ZONE DE LIBRE-ECHANGE CONTINENTAL AFRICAIN : Un projet qui exige du Bénin de grands efforts . « Il faudrait revoir la structure de notre économie en privilégiant la production locale », suggère l’économiste Amine Alassane

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ZONE DE LIBRE-ECHANGE CONTINENTAL AFRICAIN

Un projet qui exige du Bénin de grands efforts

. « Il faudrait revoir la structure de notre économie en privilégiant la production locale », suggère l’économiste Amine Alassane

Les chefs d’Etat africain ont signé lors du sommet de l’Union Africaine tenu du 4 au 8 Juillet dernier à Niamey au Niger un accord sur la Zone de Libre Echange Continental Africain (Zlecaf). Cet accord permettra d’améliorer les échanges commerciaux entre les pays africains. Le Bénin fait partie des 54 pays africains ayant paraphé ce document à travers son président Patrice Talon. Dans un entretien le doctorant en économie des ressources naturelles et de l’environnement Amine Alassane apporte des éléments de réponses sur les conditions préalables que le Bénin doit remplir afin de bénéficier de cet accord et ces impacts sur l’économie béninoise.

Daabaaru : C’est quoi en réalité la Zone de libre-échange continental africaine (Zlecaf)?

Amine Alassane : La Zone de Libre Echange Continental Africain (Zlecaf) est un accord signé par les chefs d’Etat africain lors du sommet de l’Union Africaine tenu du 4 au 08 Juillet passé au Niger (Niamey) et dont l’objectif est d’améliorer les échanges commerciaux entre les pays africains. C’est un nouvel accord très ambitieux car par lui, les Présidents Africains souhaiteraient atteindre le taux de 65% de commerce intra-africain d’ici 2030.

Qu’est ce que le Bénin gagne en signant cet accord ?

En signant cet accord, le Bénin pourra gagner d’énormes profits dont : Bénéficier des possibilités commerciales qui changeront le visage de son industrialisation car : La Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) s’étendra sur un marché de 1,2 milliard de personnes, représentant un produit intérieur brut (Pib) de 2 500 milliards de dollars dans l’ensemble des 55 États membres de l’Union africaine. Du point de vue du nombre des pays participants, elle sera la plus grande zone de libre-échange du monde depuis la création de l’Organisation Mondiale du Commerce (Omc).

De même, Avec des tarifs moyens de 6,1 %, les entreprises sont actuellement confrontées à des droits de douane plus élevés lorsqu’elles exportent en Afrique plutôt qu’en dehors du continent. La Zlecaf éliminera progressivement les droits de douane sur le commerce intra-africain, ce qui permettra aux entreprises béninoises de négocier plus facilement sur le continent, de répondre aux demandes du marché africain en pleine croissance et de profiter des avantages offerts par ce dernier. Stimuler sa croissance durable et réduire in fine le taux de chômage car : la Zlecaf génèrera des emplois pour la jeunesse africaine en pleine expansion.

En effet, les exportations de la culture de rente (Coton) sur lesquelles le commerce béninois repose actuellement exigent une main-d’œuvre moins abondante que les produits manufacturés et vivriers qui seront les principaux bénéficiaires de la Zlecaf. En favorisant l’avènement d’un commerce à plus forte intensité de main-d’œuvre, la Zlecaf créera plus d’emplois. Booster l’émergence des petites et moyennes entreprises qui sont actuellement en vogue au Bénin, car la Zlecaf pourra également s’avérer bénéfique pour les petites et moyennes entreprises en leur permettant d’alimenter en intrants les grandes entreprises régionales exportatrices. Par exemple, avant d’exporter des voitures à l’étranger, les grands constructeurs automobiles en Afrique du Sud s’approvisionnent en intrants dans le cadre du régime commercial préférentiel de l’Union douanière de l’Afrique australe, et achètent notamment le cuir des sièges au Botswana et les textiles au Lesotho.

Quels sont les impacts de la Zlecaf sur l’économie béninoise ?

