
Fanny Hounkponou Ahouingnan, Gynécologue obstétricienne au Chud Borgou
La venue d’un enfant est un événement capital et fortement attendu dans la vie d’un couple. Mais, il arrive que les cris de ce nouveau-né, signe de bonheur et de consolidation des liens familiaux, peine à se faire entendre face à divers problèmes dont les fausses couches. C’est un problème récurrent que rencontrent aujourd’hui plusieurs femmes dans les foyers qui, au bout de plusieurs semaines, voient leur espoir de devenir mères s’envoler suite à une fausse couche. Ce phénomène très douloureux a cependant des explications tant sur le plan médical que spirituel. Ce dossier de la rédaction fait un focus sur le combat des femmes pour devenir mère, face au problème de fausse couche.
Samira ZAKARI
Porter la vie, est l’une des merveilles qui puissent arriver à une femme. Mais la survenue d’une grossesse ne garantit pas toujours l’arrivée d’un bébé au bout de 9 mois. Tout peut s’arrêter à tout moment, suite à une fausse couche. En effet, selon professeur Fanny Hounkponou Ahouingnan, Gynécologue obstétricienne au Chud Borgou, la fausse couche est l’expulsion hors des voies génitales de la femme, du produit de conception avant 22 semaines d’aménorrhée selon l’Oms.
. Les différentes formes de fausse couche
Encore appelée avortement, il existe deux catégories de fausse couche. Il s’agit des fausses couches provoquées et celles spontanées. «Au nombre des avortements ou fausses couches spontanées, nous pouvons citer les fausses couches spontanées précoces qui surviennent avant les 15 premières semaines d’aménorrhée. Lorsque le produit est expulsé hors des voies génitales de la femme, entre 15 et 22 semaines, on parle de fausse couche spontanée tardive», a expliqué la gynécologue obstétricienne. Par ailleurs, l’on a la fausse couche spontanée complète lorsque, le produit est expulsé complément de l’utérus et la fausse couche incomplète où le produit s’expulse, «mais il y a encore des débris. Ce qui peut amener la femme à saigner et se rendre en urgence à l’hôpital. Lorsque l’avortement ou la fausse couche survient une fois en passant, il s’agit d’une fausse couche isolée. Cependant, cela devient inquiétant lorsque la fausse couche est répétitive». Ce dernier cas, est le vécu de Aïssata T., qui pendant des années de combat à la quête d’enfant, n’est jamais parvenu à garder une grossesse pendant 3 mois. «Cela a été un vrai combat. Toutes les fois où je tombais enceinte, la grossesse s’arrêtait au bout du 3ème mois et de façon inattendue », a-t-elle confié tristement.
En Afrique où les pratiques endogènes occupent une place importante dans les habitudes, les fausses couches peuvent avoir différentes origines qu’elles soient médicales ou spirituelles.
. Des causes médicales
A en croire la professeure Fanny Hounkponou Ahouingnan, les fausses couches spontanées isolées, sont causées entre autres par des traumatismes dus à des évènements douloureux dans la vie de la femme, une intoxication ou encore une anomalie de nidation. Pour ce qui concerne les fausses couches répétitives, elles peuvent être liées à des causes mécaniques. «Dans les causes mécaniques, on a ce qu’on appelle hypoplasie utérus. Nous sommes dans ce cas, face à un utérus qui pour une raison ou une autre, n’a pas la configuration normale. Nous avons également des myomes ou fibromes utérins qui sont des causes fréquentes sans oublier les malformations utérines et les béances cervico-isthmiques», a-t-elle clarifié. Outre les causes mécaniques, il y a celles infectieuses, hormonales, chromosomiques et bien d’autres.
