BÉNIN/SIDIKOU KARIMOU, DJIBRIL MAMA CISSÉ, ASSAAD CHIDIAC ET CIE : L’écrivain Renaud Adohoueto parle de la générosité de ces personnalités

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Nous cherchons souvent ailleurs ce que nous avons déjà. Pendant longtemps, j’ai cherché des modèles de vie. En 2013, j’ai rencontré Jésus. Mais Jésus est un esprit qui est en moi et qui est là et qui est le socle. Je voulais des modèles physiques, surtout en thème d’amour réel pour Dieu et de cette hauteur d’esprit que nous devons avoir. Ces valeurs qui sont éternelles. Et cela n’a rien à voir avec la religion, le sexe, l’appartenance ethnique ou ces choses. Aucune religion n’a le monopole du cœur pour ne pas paraphraser Valery Giscard d’Estaing face à François Mittérand. Tant que tu exprimes ces valeurs, je t’admire et je te plante dans mon cœur. Il y a plein d’exemples de personnes qui m’ont marqué d’une manière ou d’une autre positivement. C’est pourquoi j’avais conçu un projet qui était de dresser le portrait de ces rencontres qui m’ont fasciné. J’avais même contacté déjà des gens en leur expliquant sommairement de quoi il s’agit. J’ai eu l’accord de tous ceux que j’ai contactés. Mais je n’ai pas encore démarré parce qu’entre-temps, tous ces modèles que je cherchais, je les avais sous mes yeux en une seule personne. Donc avant de vous parler des autres, je vais vous parler de cette personne qui a en lui tout ce que je recherchais chez d’autres et que je voyais par intermittence. Cette personne avait toutes ces qualités et en mieux. Cette magnifique personne, c’est mon FEU PERE. Je vais vous parler de son amour pour Dieu, de ce modèle de valeurs qu’il est. Oui qu’il est. Et tout a changé quand j’ai découvert que le daron était un modèle de vie. Un homme de conviction, un homme crédible, un homme de discipline rempli de valeurs, un bourreau de travail etc. Donc dans chaque acte d’amour, de courage, d’héroïsme que je voyais en quelqu’un, le daron était omniprésent. Et cette découverte a tout changé. Il y pas longtemps, j’ai vécu une scène qui a fait que j’ai fait agrandir son portrait que j’ai mis dans mon bureau au dessus de ma tête. Donc quand ceux qui le connaissaient viennent me voir, ils me racontent toujours des gestes de bonté de mon père à leur égard. J’ai vu des gens remplis d’émotions et complètement bouleversés en sortant de mon bureau après avoir évoqué mon père. Et cela a commencé à me travailler énormément et à interpeller mon être au plus profond de moi. J’ai compris que c’est lui qui avait raison. Et j’ai eu la paix à l’intérieur. Et je lui voue depuis une admiration sans bornes. Et c’est pour lui que je fais cet exercice qui a donné un vrai sens à ma vie depuis. Il a répondu à un certain nombre de questions capitales que je me posais.

Dans la société et dans la ville, il était connu. Mais ce que je retiens chez les gens, ce sont ses valeurs humaines qui sont mises en avant. C’est vrai qu’en parlant de lui, les gens pourraient se demander ce qui reste de cet héritage. Je vais en dire un mot afin d’ouvrir et fermer cette parenthèse. Dans la grande cour de la maison familiale à Parakou, c’est un mouvement permanent de camions. Des activités de la famille s’y déroulent. Le bureau que le boss occupait est occupé et bien occupé. Sur le plan matériel, la relève est là et est d’une violence sans nom. Toujours dans l’humilité. Mais ce qui nous intéresse ici, c’est son héritage sur le plan humain.

Si vous prenez le préfet du Borgou par exemple, c’est un bourreau de travail et un homme de valeurs. Je vais vous parler de certaines rencontres rapidement avant d’aborder Les Mémoires du daron. Je veux donner quelques exemples pour juste illustrer certaines choses.

