L’écrivain Dino Renaud Adohouéto rend un vibrant hommage à l’artiste chanteur béninois Sagbohan Danialou. Dans sa chronique, il a fait un témoignage vivant sur cette icône de la musique béninoise. Lisez plutôt.
Wilfried AGNINNIN
En Juillet 2007, nous avions décidé de rendre hommage à notre feu père en organisant une fête pour les 10 ans de sa disparition. Tout s’était super bien passé. Mais ce qui m’avait marqué à l’époque avait été l’attitude qu’avait eue la légende internationale de la chanson, SAGBOHAN DANIALOU.
En effet, quand Hagbè a appris pour la fête, il a nous appelé pour nous dire qu’il sera là. Mais à une seule condition. Il viendra prester en live avec son équipe, mais sans prendre un seul franc. Tout ce que nous avions à faire était de les loger, à la maison et pas à l’hôtel, selon ses consignes. On s’est consulté et nous avons trouvé un moyen pour contourner la condition de l’homme orchestre. Nous l’avons appelé et nous lui avons dit que nous avons accepté sa proposition mais nous allons juste l’aider dans la carburation. Il a compris le subterfuge. Il a été ferme sur sa condition.
Isdeen Idrissou, mon frère, a un ami qui s’appelle Maxime TOE que je connaissais aussi. On se coinçait tous ensemble dans un coin avec l’honorable Charles TOKO du côté de Cadjèhoun au bord de la voie. Maxime a appris qu’Isdeen allait venir à la fête et qu’il y aurait Sagbohan Danialou. J’avais claironné partout que Hagbè serait là. Maxime qui est un burkinabè était à l’époque le représentant de Air Burkina au Bénin. Aujourd’hui il est le directeur de Air Burkina chez lui au Burkina-Faso. Maxime est fou amoureux de la musique de l’homme orchestre. Quand Maxime TOE a appris que sa star adulée serait à Parakou, il a décidé de venir juste pour voir de près sa star préférée. Il ne pouvait pas rater une pareille occasion en or.
Le vendredi du week-end de la fête, nous étions au salon à Parakou quand Maxime nous expliquait sa passion folle pour la musique de l’idole de toutes les générations, malgré qu’il ne comprenne pas les paroles. Il me demandait si Sagbohan serait vraiment là. J’ai mis le doute dans son cœur, exprès.
Nous étions en train de lever le coude quand la porte du salon s’ouvrit. On dirait que le temps s’était figé. Nous vîmes la silhouette majestueuse de Sagbohan Danialou franchir la porte du salon et se diriger vers nous. Maxime a crié et est tombé à la renverse avant de se relever et de se pincer pour se demander s’il ne rêvait pas. Non, il ne rêvait pas. Mais il venait de réaliser un rêve. Sagbohan Danialou, sa star adulée était bien là en face de lui et il peut le toucher. Et c’est avec simplicité, que cet artiste de renommée internationale est resté avec nous à discuter pendant des heures.
Les festivités proprement dites avaient démarré le jeudi pour prendre fin le samedi. La journée de dimanche avait été réservée exclusivement pour la prestation live de l’homme orchestre. Malgré le grand espace qu’il y a la maison, il n’y avait plus de place pour bien circuler. Heureusement que les forces de l’ordre étaient là pour contenir la foule de fans qui s’étaient déplacés d’un peu partout pour vivre un moment inoubliable. Et ils étaient tous ravis.
En effet pendant près de deux heures, l’icône indémodable a électrisé la foule. Hagbè est vraiment exceptionnel et fédérateur. Du plus petit au plus grand, de la vendeuse de Tokpa à la directrice de société, tout le monde l’écoute avec plaisir. Pendant que l’artisan dans son atelier fredonne les chansons de Hagbè, le haut cadre assis derrière dans sa voiture écoute également tes inspirations venues d’ailleurs. Le temps n’a aucun effet sur tes chansons dans lesquelles tu nous enseignes avec justesse et une rythmique parfaite des leçons de vie. Ce dimanche là, j’ai vu des gens ivres de bonheur pour le privilège qu’ils avaient de suivre leur star.