Des causes spirituelles
Les fausses couches chez la femme, peuvent avoir d’autres causes outre celles médicales. Pour l’islamologue Daouda Moussa, tout est une question de destin et de volonté divine. Rien n’arrive au hasard à l’humain pense-t-il. Ainsi, «chez la femme qui a fait de fausse couche, il faut comprendre d’abord que les spermatozoïdes de l’homme qui l’a mis enceinte sont nombreux et parmi ceux-ci, il y a certains qui vont mourir et c’est un seul qui va féconder l’ovule. Ceux qui sont morts, c’est le sort de la vie que Dieu a fixé pour eux. Celui qui a fécondé l’ovule, Dieu a prolongé sa durée de vie jusqu’à la naissance de l’enfant ou jusqu’au jour il y a fausse couche. Le jour de fausse couche détermine la durée de vie du spermatozoïde. C’est la raison pour laquelle, il y a des mort-nés. C’est la durée de vie que Dieu a fixée», a-t-il expliqué.
De son côté, le pasteur de l’église des Assemblées de Dieu de Amanwignon ouest, Nouhoura Mardjoa Ousseni, pense que quatre raisons peuvent être à l’origine des fausses couches chez la femme. Il s’agit en premier lieu des totems de la famille. «Vous savez, la stérilité existait avant la modernisation en Afrique. Donc, quand cette situation arrivait dans un couple, il se fiait à des arbres, à des eaux, à des montagnes pour avoir la solution à leurs problèmes. Maintenant, dans le monde spirituel, ces arbres, ces montagnes qui incarnent des esprits exaucent leurs souhaits et leur donnaient des enfants. Mais le fétiche, en retour, peut réclamer des sacrifices et alors provoque des fois, des fausses couches quand ces sacrifices ne sont pas faits», a-t-il confié.
En deuxième ligne des causes, vient la sorcellerie. Selon lui, les initiés en sorcellerie pour renforcer leur puissance, peuvent provoquer la fausse couche chez une femme enceinte afin de soutirer le sang qui provient du bébé, pour des sacrifices. A ces causes s’ajoutent, en troisième position les esprits incubes et succubes qui par excès de jalousie peuvent décider de mettre un terme à la grossesse contractée par la femme. Il y a aussi quatrièmement les péchés ou encore l’effet des unions qui se font sans le consentement des parents. «J’en ai vu plusieurs. L’homme a volé la femme et ils sont partis puis des années après, ils n’ont pas d’enfants. Des fois, la femme tombe enceinte et la grossesse se gâte», a expliqué le pasteur.
Sur le plan traditionnel qui n’est pas non plus à négliger, le tradipraticien Gildas Gbêmankpo Zounon, parle des esprits de femme ou de mari de nuit, l’exposition d’une femme enceinte sur les réseaux sociaux, la sorcellerie et la sortie non contrôlée des femmes la nuit. Plus loin, le tradipraticien a indiqué aussi les avortements des jeunes filles avant le mariage. «L’esprit de ces enfants ou de cet enfant devient rebelle contre ses parents. Puisque moi je ne suis pas venu en vie, aucun de mes frères ou sœurs ne viendra en vie. Ces enfants t’empêchent d’abord de tomber enceinte ou soit tu tombes enceinte et quelques mois après, ils détruisent ta grossesse. Il y a des femmes qui dans leurs rêves, voient des enfants en train de pleurer. Au réveil, elles saignent et la grossesse se gâte», a-t-il fait savoir.
Rachelle K. commerçante à Cotonou, en quête désespérée d’enfants confie avoir découvert suite à ses recherches, qu’elle était sous l’emprise de la sorcellerie. «Après plus de 3 fausses couches, j’ai découvert que j’étais sous l’emprise d’une tante qui n’était pas contente que je me sois mariée avant sa fille. J’étais sous son emprise et à chaque fois que je tombe enceinte, la grossesse sort. On l’a su mon époux et moi, grâce à un marabout. Je suis actuellement un traitement qui j’espère portera ses fruits», déclare-t-elle.
Cependant, les causes ne sont pas que féminines, soutient le tradipraticien. A l’en croire, «homme peut être aussi la cause des fausses couches dans le couple. Il peut y avoir des attaques spirituelles du côté de l’homme par sa famille, ses beaux-parents ou ses proches».
