UNE VIE, UN MÉTIER : Roger Tindo, au sujet de son parcours d’enseignant

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UNE VIE, UN MÉTIER

Roger Tindo, au sujet de son parcours d’enseignant

Durant 30 ans, il a participé à la formation et l’éducation de plusieurs cadres qui font aujourd’hui la fierté du Bénin dans plusieurs secteurs. Lui, c’est Roger Tindo, enseignant du secondaire à la retraite. De l’enseignement primaire où il a commencé jusqu’au secondaire où il a fini sa carrière, cet homme a servi avec honneur et loyauté dans ce corps qu’il a choisi parmi tant d’autres. Pour ce numéro de votre rubrique une vie un métier, votre quotidien est allé à la rencontre de Roger Tindo qui revient sur ses années de service en tant qu’enseignant. Lisez plutôt.

Daabaaru : D’où est partie cette idée de devenir enseignant ?

Roger Tindo : Je dois dire avant tout que l’enseignement est un métier très complexe et on ne devient pas enseignant par hasard mais parce qu’on a l’aptitude de transmettre le savoir. Moi particulièrement, j’ai choisi d’enseigner parce que j’ai vu en moi la capacité de pouvoir exercer ce métier. A l’époque, l’État avait lancé le recrutement de jeunes volontaires pour servir dans l’enseignement pour améliorer la qualité de l’enseignement et combler le vide en enseignants. Moi, ayant échoué à mon baccalauréat en ce moment, j’ai décidé de déposer mes dossiers pour le recrutement afin de partager mon peu de connaissance avec mes frères du primaire. J’ai été envoyé dans l’Atacora pour prendre service dans une école primaire en 1981 après la signature de mon engagement biennale de 2 ans. Après donc les 2 ans, on devait aller dans une Ecole Normale d’Instituteur pour devenir enseignant complet. Étant en situation de classe j’ai décidé de passer une fois encore le Bac qui a été cette fois-ci couronné de succès. Il fallait donc aller continuer les études sur le campus et l’État avait lancé des concours pour intégrer différentes écoles à l’intention de nouveaux bacheliers. J’ai passé deux concours à savoir le concours de l’école normale supérieure pour devenir enseignant du secondaire et celui de l’école normale de l’administration pour devenir administrateur.

Comment êtes-vous devenus enseignant ?

J’étais admis pour les deux concours mais il fallait choisir, c’est comme ça j’ai choisi l’Ens pour poursuivre mes études. J’étais passionné pour la géographie et l’histoire mais encore plus pour la géographie. Sur la fiche d’orientation qu’on devait remplir, je me suis inscrit pour l’histoire et la géographie avec la dominance géographie. Mais par erreur lors du remplissage au niveau de l’administration de l’école on m’a envoyé au niveau de l’histoire chose que je ne voulais pas. Mais la responsable de la Flash qui à l’époque a mal rempli la fiche m’a conseillé d’aller avec l’histoire et que je n’allais pas me plaindre, chose que j’ai accepté tant bien que mal. Et effectivement j’ai fini par prendre du plaisir à le faire. J’ai fini ma formation en 1986 et il fallait automatiquement rejoindre notre lieu d’affectation. Moi j’avais choisi l’Eniab à Parakou mais venu pour ma prise de service on m’a fait comprendre que je ne pouvais pas enseigner là-bas puisque c’était un établissement qui formait des agents de santé. C’était la désolation et je suis resté à la maison pendant des mois avant d’être finalement envoyé dans la commune de Banikoara.

Comment étaient vos débuts dans cette carrière ?

En venant au Nord c’était pour m’arrêter à Parakou mais les choses ne se sont pas passées comme il faut et je me suis retrouvé à Banikoara. Mais il fallait y aller, c’était la période révolutionnaire et les négociations n’étaient pas possible. L’ambiance de travail était plutôt bonne avec mes autres collègues et l’administration. J’étais le seul enseignant d’histoire et géographie pour tout le collège et en même temps le censeur retenu pour le collège. J’ai également en dehors de ça, le privilège d’être désigné pour occuper d’autres postes de responsabilités. Après 5 ans de service, de dur labeur dans la localité, j’ai demandé d’affectation en 1991 pour revenir à Parakou et j’ai été envoyé au Ceg Hubert Maga.