Un jour, j’étais à la mairie pour un papier. Le préfet du Borgou était le secrétaire général de la mairie de Parakou à l’époque. Mais celui qui devait me donner le papier faisait traîner les choses, alors Mr Djibril Mama Cissé qui ne me connaissait pas vraiment s’est approché et m’a aidé à régler le problème. J’avais été touché et on a échangé les numéros. Après sa nomination comme préfet, je l’avais appelé et j’étais passé le voir au bureau pour le féliciter. Donc il m’est arrivé d’échanger longuement avec lui. Il me reçoit toujours dans le salon privé de son bureau ou nous échangeons sans filtre. Et j’ai découvert un homme qui avait ces lumières que je voyais chez des gens qui me faisaient penser automatiquement au daron.

Il m’a confié par exemple que l’un de ses plus grands regrets dans la vie était une scène qui s’était produite vers la bibliothèque départementale non loin de l’institut français. Il a dit qu’un jour alors qu’il était encore SG à la mairie de Parakou, il était allé chercher ses enfants au Centre d’animation sportive (CAS), et il a aperçu une jeune fille qui avait fait tomber sa marchandise de jus. Mais comme il était déjà loin, il n’a pas pu faire demi-tour. Et il en a nourri des regrets. Si bien qu’il n’y a pas longtemps, il était à Dakar avec les autres collègues préfets et la même scène de marchandise renversée s’était reproduite. Mais cette fois-ci quand il a vu la scène de loin, de là où il était assis, il s’est levé promptement et il a réglé toute la marchandise. Et il le fait très souvent, ici au Bénin. Etre à sa place, à son niveau et accorder de l’importance à ces choses banales de la vie qui constituent en elles-mêmes les vraies valeurs m’avait interpellé.

Il est de notoriété publique ici à Parakou que quand il était à la mairie il avait été victime de certains traitements. Pour résumer, il n’était pas d’accord que certaines pratiques qui ne devaient pas avoir lieu se passent. Et on l’avait placardisé. Mais tout le monde savait que c’est lui qui avait raison. Et il a supporté cette injustice sans faire de vagues. Mais quelques années plus tard, étant en position de force, quand il rencontre les auteurs de ces actes contre lui quand il était SG de la mairie, et maintenant qu’il est préfet, il les traite toujours avec déférence en leur accordant même des faveurs. Et je me suis dit d’autres auraient nourri un esprit de vengeance avec leurs raisons. Mais lui, non. Il les rehausse au contraire. Et là tu vois la grandeur de l’homme. Et je me dis, oui mon père faisait comme ça. Le préfet du Borgou est un homme qui a un goût prononcé pour le travail bien fait. Un homme profondément humain, pétri de valeurs. Un atout pour ce pays. Il a l’amour de la patrie. Un grand destin.

– Sidikou Karimou est un frangin. Il fait partie d’un certain nombre d’amis de la même génération et nous nous appelons frangins entre nous. Cela tient essentiellement au fait que nous nous connaissions depuis et avions partagé beaucoup de choses ensemble. Même ce matin, je l’ai eu et nous avons échangé longuement au téléphone. Il comprendra maintenant pourquoi j’avais évoqué des souvenirs avec lui. C’est un homme de valeurs. Voici, un monsieur qui a un carnet d’adresses puissant, un réseau relationnel dense de par le monde entier et qui pourtant est demeuré très simple et est un homme de parole. Il y a environ un mois il était à Parakou et avec d’autres personnes, nous avons passé tout le week-end ensemble chez lui à la sortie de la ville dans une ambiance festive remplie d’humanité, de fraternité, d’authenticité. Il y avait même d’anciens ministres et des personnalités. Mais dans le même temps, il y avait aussi à côté des gens de la famille proche comme lointaine, des connaissances qui étaient venues poser leurs problèmes, des nécessiteux, des amis d’enfance de quartier. D’autres sont là en espérant repartir avec la satisfaction des doléances qu’ils ont amenées. Sidikou Karimou en même temps qu’il était avec nous et demandait à tout un chacun si tout allait bien, il allait voir les autres et discutait avec eux et s’arrangeait qu’ils aient le même sort. Après, il les appelle et donne des instructions et règle leurs problèmes un à un et tu vois les gens resplendir de bonheur. Tu sens qu’il vient de semer de la joie dans le cœur de ces gens. D’autres partent et d’autres viennent. Et la maison grouillait de monde. Et cela m’a rappelé l’ambiance qui régnait à la maison quand le daron pour une raison quelconque organisait de grands festins. À un moment donné, on était en aparté avec Sidik et nous avons échangé en goun et je lui ai dit combien c’était remarquable, cet humanisme qu’il a.

