REFORME STRUCTURELLE DU SECTEUR DE LA DECENTRALISATION AU BENIN : Des maires sans pouvoir face à des Secrétaires Exécutifs très puissants? . Quand le souci de la bonne gouvernance hante Talon . Tout ce qui a changé

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Le secteur de la décentralisation au Bénin subit depuis quelques années, de nouvelles réformes sous le régime de la rupture. Après la révision du code électoral pour l’élection des conseils communaux et municipaux, le gouvernement du président Patrice Talon vient d’opérer de grandes réformes au niveau de la gestion de la gouvernance locale. En effet, au terme de la séance de travail tenue au palais de la Marina, le mardi 21 septembre 2021, avec les 77 maires du Bénin en présence de leurs adjoints et certains acteurs de la décentralisation, le Chef de l’Etat Patrice Talon, a présenté à ses hôtes son ambitieux projet pour moderniser la décentralisation au Bénin. Une réforme qui, dans la forme, semble dépouiller le maire de son pouvoir et instaurer un Secrétaire Exécutif (Se) très puissant.

Cette nouvelle réformes vise entre autres à, assurer l’efficacité du pilotage et de la gestion de l’administration communale, réduire les interférences politiques dans la gestion administrative et des ressources communales et donner plus de visibilité aux actions politiques de développement dans les communes. En ce qui concerne les principes directeurs, il s’agira d’améliorer les mécanismes de financement des investissements communaux et de séparer les fonctions politiques de celles administratives et techniques pour améliorer la reddition des comptes et lutter plus efficacement contre l’impunité. Définition d’une nouvelle catégorisation des communes ; création d’une fonction de secrétaire exécutif de commune, ordonnateur du budget communal, clarification des nouvelles prérogatives du maire et des adjoints aux maires, clarification des liens de collaboration entre le maire et le secrétaire exécutif ainsi que la création d’un fichier national d’aptitude aux principes de fonction administrative des mairies, sont entre autres résultats attendus de cette réforme.

Selon le document du projet de réforme structurelle du secteur de la décentralisation qui a été proposé par le gouvernement, de grandes modifications seront apportées dans le fonctionnement des mairies. Ainsi, les organes des communes ont été réaménagés. Les organes délibérants seront désormais composés du conseil communal, du conseil de supervision, du maire et du Chef d’Arrondissement (Ca). Quant aux organes techniques, ils sont composés au niveau communal du Secrétaire Exécutif (Se) et au niveau infra-communal du Secrétaire Administratif (Sa) d’arrondissement.

De même, les maires ne seront plus ordonnateurs du budget communal mais ce pouvoir sera plutôt délégué au Secrétaire Exécutif (Se) qui sera nommé par le maire par tirage au sort dans un fichier national. Le Se sera sous l’autorité hiérarchique du maire dans le cadre de l’exercice des pouvoirs du maire. Il doit être un cadre A1 avec 6 ans d’ancienneté ou Bac+5 avec 10 ans d’expérience, et il a un mandat de 6 ans. Aussi le Fonds d’Appui pour le Développement des Communes (Fadec) sera-t-il remplacé par le Fonds d’Investissement (Fi). A cela s’ajoute, la catégorisation en trois des communes. Il s’agit des communes à statut particulier qui sont désormais quatre, celles à statut intermédiaire et à statut de droit commun.

Des réformes qui, selon le gouvernement, visent à améliorer la décentralisation et à mettre davantage la gouvernance locale plus proche des populations. Cependant, il est important de se demander ce que deviendra l’autorité des maires s’ils n’ont plus le pouvoir d’ordonnateur du budget communal. Mieux, la disparition du fonds Fadec au profil du Fonds d’Investissement (Fi), qui permettaient aux communes d’exécuter leurs programmes d’investissement et de fonctionnement, est l’autre pan de cette réforme qui amène certaines personnes à s’interroger sur le devenir des mairies. Invraisemblablement, les maires seraient des coquilles vides qui n’auront que de noms dont la plupart des décisions de leurs communes viendront du gouvernement central.

Tout porte à porte à croire que le Chef de l’Etat, très soucieux de la bonne gouvernance et déterminé à sanctionner les auteurs de malversations financières ne mesure pas l’impact que pourrait avoir la décision de dépouiller une autorité politique de son pouvoir de disposer de son budget et d’assurer son exécution.

Sans pour autant se lancer dans du pédantisme ou prédire l’échec de cette ambition très noble du gouvernement, cette réforme porte à confusion et sa mise en œuvre déterminera sa pertinence ou non.

Daniel KOUAGOU

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