Quels sont les avantages de votre métier ?

Il faut dire que de retour à Parakou, j’ai servi pendant 10 ans au Ceg 1, ensuite au Ceg Titirou où j’ai fait 1 an avant de rejoindre le Ceg Albarika où j’ai été nommé censeur et passé 6 ans. C’est après cela j’ai été nommé directeur pour créer un collège à Komiguéa où j’ai pris ma retraite en 2016 après 8. ans passé là-bas. Alors parlant d’avantage, lorsqu’on est enseignant et qu’on ai choisi soi-même le métier d’enseigner, on est fier de donner le savoir aux jeunes générations, le savoir faire et le savoir être. Donc on forme les citoyens et surtout la matière que j’enseignais, me permettait de présenter comment le monde se présentait encore que l’ancien programme comparé au nouveau programme est plus dense et nous permettait de toucher à tout. Lorsque moi je prenais mon sac et que je me rendais en classe même quand je suis mal alaise, la santé revient immédiatement. C’est pour nous une fierté d’instruire des enfants qui plus tard deviennent la fierté de toute une Nation, Il n’y a pas plus grande richesse que ça. À cause de ce métier et pour avoir transmis avec plaisir le savoir à tous ces élèves qui sont passés par moi, quand j’ai un souci, il me suffit de prendre mon téléphone et d’appeler le numéro que je désire pour que le problème soit résolu. Quand je vais à la pharmacie ou même dans un restaurant pour acheter et que je veux payer la facture, je suis surpris de savoir que quelqu’un est passé par là et a déjà réglé la facture. Ça fait partir des nombreux avantages de ce métier.

Qu’en est-il des difficultés ?

Enseigner n’est pas du tout facile, il faut être quelqu’un qui aime se cultiver et qui fait des recherches. Avant de se mettre devant les enfants et de leurs enseigner quoi que ce soit, il faut soi-même avoir la maîtrise de la notion, il faut donc faire des recherches, être sûr de ce qu’on a trouvé comme information, être à même de faire le résumé des résultats de recherches avant de le livrer aux apprenants. Après cette étape, l’enseignant est appelé à évaluer les enfants pour savoir si effectivement la notion enseignée est comprise de tous et le plus dure à ce niveau est la correction des copies. Il faut pouvoir analyser le travail de l’apprenant et pouvoir tirer le bon du mauvais. Aussi, il faut dire qu’étant enseignant, on est appelé à recevoir des enfants de différents horizons avec des éducations différentes d’un enfant à un autre, supporter les caprices de certains élèves récalcitrants ce n’est pas du tout facile. Il faut pourvoir être dur et bon à la fois c’est-à-dire sévir quand ça ne va pas et doux quand tout va bien.

Racontez-nous le moment qui vous a marqué positivement au cours de votre carrière ?

Le moment qui m’a marqué positivement, je peux dire que c’est au moment où je suis entré dans l’administration parce qu’il faut dire que j’ai fait 16 ans à la craie et 14 ans dans l’administration avec 6 ans de censorat. Alors, les 4 premières années de censorat m’ont vraiment été des années de joie parce que ayant aidé des censeurs au Ceg Hubert Maga j’étais déjà moulé dans le travail et quant on m’a nommé à mon tour censeur au Ceg Albarika, j’étais allé révolutionner les choses là-bas. Les gens ont pu m’observer et ont vu que j’étais vraiment en mesure de jouer ce rôle puisque les choses n’allaient pas trop bien là-bas. Le directeur était content de savoir que c’était moi qui a été envoyé dans le collège ayant déjà une idée de mon sérieux dans le travail. On a travaillé dans une bonne ambiance lui et moi, il m’a pris comme son enfant et me laissait même souvent le libre choix d’agir. Je travaillais souvent jusqu’à tard dans la nuit sans même m’en rendre compte. C’était vraiment bien.

Quel a été ce moment là qui vous a marqué négativement ?