Entre jugement des proches et de la société, elles vivent l’enfer
Le plus dur pour les femmes menant un combat contre les fausses couches, c’est de pouvoir supporter les préjugés sociaux qui ne sont pas toujours tendres dans les jugements. Elles sont pour la plupart traitées de femme à utérus inefficace comme Rachelle K. «Heureusement, j’ai le soutien de mon époux qui m’aide dans ce combat. Mais sa famille et mes proches ont du mal à l’accepter. Pour eux, j’ai sacrifié mes enfants dans des avortements. D’autres disent même que j’ai utilisé le contenu de mon utérus pour avoir de l’argent. Au quartier, je suis pointée du doigt et même les enfants me fuient sur ordre de leurs parents», a-t-elle témoigné, les yeux larmoyants.
Par ailleurs, face aux nombreuses tentatives pour donner la vie, ces femmes se trouvent au bout du découragement et développent un manque de confiance en soi qui peuvent conduire à des extrêmes. C’est le cas de Eulyse B. institutrice dans une école privée à Parakou qui, ne supportant plus les railleries et le manque d’empathie des proches, a opté pour le suicide en consommant des comprimés. Elle a eu la vie sauve grâce à sa sœur qui est venue la rendre visite et qui l’a retrouvé inconsciente dans sa chambre. «Je n’en pouvais plus, il fallait mettre un terme à tout ça. Mais Dieu n’était pas d’accord avec ma décision et m’a secouru à travers ma sœur. J’espère qu’il me réserve le meilleur», a-t-elle laissé entendre.
Tout n’est pas perdu, il y a de l’espoir
Les fausses couches certes difficiles à arrêter surtout quand elles sont répétitives, peuvent cependant être corrigées ou évitées.
Sur le plan médical, un suivi médical dès les premiers mois, en cas de survenue d’une grossesse s’avère indispensable. Cela permet selon Fanny Hounkponou Ahouingnan, Gynécologue obstétricienne, de savoir s’il s’agit d’une grossesse normale sans complication. «Dès le premier trimestre, la femme doit absolument consulter. Ça nous permet de savoir s’il s’agit bien d’une grossesse intra-utérine parce qu’il peut arriver que la grossesse soit en dehors de l’utérus ce qui est extrêmement grave. La consultation nous permet de constater la présence ou pas de l’embryon. Si oui, on va constater s’il y a activité cardiaque, de dépister les maladies infectieuses et tous autres problèmes de risques afin de prendre des dispositions», a-t-elle expliqué en insistant sur l’importance de la consultation prénatale.
De son côté, Gildas Gbêmankpo Zounon a fait savoir que «quand on se marie, il faut mettre de la limite sur certaines choses. Il faut réduire la vie qu’on mène avant de se marier, c’est-à-dire mettre fin à certaines distractions, se priver de certaines choses. Pour avoir une longévité, pour bien vivre sur cette terre, c’est l’observation des interdits, le respect des règles de la vie, des codes de la vie». Il a, par ailleurs invité les hommes à être attentif à l’apparition des signes de grossesse chez leurs épouses. Ce qui leur permettra de prendre des dispositions comme des consultations spirituelles. «La femme enceinte ne doit pas laisser son ombrine au-dehors, parce qu’on peut connaître le sexe, l’avenir de l’enfant qui naîtra. Portez des robes pour couvrir correctement votre corps. Une femme en état de grossesse ne doit pas aller dans une boîte de nuit, parce que c’est un lieu de débauche où il y a tous les esprits présents. Évitez de publier la grossesse sur les réseaux sociaux», a conseillé le tradipraticien.
L’islamologue Daouda Moussa et le pasteur Nouhoura Mardjoa Ousseni ont, quant à eux, invité à une vie consacrée à Dieu. «La prière est un moyen puissant que toute personne qui vient à l’église doit se donner pour avoir la délivrance totale», a indiqué le pasteur pour finir.