RETOUR SUR LE PARCOURS D’UN GRAND CHIRURGIEN BENINOIS : Le professeur Emile Mensah parle de ses souvenirs . « Sachez qu’on a beau chercher à retarder le destin d’un homme, mais on ne peut jamais empêcher de l’atteindre », conseille-t-il aux jeunes

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Émile Mensah, professionnel de la santé habilité à pratiquer la chirurgie, comme certains personnels de la santé, il a passé presqu’entièrement sa vie au service de la population béninoise ainsi qu’en dehors de son pays. Ceci, non seulement dans le domaine de la santé mais également dans d’autres domaines. Aujourd’hui, il est compté parmi les rares personnes ressources recherchées qui font la fierté de la nation béninoise. Pour ne pas dire qu’il est une bibliothèque vivante. Heureux de ce qu’il a pu accomplir durant sa carrière, il fait ainsi part à travers cette rubrique des grandes lignes de sa vie professionnelle. Lisez plutôt.

Huguette LAWANI

Daabaaru : Pourquoi avez-vous choisi faire carrière dans le domaine de la santé ?

Emile Antoine Dodji Mensah : Si j’ai choisi de faire carrière dans le domaine de la santé, c’est parce que j’ai pitié des malades. J’aime également partager mes connaissances, car, mon feu père était enseignant et il m’a donné le goût d’enseigner, ce qui m’a conduit plus tard à l’enseignement. Outre cela j’ai compris que j’ai un don pour le travail manuel car, j’excelle à la pêche, au tissage, en dessin et aux jeux de boules.

Comment êtes-vous devenu chirurgien généraliste ?

Après ma réussite au baccalauréat, série D en 1976 avec une mention assez-bien, je me suis inscrit en Chimie-Biologie-Géologie (Cbg) à la Faculté des Sciences et Techniques (Fast) de l’Université Nationale du Bénin (Unb), actuelle Université d’Abomey-Calavi (Uac). J’ai couplé cette inscription à celle de la Médecine, conditionnée par un classement parmi les 40 premiers en fin de première année d’études. Nous étions en ce temps, 281 inscrits.
Mes études ont été couronnées de succès en fin d’année universitaire tant en Cbg qu’en Médecine et c’est ainsi que j’ai opté pour la Médecine sous le gouvernement militaire révolutionnaire de notre regretté Président Mathieu Kérékou.
Bien que n’ayant doublé aucune année d’études médicales, je n’ai soutenu ma thèse de Doctorat en Médecine (Diplôme d’Etat) à la Faculté des Sciences de la Santé de l’Unb qu’en 1984 puisqu’en passant en troisième année, il fallait d’abord effectuer une année de Service Militaire Patriotique en 1979, nous étions la septième promotion. C’était l’époque où l’Etat affectait les fonctionnaires au mérite en fonction des besoins et des postes vacants. Je me suis ainsi positionné dans le Service de Médecine Interne du Centre Hospitalier Provincial du Zou, l’actuel Centre Hospitalier des Départements du Zou et des Collines à Abomey. J’y ai pris service le 1er décembre 1984. Rappelons que pour se spécialiser dans le corps médical, il fallait en ce temps, servir l’Etat comme médecin généraliste pendant au moins cinq ans. Malheureusement, c’est à la fin de ma sixième année de fonction que le test de spécialisation en Chirurgie a été ouvert pour moi.
Au terme de quatre années, j’ai obtenu mon diplôme de Certificat d’Etudes Spéciales (Ces) de Chirurgie Générale en 1994. Je suis également un Neurotraumatologue.