J’étais au Ceg Albarika quand j’ai été nommé directeur pour créer un collège à Komiguéa. Il faut dire que je n’étais vraiment pas content car ce n’est pas du tout facile d’être créateur d’un établissement. Pour les débuts je jouais seul le rôle de censeur, de surveillant, de comptable et de directeur. Déjà le soir de ma prise de service, j’ai reçu sur ma table une centaine de dossier de demande d’emploi que j’ai pris le soin d’étudier avec l’aide d’un jeune de la localité qui m’a donné un coup de main. De ces lots de dossiers, j’ai pu dégager 14 jeunes licenciés pour travailler avec moi en tant qu’enseignant. Il faut dire que la collaboration était bonne avec ces derniers qui me respectaient beaucoup et pour notre première présentation de candidat à l’examen du Bepc, on est sorti 2ièm dans la commune de N’Dali sur 8 collèges. Les choses sont devenues compliquées à partir de ma 5ème année dans le collège avec l’arrivé d’un surveillant. Ce dernier, dès son arrivée se prenait pour la 2ème autorité de la maison et minimisait les vacataires et voulait que je fasse autant ce qui n’était pas pareil. Ces vacataires sont ceux là avec qui j’ai commencé dans cet établissement, ils m’ont aidé à atteindre les résultats escomptés je ne pouvais pas les oubliés comme ça. Les années suivantes j’ai reçu un censeur, un comptable et des enseignants reversés qui se prenaient pour des permanents. Les choses se sont encore plus compliquées. Le corps professoral s’est formé en deux, avec les vacataires d’un côté et les nouveaux enseignants qui se sont ralliés au surveillant. Ils voulaient coûte que coûte que j’abandonne les vacataires pour satisfaire leurs caprices. Et le syndicalisme qui n’existait même pas dans ce collège est né, il fallait réclamer des droits, on m’exigeait des choses pas possibles et on voulait que j’honore. Ils allaient même jusqu’à raconter des histoires à la Direction Départementale de l’Enseignement Secondaire et on m’interpellait pour ça. Et moi comme je n’avais rien à me reprocher, je racontais les faits tels qu’ils sont. J’ai pu faire ce que je veux en tout cas, avec le soutien du bureau Ape que j’écoutais beaucoup. J’ai passé les 8 ans dans ce collège avant de prendre ma retraite en 2016.

Un message à l’endroit de la jeune génération d’aujourd’hui ?

Je voudrais d’abord dire que le métier d’enseignant est un métier de vocation, il faut vraiment avoir la volonté de transmettre le savoir. Alors que les jeunes d’aujourd’hui, ils ont une visée pécuniaire, veulent aujourd’hui et maintenant avoir l’argent alors que nous, on a servi sans chercher à savoir qu’il y a quelque chose qu’on pouvait prendre chez les tiers en dehors du salaire. Ce n’est plus la même chose maintenant. Je leur demanderai de réfléchir d’abord avant d’intégrer ce métier car on ne devient pas enseignant pour devenir riche, c’est la craie toute notre richesse. Moi quand je passe devant un ancien élève ou un enseignant je me sens fier car je n’ai jamais eu cette idée de rançonner même quand j’avais la possibilité de le faire au moment où j’ai recruté des dizaines d’enseignants je ne l’ai pas fait. Quand on tente de me présenter l’enveloppe, je leur dis de garder et de l’utiliser pour autre chose car ce que je gagne dépasse ce qu’ils me présentent là. J’invite les jeunes à se donner au travail, à se cultiver et puis le reste viendra, ils pourront jouir au bon moment du fruit de leurs efforts.

Vote mot de la fin?

Une fois encore j’invite les jeunes au travail afin de relever le secteur de l’enseignement qui se meurt de plus en plus. L’enseignement n’est plus ce qu’il était avant parce qu’on a des gens qui sont aujourd’hui enseignant par hasard, des juristes, des sociologues qui subitement se retrouvent dans l’enseignement, ce n’est pas bien. Avant d’être enseignant, il faut pourvoir prendre du temps et étudier celui là qu’on est appelé à éduquer. Il va falloir que les jeunes travaillent vraiment et avec les efforts du gouvernement en place, je crois que les choses vont s’améliorer. J’ai espoir.

Propos recueillis et transcrits par Samira ZAKARI

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