AU CŒUR DES JARDINS AU BENIN
Quelles perspectives pour l’avenir ?
Le maraîchage apparaît aujourd’hui comme l’une des principales composantes de l’agriculture urbaine et périurbaine. Au Bénin, les cultures maraîchères sont produites dans toutes les villes afin de subvenir un temps soit peu aux besoins alimentaires des populations. Elles constituent l’une des principales activités qui occupent particulièrement les couches vulnérables de la population en quête du mieux-être. Cette nécessité d’accroître leur chiffre d’affaire afin de pourvoir aux différents besoins vitaux de leur famille respective font que les maraichers sont obligés de faire l’usage des engrais chimiques. Entre la recherche du gain, la forte demande au sein de la population et la préservation de l’environnement, une question se pose. Que faut-il faire lorsque la demande s’accroît et que l’environnement se dégrade ? Pour répondre à cette interrogation, votre quotidien a reçu en interview le docteur Rodrigue Diogo, il est enseignant chercheur à la faculté d’agronomie de l’université de Parakou et spécialiste des systèmes de production agriculture et élevage. Lisez plutôt.
Wahabou ISSIFOU
Daabaaru : Quelle appréciation faites vous de l’utilisation de l’engrais chimique au Bénin ?
Docteur : L’utilisation des engrais chimiques n’est pas en temps que tel un problème en agriculture en ce sens que si on sait bien gérer il ne devait pas y avoir de problème. Malheureusement c’est la mauvaise gestion ou la mauvaise utilisation des engrais chimiques qui cause de problème. Vous savez que nos sols en Afrique subsaharienne en général les sols ont une fertilité très faible due à la roche mère qui est de nature pauvre. Alors, si on prend le cas de notre pays le Bénin, c’est encore plus prononcé puisse que nos sols sont formés sur des roches mères granito-gneisseuses dont les minéraux ne sont pas complètement disponible. Ce qui fait qu’à la longue quand les sols sont formés, les minéraux qui dérivent de la minéralisation des roches confèrent à ces sols la nature de la roche mère qui lui a donné naissance. Ce qui se passe, c’est que les producteurs sont obligés d’utiliser des engrais chimiques pour pourvoir améliorer la productivité des cultures parce que les nutriments qui sont dans le sol ne sont pas suffisants et ne sont pas immédiatement disponible. Lorsqu’ils utilisent les engrais chimiques, qu’est-ce qui se passe ? D’abord il faut dire qu’il y a une certaine variabilité dans les degrés de fertilité dans tout le Bénin. Une étude réalisée récemment par le professeur Igué a montré par exemple que la région des collines a encore une fertilité acceptable. Mais lorsque vous partez du Sud vers le Nord, les départements de l’Alibori et du Borgou sont les moins favorisés tout simplement à cause des pratiques culturales qui consistent à cultiver en mono culture le coton tout le temps. Cela fait 92 % des sols dans ces départements ont un niveau de fertilité faible à très faible. C’est ça qui fait que les producteurs remarquent qu’il y a un problème et qu’il faille utiliser de fertilisants. Le réel problème c’est, comment gérer ces fertilisants. Des fois ils n’ont pas l’information par rapport aux besoins des de la plante. Je veux produire le coton, du maïs, du niébé, je veux produire des plantes légumineuses par exemple qui n’ont même pas besoins de fertilisants, mais les producteurs mettent du fertilisants. Je prends par exemple le cas du coton, ils n’ont pas l’information par rapport à la dose d’engrais chimique qu’il faut appliquer. C’est vrai, on leur donne les sacs d’engrais, les agents de vulgarisation leur disent combien de sacs il faut appliquer par hectare. Mais ils ne sont toujours là pour appliquer avec eux ce fait que les études récentes que nous avons réalisé ont montré qu’il y a eu de fort taux d’utilisation d’engrais chimiques et malgré ça les rendements sont faibles tout simplement parce que la monoculture du coton. Ceci a fait que des lors que les producteurs mettent du coton, les racines cotonnières qui auparavant se développaient ne vont plus loin, deviennent pivotantes. Donc les nutriments appliqués sont lessivés dans le sol et déposent où les racines ne peuvent aller les chercher. Ce qui fait qu’ils obtiennent des rendements très faible. Les rendements obtenus ne dépassent pas une tonne à l’hectare par exemple. Donc ça c’est un problème réel. Il a un problème d’information, un problème de date réelle d’application. Il faut savoir à quelle période appliquer l’engrais chimique parce que si vous ne savez pas le cycle de la culture, vous appliquez l’engrais même au début avant de mettre la semence l’engrais va se minéraliser, la plante ne s’est pas développer encore, la racine n’a pas encore la force de prendre les nutriments, donc ça va été lessivés. Donc il y a un problème de gestion de l’équilibre entre besoin et la plante, date exacte de l’application pour pourvoir maximiser l’utilisation par la plante. Et là, je crois que c’est un problème d’information, de sensibilisation et d’éducation des producteurs pour comprendre comment utiliser ces instants agricoles qui ma foi créent de sérieux problèmes à l’environnement.
