C’est un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur dans le monde éducatif surtout dans les lycées, collèges et universités du Bénin. Malgré les sensibilisations faites par les Ong et certains acteurs du monde éducatif, les techniques illicites de passage en classe supérieure continuent d’avoir droit de cité. Pour aller en classe supérieure en fin d’année, certains apprenants sont capables d’user de certains moyens illégaux en complicité avec certains de leurs enseignants qui généralement ont le dernier mot sur le sort de ceux-ci après 9 mois de cours. Néanmoins, grâce à la clairvoyance de plusieurs chefs d’établissements, le phénomène est petit à petit découragé avec les sanctions qui frappent les principaux auteurs.
Samira ZAKARI
Le second semestre dans les collèges et lycées est généralement une période très courte et dense. C’est également le moment où toutes les cartes se jouent par les différents acteurs pour assurer une réussite de l’année à la satisfaction de tous. Ainsi, pendant que certains apprenants renouent avec leurs cahiers afin de donner le meilleur d’eux-mêmes au cours de ce tournant décisif et passer en classe supérieur, d’autres par contre préfèrent passer par des moyens illégaux afin de tirer leur épingle du jeu à la fin de l’année.
Ainsi, de l’usage des pots-de-vin pour bénéficier de la faveur des professeurs, ou même ‘’le droit de cuissage’’ chez les filles, l’intervention des parents d’élèves auprès des enseignants, tous les moyens sont bons à utiliser par ces élèves dont le seul but est de mettre pied en classe supérieure. Françoise Idohou Yarou directrice du Ceg Zongo de Parakou confirme d’ailleurs l’existence du phénomène en ces termes, « effectivement, les moyens frauduleux existent depuis que nous on était élève. Cela concerne les élèves nuls qui ne veulent pas travailler et qui veulent passer en classe supérieure. On ne peut pas dire qu’au Ceg Zongo on n’a pas été victime parce qu’on a vu des élèves filles pourtant nuls qui passent en classe supérieure alors que les moyens redoublent ». Ingrid Sarè étudiante à l’Université de Parakou témoigne aussi. « J’ai été témoin du cas d’un camarade de classe qui ne fournissait aucun effort en classe mais comptait sur les moyens financiers de ses parents pour réussir quand j’étais au collège. En classe de première alors qu’il était sur le point de reprendre l’année, il a proposé une somme d’argent à notre professeur principal pour le faire passer. Et je suis sûr que ce dernier a accepté parce qu’on a fait ensemble la terminale l’année suivante ». Jacques Kocou enseignant dans un collège de Parakou n’a pas non plus ignoré l’existence du fléau et précise même que certains collègues proposent eux-mêmes aux élèves faibles de leur faire passer en classe supérieure contre certains avantages que ce soit un garçon ou une fille. Et tout ceci de façon clandestine sans l’avis des autorités de l’établissement. L’autre technique aussi développée depuis un certain temps est la confection des faux bulletins aux apprenants par des spécialistes en la matière. « Il y a certains apprenants, quand ils reprennent une classe dans un collège, quittent et vont se faire faire des faux bulletins pour aller demander de place dans un autre établissement ». Ces apprenants dans leur course effrénée de note pour passer en classe supérieure, oublient cependant les conséquences de leur acte, qui pourtant sont nombreuses et désastreuses.
Les conséquences
La plupart des élèves filles qui se livrent par ignorance à leurs enseignants pour en retour passer en classe supérieure sont très souvent la cible des maladies sexuellement transmissibles qu’elles contractent au cours de l’acte sexuel. Jacques Kocou enseignant dans un collège explique, « quand tu décides de te livrer à un homme que tu ne connais pas, pour un objectif, tu es obligée de te soumettre à ses ordres parce que c’est toi qui a besoin de lui. Si ce dernier décide de tenir des rapports sexuels sans préservatif avec toi, tu es obligée de l’accepter et bienvenue les Mst car tu ne sais pas avec combien de filles il a couché avant toi ». Plusieurs grossesses non désirées découlent également de ces plans sexuels d’un soir. C’est le cas d’Isbath K. qui s’est retrouvée subitement mère pour avoir couché avec son professeur de mathématique alors qu’elle était en classe de 4ième à Gogounou. « J’avais besoin de 3 points pour valider ma note de maths qui était à 30 de coefficient. J’ai donc cédé aux avances de mon enseignant qui était après moi depuis le début de l’année. Une grossesse est née de nos rencontres, que j’ai décidé garder », témoigne Isbath.
Le faible taux de réussite aux examens enregistré par certains collèges est également le fruit de ces techniques illicites de passage développées dans ces lieux du savoir. Des apprenants à faible niveau intellectuel sont envoyés à l’examen, ce qui baisse forcément les performances de ces établissements. Pour remédier à ce fléau qui met à mal le système éducatif béninois, des dispositions sont mises en place aussi bien par l’Etat que par les autorités de ces établissements.
Des dispositions pratiques
Selon la directrice du Ceg Zongo, une bonne stratégie est mise en place par son collège pour repérer les enseignants et les élèves qui s’adonnent à ces pratiques. « Après les interrogations et les devoirs, on demande au professeur de venir déposer les fiches de note dans les plus brefs délais. Aussi, il faut dire qu’à la remise des copies par l’enseignant, on contrôle systématiquement les feuilles des élèves des classes intermédiaires afin de voir leur niveau pour ne pas présenter des apprenants à faible niveau aux examens. Car, c’est les résultats des examens qui montrent la capacité du collège ». Elle va plus loin en faisant savoir que, « chez nous, nous avons la chance. Quand il y a quelque chose qui ne va pas dans une classe, il y a des élèves qui viennent nous dire qu’il y a de leurs camarades qui ont obtenu des notes qu’ils ne méritent pas. Et nous, on mène des enquêtes pour voir ce qui en est. Avec ces méthodes peu de choses nous échappent ».
Pour ce qui est de l’élaboration de faux bulletins par les apprenants, Françoise Idohou rassure qu’ « avec la plateforme EducMaster mise en place par le gouvernement, les fraudes seront limitées voir même absentes. Comme exemple, tous ceux qui ont fait la fraude et dont on n’est pas au courant, leurs noms sont sortis sur la plateforme et on a pu savoir de quel établissement ils proviennent. Et comme ça on a pu les renvoyer », a t-elle informé.
Ainsi, pour une relève totale du système éducatif béninois, il est important que les pratiques illicites de passage en classe supérieure soient complètement bannies. Et pour y arriver, tous les acteurs impliqués du plus bas au plus haut niveau doivent jouer leurs partitions.