Parlez-nous de vos débuts 

Il était question que les meilleurs en fin d’études spéciales soient retenus pour la relève dans l’enseignement universitaire. Je remplissais cette condition pour avoir travaillé avec acharnement pendant ma formation mais le sort a voulu que cette règle pourtant retenue et appliquée depuis lors, soit rejetée politiquement et il fallait en mon temps répondre aux besoins sur le terrain… Mon premier poste de Chirurgien Généraliste était alors le Centre Hospitalier Provincial de l’Atacora, l’actuel Centre Hospitalier Départemental de l’Atacora.
Une autre carrière professionnelle a ainsi commencé pour moi. Je devais répondre à toutes les urgences chirurgicales du nord-ouest du Bénin, ainsi que celles venant des départements du Borgou et de l’Alibori, du nord du Togo et du Burkina-Faso. Il n’y avait pas de moyens d’évacuations sanitaires et les voies n’étaient pas praticables, par exemple on passait 12 heures de route pour atteindre Parakou. Malgré ces contraintes, le bon sens devant les pathologies chirurgicales m’a toujours guidé. En cas de complexité de cas cliniques, je me rapprochais par téléphone de mes Maîtres de Cotonou, même en pleines interventions chirurgicales pour retenir des attitudes thérapeutiques. En tout cas bien qu’étant unique chirurgien de ce Centre Hospitalier, j’ai pu marquer mon passage mais c’est la population qui peut me juger. Cumulativement avec ma fonction, j’ai été nommé Directeur du Centre Hospitalier Départemental de l’Atacora-Donga de 1997 à 1999 et Chef du Service Départemental des Pharmacies, Laboratoires et Transfusion Sanguine de l’Atacora-Donga de 1996 à 2000.
A l’an 2000, j’ai été autorisé par la Ministre de la Santé d’alors, Professeur Marina Massougbodji à me spécialiser à nouveau en Neurotraumatologie à Grenoble en France. A mon retour en décembre 2001, j’ai été affecté au Centre Hospitalier Départemental du Borgou et de l’Alibori comme Chirurgien Chef. Entre-temps, j’ai été accepté comme Assistant à l’Université de Parakou en 2002 pour la carrière enseignante. C’est dans ce Centre que je suis resté jusqu’à l’obtention de ma retraite pratique dans la fonction publique le 13 avril 2019 après avoir été nommé Directeur de 2015 à 2019 et obtenu ma Maîtrise de Conférences et mon Agrégation en Chirurgie Générale en 2016. Charges sur charges, responsabilités sur responsabilités, je m’échinais à surmonter les embûches et à travailler avec conscience. Je n’avais plus une vie de famille. Autres informations, je suis actuellement le Président de la Confédération Africaine des Sports Boules depuis le 19 juillet 2018. Autre profession, celle de médecin du sport dont le diplôme a été obtenu en 1993 à Limoges en France m’a permis de me hisser à la tête de la Commission Antidopage de la Confédération Africaine des Sports Boules parmi de nombreux candidats africains.

Quels sont les avantages du métier ?

Un bienfait n’est jamais perdu, dit-on. Je suis fier d’avoir sauvé des vies et d’avoir formé plusieurs promotions de médecins à l’Université de Parakou. Certains de mes apprenants sont déjà spécialistes et nommés à divers postes de responsabilités. Tous m’accueillent à bras ouverts : c’est ma consolation…

Quelles sont les difficultés rencontrées au cours de l’’exercice de votre métier?

Les difficultés sont nombreuses mais surmontables. Je m’efforcerai à lister quelques-unes entre autres, savoir faire un traitement mais être limité dans les moyens, le manque de matériels; adapter le traitement en fonction des moyens disponibles; gérer l’humeur des administrés et des collègues; répondre simultanément à toutes les sollicitations; dépister les calomnies et médisances au sein du personnel; garder l’éveil , c’est-à-dire même si des feuilles sèches ou branchages tombent sur ma toiture, j’ai comme impression qu’on m’appelle pour une urgence.

Racontez-nous le moment le plus heureux de votre carrière ?

J’ai une ligne biblique qui me guide « travaille durement comme si tu ne devais jamais mourir mais adore Dieu comme si tu devais mourir demain ». Fort de cela, chaque jour me marque positivement et j’en tire des leçons pour le futur.

Alors avez-vous un jour malheureux ?

Non, mais plutôt des jours de mauvaise humeur que je surmonte rapidement, pour ne pas contracter certaines maladies psychiatriques ou cardiaques liées à ma profession et surtout ne pas commettre des erreurs professionnelles.

Quel message avez-vous à l’endroit de la jeunesse ?

Accrochez-vous à ma ligne biblique sus-indiquée, s’il vous plaît.
Sachez qu’on a beau chercher à retarder le destin d’un homme, mais on ne peut jamais empêcher de l’atteindre. Je les exhorte également à saisir la main tendue par l’État en matière des opportunités, pour se lancer dans le travail bien fait, seul gage de leurs promotions.
Courage ! Courage ! Courage !

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Daabaaru