Alors vous avez expliqué de façon générale l’utilisation de l’engrais chimique par les producteurs. En ce qui concerne les maraîchers, car on sait que ceux là, c’est des personnes qui produisent généralement au niveau des bas-fonds. On également que l’endroit qui regorge plus d’éléments nutritifs dans le sol. Pourquoi les maraîchers utilisent ils encore les engrais chimiques ?
C’est tout simple. Ils sont guidés par l’idée de maximiser leur production. Il semble que plus on met de l’engrais, plus on a de rendement. Normalement c’est ça. Mais ils oublient qu’il y a un maximum c’est-à-dire qu’il y a certaine dose au delà de laquelle ce n’est plus économique. Dans les bas-fonds, c’est vrai il y a beaucoup d’argile, ce sont des sols qui sont riches. Mais pourtant les producteurs utilisent de l’engrais parce qu’ils sont toujours déterminés par le profit. Alors qu’est ce qui se passe ? On a constaté que dans plusieurs systèmes de production si je prends l’exemple de Parakou, dans la plupart des jardins que nous avions visités, que ce soit vers l’abattoir à Titirou, à Amanwignon ou ailleurs, les producteurs utilisent les doses d’engrais qui dépassent les besoins de la plante. Et le danger est que la plante ne prend pas. Pire encore, ajouter à l’utilisation de l’engrais chimique, ils utilisent de forte dose de déjection de fiente de volaille, des boutes de vaches, ce qui accentue encore le taux d’éléments nutritifs dans le sol. Donc moi je pense que c’est important d’éduquer les producteurs parce que la plupart d’eux ne reçoivent pas de formation. Surtout les maraîchers, la demande est là, ils sont toujours à la recherche du gain ou du profit. Ils savent que quand on y met beaucoup d’engrais et on y gagne. Mais en réalité quand on compare les pratiques, le rendement obtenu et la valeur marchande du produit, on se dit que les pratiques ne sont pas comptables.
L’utilisation de ces engrais chimiques a forcément des impacts sur les légumineuses, les fruits qui n’ont plus leur durée de conservation parce que l’état des lieux n’est pas reluisant. D’ici combien d’années on peut arriver à un niveau où franchement les maraîchers auront du mal à pouvoir produire et en profiter ?
Bon, c’est vraiment délicat. Il y a un problème. Il faut trouver de solution. On a fait des diagnostics. Nous on est seulement dans la recherche, on trouve des résultats, on publie. Mais on n’est pas décideurs pour prendre des décisions qu’il faut pour accompagner. Ce qui serait important est d’éduquer, d’organiser les maraîchers en école et de leur apprendre comment gérer la matière organique du sol. Parce que gérer la matière organique, c’est gérer la vie car le sol est la base de tout. Toute notre nourriture provient du sol, nos vêtements, nos chaussures, tout ce qu’on porte, provient du sol. Alors si on peut arriver à gérer, c’est-à-dire séquestrer le carbone au lieu de maximiser l’utilisation des engrais chimiques, on pourra atteindre ces objectifs. Ce qui serait faisable, c’est d’éduquer les producteurs à réduire de moitié, même de 3/4 la dose d’engrais chimique utilisé, de maximiser l’utilisation des déjections animales. Parce qu’il a été montré dans plusieurs études que la combinaison des deux accentue ou donne des rendements meilleurs et protège mieux le sol car l’utilisation des engrais chimiques acidifie le sol et à faire baisser les rendements chaque fois. Donc les conséquences sont là.
Est-ce que vous leur proposez maintenant d’abandonner l’utilisation des engrais chimiques ou vous leur proposez de combiner les deux afin de préserver le sol ?
L’idéal est que même si on leur dit de laisser les engrais chimiques, ils vont toujours utiliser. Ce qui serait bien, c’est de minimiser au maximum l’utilisation de l’engrais chimique et de compléter par l’utilisation de la matière organique. Donc l’idéal c’est de combiner en réduisant considérablement l’utilisation de l’engrais chimique.
Alors, nous sommes déjà au terme de notre entretien, un mot de la fin ?
Le mot de la fin à l’endroit des producteurs, que ce soit les maraîchers ou les producteurs de coton, à tout les producteurs du Bénin de comprendre que s’ils veulent toujours rester dans la dynamique d’une production durable c’est-à-dire continuer à bénéficier du potentiel de leur sol, ils doivent des pratiques de gestion durable.