Quand je vais aux spectacles de l’homme orchestre, j’aime aller le saluer après ses prestations. Je sais qu’à ce niveau, je peux compter sur Raïmi, son fils qui est comme un frère pour m’y conduire. Dans la loge, André Dossa, l’excellent journaliste de Canal 3, aujourd’hui Directeur des Services de l’Information et de la Communication à l’assemblée qui est aussi un fan inconditionnel de la musique de Hagbè, n’est jamais loin. Raîmi, le fils est aussi pétri de talents. Qu’il nous balance quelque chose pour nous prouver que la relève est là.
Hagbè est un ami de la famille. Au temps du daron, la maison était bercée en permanence par les musiques religieuses, si bien que malgré l’intensité des nombreuses activités qui s’y menaient, il y régnait une atmosphère de sérénité. Parmi ces cantiques que le daron jouait à longueur de journée , il y avait les psaumes que le pater avait demandés à Hagbè de lui composer spécialement en chansons. Sagbohan Danialou et notre père avaient une relation très forte. Hagbè me l’a démontré encore en Août 2008 lors de la fête de l’indépendance qui s’était déroulée à Parakou.
Pendant cette fête de l’indépendance, l’une de mes mamans à Parakou, Maman Abdoulaye Alimatou, m’avait fait appel. Elle était avec l’une de ses cousines qui était ministre à l’époque dans le gouvernement. Elle occupait un nouveau poste ministériel qui avait été crée à l’avènement du nouveau président en 2006. Ma maman avait dit ceci : «Mon fils, ma cousine et moi nous aimons beaucoup la musique de Sagbohan Danialou. La ministre est venue me voir parce qu’elle veut le rencontrer. Et moi-même je veux le voir absolument. J’ai appris que c’est chez vous qu’il est logé. On fait comment »? Nous avons fait ce que nous avons pu et le soir, une grande fête avait été organisée au Restaurant Le Miel de la Borgoise sur l’étage en présence de la ministre, sans aucune négociation de cachet.
Ce soir-là, j’ai vu des femmes dans la salle pleurer de joie quand Hagbè s’est saisi du micro pour nous procurer un pur moment de bonheur. Hagbè est doté aussi d’un humour extraordinaire. Vous ne pouvez que l’aimer.
C’est toujours un plaisir fou pour moi de le retrouver, comme lors de sa dernière descente à Parakou avec son directeur à la communication, Gildas Lantonkpodé alias Gil Dady, promoteur de DADY CENTER à Calavi, un vrai frère. Frères un jour, frères toujours.
Quand l’artiste Sagbohan Danialou était venu pour la commémoration des 10 ans de la disparition du daron, avant de prendre départ pour Porto-Novo le lundi matin, il nous avait réunis mes frères et sœurs pour nous dire que nous ne pouvions rien faire de plus qui puisse lui faire plaisir comme ce que le daron lui avait déjà fait. Il nous a expliqués que tout ce qu’il fait pour nous est en reconnaissance de ce lien fort qu’il avait avec le boss. Après trois jours passés à Parakou à nous remplir de bonheur, j’ai vu la 4×4 de Hagbè prendre départ pour Porto-Novo, ne sachant pas qu’il vient de laisser derrière lui le souvenir d’un 10ème anniversaire dont il a rendu le souvenir intarissable, tout simplement parce que lui, il y était. Quel merveilleux homme! Quel symbole de reconnaissance et de gratitude. Un homme de valeurs. Nous te portons beaucoup dans nos cœurs et nous t’aimons énormément. Nous savons que tu n’aimes pas l’exposition, mais nous tenions à te rendre cet hommage.
Nous ne demandons pas à avoir forcément un musée Grévin chez nous. Mais une star internationale comme Hagbè est une richesse pour notre pays. Il fait partie de ces personnalités que nos dirigeants au plus haut sommet de l’état devaient recevoir de temps en temps et de façon publique. Cela amènera de la couleur et de la fraîcheur dans l’actualité. Dans le même temps, cela encouragera la génération qui est derrière. Célébrons nos valeurs locales. Pour la majorité des Béninois du Nord au Sud, Sagbohan Danialou est le plus grand chanteur et musicien que le Bénin ait jamais connu. Honorons-le de son vivant. Il le mérite vraiment.
Pensons-y.