Les impacts de la Zlecaf sur l’économie béninoise peuvent être positifs comme négatifs. Ces impacts seront positifs si le Bénin arrive à diversifier et à augmenter sa production. La diversification consiste ici à ne plus focaliser ses énergies sur une seule culture de rente comme c’est le cas actuellement avec le Coton. Grâce à cet accord, le Bénin pourra desservir sans coûts le Niger, le Nigeria, Le Tchad et autres pays africains en ananas par exemple.

De même, Les pays moins industrialisés comme le Bénin pourraient en tirer des avantages en s’intégrant dans les chaînes de valeur régionales. Ces dernières concernent les grandes entreprises qui s’approvisionnent auprès de petites industries à travers les frontières. La Zlecaf facilitera la création de chaînes de valeur régionales en réduisant les frais commerciaux et en promouvant l’investissement.

En outre, le Bénin étant un pays agricole peut profiter de la Zlecaf en répondant aux besoins croissants de l’Afrique en termes de sécurité alimentaire. Du fait de la nature périssable de nombreuses denrées agroalimentaires. Ainsi, le Bénin bénéficierait plus particulièrement des améliorations des délais de dédouanement et de la logistique de la Zlecaf.

Les impacts peuvent aussi être négatifs si nous n’arrivons pas à structurer notre économie. C’est le cas que nous sommes en train de traverser actuellement avec la fermeture de la frontière bénino-nigériane. Si nous continuons avec l’actuelle structure de notre économie qui est beaucoup plus une réexportation des produits non africains vers le Nigeria, le Niger, le Burkina et autres, nous serons en contradiction avec nos propres accords. Et cela peut nous coûter extrêmement cher (comme cette fermeture unilatérale de la frontière bénino-nigériane).

Donc pour éviter ces impacts négatifs, il faudra que les béninois travaillent davantage et pensent à diversifier leurs activités économiques.

Et si le Bénin ne signait pas cet accord, quelles sont les conséquences ?

Le Bénin ne pouvait même pas rester sans signer l’accord. Car s’il le faisait, il perdrait tous les avantages cités à la réponse citée ci-haut

En outre, si le Bénin refusait de signer cet accord, en tant que pays moins industrialisé, il se refuserait donc de bénéficier de : la mise en œuvre du programme dans le cadre du développement industriel accéléré de l’Afrique ; des investissements nationaux dans l’éducation et la formation pouvant garantir que les compétences complémentaires nécessaires soient acquises. Donc ne pas signer cet accord serait pour le Bénin une manière de vivre en autarcie. Ce qui fragiliserait exponentiellement notre économie déjà boiteuse.

Selon vous, quels devraient être les préalables à observer pour que cet accord soit vraiment bénéfique au Bénin ?

Pour que cet accord soit vraiment bénéfique au Bénin, il faudrait d’abord arriver à nous départir des réexportations des produits qui ne sont pas produits en Afrique. Autrement dit, il faudrait revoir la structure de notre économie en privilégiant la production locale. Après cela, il fallait commencer à penser à une industrialisation de notre économie. Sinon à l’état actuel, le Bénin aura du mal à jouer sa véritable participation dans la Zlecaf et par conséquent, à en tirer grandement profit.

Que suggérez-vous face à cette volonté des États ?

Cette volonté est la première concrétisation d’un vœu de Kwamé N’krumah : Unité Africaine. Quoi qu’il en soit, la Zlecaf permettra un renforcement des liens entre les pays africains et par ricochet entre tous les africains. Mais là où nous sommes un peu dubitatifs, c’est qu’il y a une forte similitude des produits africains surtout en Afrique centrale et occidentale. De là, l’on se demande sur quoi aura lieu concrètement les échanges intra-africains. Mieux, la plupart de nos pays étant toujours sous industrialisés, il y a lieu de poser la question suivante : la Zlecaf n’est-il pas un accord qui transformera les pays africains en de petits commerçants des produits asiatiques, américains et indiens ?

Face à cela, nous suggérons à nos Etats de vraiment penser non seulement à la diversification de leur économie mais aussi et surtout chercher à développer l’industrialisation, car sans elle aucune plus-value significative ne pourra être obtenue.

Enfin, il faudra que les 54 Etats africains qui ont signé cet accord se donnent une possibilité de zone préférentielle qui permettra de dresser leur liste suivi des cultures où chacun a un avantage absolu.

Propos recueillis par Wilfried AGNINNIN

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