UNE VIE UN MÉTIER : Le major Bio Nékoua Yérihonta revient sur carrière dans l’armée béninoise

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Pour ce numéro de votre rubrique ” Une vie un métier ”, votre journal est allé à la rencontre de Bio Nékoua Yérihonta. Ancien agent des Forces Armées Béninoise (Fab), il a consacré 35 ans et deux mois de sa vie, au service de la Nation béninoise, avant de faire valoir ces droits à la retraite en 2014. Il livre dans cet entretien exclusif, quelques moments forts qui ont marqué sa carrière professionnelle. Lisez plutôt.

Daabaaru : Pourquoi avoir choisi faire carrière dans l’armée béninoise ?

Bio Nékoua Yérihonta : Je suis allé à l’armée par passion. Depuis tout jeune, j’ai toujours dit que je serai un homme de l’armée. Au départ, je me voyais dans la gendarmerie, mais finalement je me suis retrouvé dans l’armée de terre.

Comment et quand êtes-vous devenu militaire ?

Tout est parti d’un communiqué radio lancé par l’État en 1979, où on sollicitait des jeunes volontaires pour servir dans l’armée. C’est comme ça, on a envoyé nos noms dans les camps militaires et ils sont venus nous faire la visite médicale avant de nous amener à Cotonou. C’est une fois là-bas, ils nous ont informés qu’on embarquait pour la Lybie, où on allait se faire former.

Comment étaient vos débuts dans cette fonction ?

En Lybie, c’était un nouveau monde loin de notre famille, de nos proches. Alors, vous convenez avec moi que les choses étaient forcément différentes. On ne mangeait que ce qu’on nous donnait. Et la formation militaire telle qu’on la connaît, encore dans un pays étranger, ce n’est pas le plaisir. Mais bon, il faut dire que la formation militaire, si elle n’est pas pénible au départ, on ne peut pas vraiment se sentir militaire. On avait deux séances de sport à faire par jours dans la matinée. A 5h déjà, on était sur le terrain pour revenir à 7h. Et à 10h déjà, à l’arrivée du moniteur on retournait encore pour le sport avant de vaquer aux autres activités supplémentaires à faire. C’était comme ça, durant la période qu’a durée la formation. Je suis rentré au pays en 1981 et directement, on a été envoyé à Ouidah pour une seconde formation, histoire de découvrir un peu comment les choses se passaient ici. C’est après ça, on a été envoyé dans les différents bataillons. Moi j’ai pris service au Camp Guézo avant d’être envoyé par la suite à l’état major général.

Quels sont les avantages de votre métier ?

Avantage, il faut dire qu’en toute chose, il faut la passion. C’est cette passion qui m’a amené dans l’armée. On était fier de ce qu’on faisait, de servir la Nation. Si le pays se porte bien, c’est parce que le militaire joue bien son rôle qui est d’assurer la protection du peuple. Et c’est une fierté puisque, tout le peuple nous en est reconnaissant. A part ça, c’est le salaire qu’on perçoit à chaque fin du mois pour le service rendu.

Qu’en est-il des inconvénients ?

Comme inconvénients, c’est que le militaire n’a pas de repos. Le travail, c’est 24h/24. Vous pouvez être sur un terrain, et immédiatement on vous dit, c’est de l’autre côté. Vous êtes obligé de rebrousser chemin, c’est comme ça. Mais bon, du moment où, l’armée c’était une vocation, moi je ne percevais pas trop les difficultés, il suffit de se donner et de respecter les ordres, et tout se passe bien.

Quel est le moment le plus heureux de votre carrière ?

A la fin de ma carrière en 2014, j’ai été décoré par mes chefs pour service rendu à la Nation. Je suis fier d’avoir servi avec abnégation et dévotion mon pays, et j’ai été récompensé pour ça. C’est une fierté pour moi, d’autant plus que ce n’est pas tout le monde on décore en fin de carrière. On a été décoré au Prytanée militaire de Bembéréké, le jour où le président Kérékou mourrait.

Racontez-nous ce moment de votre carrière qui vous a marqué négativement ?

J’ai été nommé au Nord en 1991 comme comptable du camp militaire de Parakou. Mais un jour, alors que je voyageais sur Cotonou par le train couchette, j’ai été suivi par les bandits qui m’ont aspergé de produits croyant que j’ai de l’argent sur moi. Comme j’avais l’habitude de trimballer de l’argent de Cotonou pour Parakou, ils ont pensé que j’en avais sur moi, alors qu’il n’y avait que mes papiers sur moi. Ils m’ont aspergé de produits et j’ai fait près de 3 mois à l’hôpital. Ce jour là, je ne sais même pas dans quel état je suis arrivé à Cotonou. Je me suis simplement retrouvé à l’hôpital. C’est un événement qui m’a marqué, car j’ai failli perdre ma vie. La cabine où je me trouvais dans le train, je la partageais avec une famille qui a perdu son enfant de 2 ans sous l’effet du produit.

Parlez nous de vos missions à l’extérieur du pays ?

J’ai été envoyé en mission en République Démocratique du Congo (Rdc) en 2007 où j’ai passé 8 mois et ensuite en Côte d’Ivoire pour 6 mois.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’armée béninoise ?

Vraiment pour être sincère, l’armée béninoise a perdu ses lettres de noblesse d’antan, l’armée a perdu sa valeur. Les soldats aujourd’hui, n’ont plus l’amour du travail, et sont caractérisés par une indiscipline qui ne dit pas son nom. Les soldats n’ont plus aucun respect pour la hiérarchie, pour le métier qu’ils exercent. C’est avec regret, on constate des militaires habillés en treillis, qui se soulent la gueule dans des cabarets. Le treillis qui par le passé était une tenue sacrée, qui faisait la fierté du militaire, est aujourd’hui désacralisée. Il y a même des militaires qui portent leurs treillis sans les laver, c’est dommage.

Un message à l’endroit de la jeune génération

J’invite les jeunes à cultiver la patience. Les gens se lèvent aujourd’hui et veulent grandir tout d’un coup. Alors que ça ne se passe pas ainsi. La vie est faite d’étape. Moi j’ai commencé ma carrière, avec un salaire de 14 000 Fcfa. Le mangé prenait 7 000 et on se débrouillait avec l’autre moitié restante, pourtant on a vécu. Aujourd’hui, les jeunes sont bien payés, mais ils ne font rien avec les sous. Alors que, quand tu gères mal tes trois premiers salaires, toute ta carrière est foutue comme ça.

Votre mot de la fin ?

Pour finir, je vais une fois encore demander aux jeunes d’écouter les conseils des aînés et d’oublier les ambitions démesurées. L’ambition n’est pas au programme pour quelqu’un qui veut aller loin. Merci à vous.

Propos recueillis et transcrits par Samira ZAKARI

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