UNE VIE UN METIER : Le retraité, Jean Akpaki parle de sa carrière d’enseignant

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Il a pendant 30 années, contribué à l’éducation et la construction de l’avenir des enfants placés sous sa responsabilité en tant qu’enseignant du primaire. Jean Akpaki, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a servi avec loyauté et dévotion son pays dans le secteur de l’éducation jusqu’à ce qu’il soit appelé à faire valoir ses droits à la retraite en 1998. Vingt-trois ans après, votre journal est allé à la rencontre de ce bâtisseur des cadres de demain. Il nous parle à travers cette interview, des hauts et des bas de son métier. Lisez plutôt.

Samira ZAKARI

Daabaaru : Pourquoi avoir choisi faire carrière dans le secteur de l’enseignement ?

Jean Akpaki : J’ai choisi l’enseignement comme profession par vocation. C’est un métier qui me passionait beaucoup, j’aimais être entouré des enfants quand j’étais jeune. J’ai donc décidé de concrétiser mon rêve en participant au concours d’entrée au lycée Félicien Nadjo en 1965-1966. Je faisais d’ailleurs partie de la première promotion à être formé dans ce lycée. Notre formation a duré 1 an donc de 1966 à 1967.

Comment étaient vos débuts dans cette fonction ?

J’ai pris service en octobre 1967 à Guinagourou dans la commune de Pèrèrè. J’avoue que ça n’a pas été facile de convaincre les parents à envoyer leurs enfants à l’école. J’usais de tous les moyens pour les convaincre. Je leur faisais comprendre par exemple, qu’ils payent chaque fois la taxe civique alors qu’ils n’ont pas d’enfants cadres, ni d’infrastructures communautaires pour développer le village. Alors, la seule chose à faire, c’est d’envoyer les enfants à l’école pour qu’ils viennent désenclaver leur village. C’est ainsi que grâce aux sensibilisations, j’ai pu avoir des enfants à l’école. Et souvent, on étudiait dans la nuit afin de combattre les promenades de nuit auxquelles étaient habitués les enfants dans les villages. Ils étaient ainsi occupés et n’avaient plus du temps pour autre chose. Je le faisais avec amour.

Parlez-nous des avantages de votre métier ?

Les avantages, on les perçoit à la fin de la carrière, au moment où les enfants qu’on a encadré, réussissent et commencent aussi par exercer une profession. On se sent fier et soulager quand on se rend dans une administration et que c’est notre ancien élève qui s’y trouve. Ce dernier n’hésite pas à nous rendre service. Je bénéficie beaucoup de mes élèves, il y en a même que je ne reconnais plus et c’est eux qui se présentent à moi. Par exemple, ils étaient récemment une dizaine à venir me saluer à la maison, je ne m’y attendais même pas. Ils se sont présentés et m’ont remercié pour avoir contribué à ce qu’ils sont aujourd’hui. En partant, ils m’ont remis une enveloppe financière. C’est très touchant, mais moi je trouve que je n’ai fait que mon travail.

Quelles sont alors les difficultés de votre métier ?

Dans toute profession, il y a des avantages et des difficultés. La plus grande difficulté en notre temps, c’était d’arriver à convaincre les parents à adhérer à notre vision qui est que, chaque enfant à le droit d’être instruit. L’autre chose c’est d’arriver à recadrer ces enfants d’horizons divers et d’éducation différentes et les inculquer les valeurs comme le vivre ensemble. Mais, vu que cela faisait partie de ma mission d’éducateur, je le faisais à cœur joie.

Quel est le moment qui vous a marqué positivement au cours de votre carrière ?

Quand je partais à la retraite en 1998, à l’école Gah ici à Parakou, une petite cérémonie a été organisée. Ce jour-là, j’ai reçu comme cadeau, un ventilateur de la part de l’Association des Parents d’Elèves (Ape) pour que je profite bien de ma retraite. Les vendeuses de l’école m’ont quant à elles, offert une glacière. Ce geste m’a énormément touché.

Quel est le moment qui vous a marqué négativement ?

Je n’ai vraiment pas connu de moment malheureux en tant que tel. Je n’ai pas d’histoire particulière à vous raconter.

Quel regard portez-vous sur la qualité de l’enseignement aujourd’hui ?

Les choses ne se déroulent pas vraiment comme on les voyaient pour ce secteur. L’enseignant n’est plus cet être qui forçait l’admiration dans la société. Et tout cela, parce que les gens embrassent aujourd’hui cette carrière, pas, par vocation mais parce qu’ils n’ont pas trouvé mieux. Ce qui fait que la conscience professionnelle n’est plus. Les enseignants, au lieu de se préoccuper du savoir à inculquer aux apprenants, se focalisent sur l’argent qu’ils se feront dans ce métier. Tantôt c’est des Travaux Dirigés (Td) qui sont exigés aux enfants, tantôt c’est des documents qui sont confectionnés et dont l’achat est exigé aux apprenants. Tout ceci pour se faire de l’argent. Moi, je vois des enfants qui vont à l’école après 15 h et ça devient même une habitude sans que les enseignants s’en soucient. C’est regrettable. Il faut que les choses changent vraiment.

Un message à l’endroit de la jeune génération ?

La jeune génération doit s’appuyer sur les anciens et écouter leurs conseils pour que leurs efforts ne soient pas vains. Il faut qu’ils prennent conscience, qu’ils sachent, qu’ils sont maîtres de leur destin. Il y en a aujourd’hui de ces jeunes, qui vont à l’école pour fumer de la drogue. Certaines filles pour provoquer leurs enseignants. Il faut que tout cela cesse et qu’ils travaillent sérieusement pour réussir leur vie. J’ai foi que la jeunesse changera de mentalité à force d’être sensibilisée.

Votre mot de la fin

J’invite les parents à aider les enseignants à assurer l’éducation de leurs enfants. La veille doit être permanente à tous les niveaux. Quand ces enfants sont à l’école, ils sont placés sous la responsabilité des enseignants. Une fois à la maison, il faut que les parents également jouent le rôle qui est le leur pour que ces enfants deviennent plus tard des fiertés nationales. L’éducation des enfants n’est pas l’affaire d’une seule personne. Je vous remercie.

Propos recueillis et transcrits par Samira ZAKARI

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