Nous avons un ami commun avec Sidikou. Il vend des fringues. Et un jour, cet ami a eu un grave accident. Et il fallait vraiment de l’argent, des millions pour qu’il ne perde pas l’usage de ses membres. Dès que l’accident s’est produit, Sidikou n’a pas hésité à débourser tout ce qu’il fallait pour des soins appropriés. Et il est allé même au-delà, Sidikou.

Quand j’avais sorti mon livre Fanta, Janvier Nougloï, un passionné de culture avait organisé une séance d’écriture et de lecture musicale de quelques jours dans son centre Ancrage Culture. J’y avais participé avec Fanta. Le Jukebox. J’en avais parlé sur ma page. Le jour de la dernière représentation, Sidikou m’a appelé et m’a demandé l’endroit et l’heure. Je crois qu’il n’avait pas lu le texte en entier. Il pensait que c’était à Cotonou et il voulait passer le soir me faire une surprise avec son équipe. Mais je lui ai dit que c’était à Parakou. Il était déçu de ne pas pouvoir venir gâter le coin comme il a dit. Il m’a demandé :« Dino, qu’est-ce que tu veux que je fasse maintenant, vu que ce n’est pas à Cotonou ?». J’ai répondu. Il faut m’aider dans sa promotion. Quelques jours après, j’étais là quand des gens de la presse ont commencé par m’appeler pour me proposer de me vendre la une ou la der de leurs journaux. Et c’est là, j’ai compris que depuis un moment la der du célèbre quotidien Matin Libre de Sidik avait sur toute sa page la publicité de mon livre. Il a dû s’asseoir sur des contrats de publicité juste pour tenir sa promesse. Et cette der a duré longtemps, gratuitement, juste par amitié. Et il y a plein d’exemples comme ça avec lui. C’est comme ça il est Sidik.

 

J’ai un autre ami frère. Assaad Chidiac. Nous avons un ami qui a mal tourné en se mettant dans les stupéfiants et qui est devenu limite SDF. Donc les gens n’aiment pas qu’ils connaissent chez eux ou qu’ils connaissent leur lieu de travail. Autrement, il est calé là tous les matins. Et ce n’est vraiment pas facile à vivre. Mais quand j’ai observé Assaad, lui, il a fait le contraire. Il l’a amené à la maison, et ça n’a pas raté. Tous les matins, l’ami est là. Mais invariablement, Assaad le reçoit et discute avec lui et lui donne de l’argent. Il n’a jamais montré un signe d’exaspération.

Un soir, il y a une dizaine d’années nous étions attablés au restaurant Le Lambris à la Haie Vive où nous avions nos quartiers. Et pour cause ! Ce jour-là, l’ami en question passait et était sale. Et autour de la table, des commentaires pas très élogieux fusaient déjà à son encontre. Et tu sentais le rejet. Mais Assad l’a appelé, puisque l’ami ne nous avait pas vus. Il passait et titubait presque sur le goudron. Quand il est venu Assad lui a dit de s’assoir avec nous et de commander ce qu’il voulait. Mais il était gêné. Alors Assaad s’est levé et a tiré l’ami et nous sommes allés à l’écart et nous avons parlé avec lui tranquillement. Et Assaad lui a encore filé des sous. Un sens de valeurs pures.

Donc tout en publiant Les Mémoires du daron, des portraits seront dressés. Je me suis donné pour but de faire connaître ces valeurs que des personnes ont et qui sont méconnues. Des gens connus, ou des anonymes.

Je ne sais plus quel auteur disait qu’il revendique le droit d’avoir un avis et son contraire.

C’est ce que j’aime chez les gens que je raconte. Dans le même temps, je ne suis pas contre ceux qui n’agissent pas ainsi. Ils auraient sûrement leurs raisons pour agir autrement.

Pour une fois je vous demanderai de partager les textes afin que le monde découvre les valeurs que ces personnes véhiculent. Merci pour tout.

Renaud ADOHOUETO

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