tribunal de conciliation illégal. Au quotidien, ils connaissent des affaires de dispute entre couple, de violation d’un totem du clan, et quelques conflits domaniaux mineurs. « Les gens m’amènent des problèmes de leurs foyers, quand je parle dedans la paix revient dans ces foyers. Il y a aussi quelques cas de conflits domaniaux que je règle ici », a laissé entendre le roi Akpaki Gobi Yensè actuel roi de Parakou. Pour quelques citoyens de la cité des Kobourou et d’Abomey-Calavi rencontrés, peu de gens reconnaissent l’existence de ces monarques dans ces villes. « J’entends les gens parler du roi de Parakou, mais moi je ne suis jamais allé le voir. Et je ne sais même pas ce qui pourra m’amener là-bas. Si j’ai un conflit avec quelqu’un, c’est la police et le tribunal point », a confié Ibrahim Bio Sorokou, vendeur au marché Arzèkè. Cette opinion sera reprise par Gilbert Hounsa conducteur de zém à Abomey-Calavi, « ce sont les familles du roi qui apportent leurs problèmes chez le roi de Calavi. Moi je suis de Togba dans la commune d’Abomey-Calavi, mais s’il y a problème entre moi et quelqu’un, je préfère faire recours à la police. Là c’est mieux quoi ».

Voilà qui est clair, l’autorité de ces gardiens de la tradition a encore de la peine à se faire accepter par les citoyens des villes modernes.

Cette situation mitigée des rois dans les villes modernes a été confirmée par le régent du palais royal d’Abomey-Calavi, le prince Claude Kpèyéton Houansodji fils du feu roi Gbesso Adiwatonou. Le régent a par ailleurs reconnu l’efficacité du roi dans plusieurs conflits.

Des finances des rois modernes

« Les royaumes étaient bien organisés et les gens dans leurs productions chacun était tenu d’apporter quelques parts de sa production au roi pour la survie parce que le roi était pour tout le monde, le roi nourrissait tout le monde. Mais le roi ne peut pas aller au champ pour travailler, le roi ne peut pas faire du commerce, il faut des gens pour approvisionner le roi, c’était ça en ce temps », a fait remarqué le régent. Il fait ressortir la nuance en ces termes, « le roi est intronisé, mais parfois la population qui devrait nourrir le roi, c’est le contraire, c’est le roi qui nourrit la population. Ça veut dire que c’est un peu compliqué la chose, et comme vous êtes nés dedans vous êtes de la famille royale, vous ne pouvez que faire avec espérant que cela change un jour ». Alors de Parakou à Porto-Novo en passant par Abomey-Calavi, les rois se débrouillent pour joindre les deux bouts et supporter les charges afférentes à ce poste quand bien même important pour la culture. C’est d’ailleurs ce qui semble pousser les rois des villes à faire recours aux politiques pour maintenir les palais en vie un temps soit peu.

Le régent du trône d’Abomey-Calavi fait allusion aux pays anglophones et certains pays arabes qu’il a eu à visiter, et note que la royauté n’est pas encore ce qu’elle doit être au Bénin. Il a fustigé la création à tous azimuts des royaumes dans certaines contrées du pays. Cet état de chose complique davantage la situation par rapport à l’aide de l’État à la chefferie traditionnelle au Bénin.

Le régent tout comme le roi Akpaki Gobi Yensè de Parakou exhortent le président Patrice Talon et les députés à faire diligence pour que le statut de la chefferie traditionnelle soit adopté pour le bonheur de ces vaillants gardiens de la tradition et artisans de la paix sociale à la base.

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