A/S DES PROPOS DU PRÉSIDENT TALON, « JE SUIS BIO GUERRA » : « C’est une invite à une citoyenneté qui réfute l’avilissement de la domination », dixit, Dr Victor Dangnon

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Le Président de la République Patrice Talon avait laissé entendre, « Je suis Bio Guerra ! », lors des manifestations du 62e anniversaire de l’indépendance du Bénin. Cette phrase a suscité des réactions au sein de l’opinion publique, a fait le tour de la toile et a été diversement appréciée par la presse. Dans la même logique, le docteur Victor Dangnon, a fait une analyse sociologique sur ces propos du Chef de l’État. Dans son message, le sociologue a fait savoir qu’au-delà d’une simple exclamation, c’est « une invite à une citoyenneté qui réfute l’avilissement de la domination, une invite à se ressourcer dans les références symboliques de cette riche histoire faite d’actes qui expriment assez clairement la revendication d’une fierté nationale ». Voici l’intégralité de son analyse.

Wilfried AGNINNIN

“Je suis Bio Guerra !!” : au-delà de l’exclamation !

Cette exclamation faite par le chef de l’État à l’occasion des manifestations de la fête de l’indépendance nationale a fait aussi bien le tour de la toile que de la presse dans sa diversité. Plus qu’une phrase dans un discours prononcé dans l’ambiance festive d’un premier août, plus qu’un élément contributif à la rhétorique habituelle d’un président, plus encore que des mots visant à flatter l’orgueil d’un peuple, « Je suis Bio Guerra » doit être cerné dans la complexité de son énonciation. Au-delà des mots, il faut se référer à l’univers social d’appartenance de la figure de référence évoquée. Il s’agit d’une figure qui anime la littérature orale à travers laquelle se médiatise le vécu d’un peuple dans sa lutte contre l’asservissement et la domination. Bio Guerra demeure la référence multi décennale de ce peuple.

L’épopée Bio Guerra trouve sa source dans les exigences administratives que nécessitaient les travaux de servitude coloniale : fiscalité et prestations, réalisations d’infrastructures et divers recrutements de bras valides, mal acceptés par les peuples autochtones. L’opposition solidaire et, celle aussi, insurrectionnelle inattendue sont les illustrations du niveau de rejet d’un système oppressif. C’est dans la mesure où l’administration souffre de cette opposition […] qu’elle cherche à réduire le plus possible les pouvoirs anciens des dirigeants et à affaiblir leur caractère représentatif

Effectivement, le chef de l’État béninois, M. Patrice Athanase Guillaume TALON, a marqué cet événement par le sceau de la célébration des héros nationaux du pays. Des statues, à cet effet, ont été érigées grandeur nature au cœur de la capitale, Cotonou. L’amazone superbement visible supplante les alentours du Palais de la Marina, force l’admiration du passant et renvoie aux périodes de la gloire féminine du royaume du Dahomey. De l’autre côté de l’aéroport, Bio Guerra, perché sur son cheval de combat contre l’envahisseur, semble bien compter sur sa lance de gloire qui rata de percer l’administrateur Ferlus dont le siège fut endommagé. La vue du prince wasangari, mort en 1916 à Baoura, est un symbole fort de la gloire du peuple baatonu et de la nation tout entière.

<<Je suis Bio Guerra !! >>, une exclamation, une référence à un citoyen du 20ème siècle. C’est aussi un morceau choisi, un détachement du discours présidentiel qui renvoie au-delà de la simple écoute. La phrase est prononcée dans le cadre exclusivement solennelle, par un homme d’État qui, depuis son ascension à la fonction présidentielle, n’a pas habitué son auditoire à la légèreté des mots et propos, des plus choquants aux plus admirables pour l’opinion. On se souvient encore de certains propos pris en revers par l’opinion, tel un coup de massue, excluant l’euphémisme ambiant : << Vous allez en souffrir mais vous ne pouvez rien faire !!>>. Le président a dit et ne se dédie pas. Il en est convaincu. Les commentaires sont aussi allés dans tous les sens. Connaissant donc l’homme, ses convictions, son aversion pour ce qui lui paraît un travers et sa passion affichée pour des modèles qu’il se fait, on pourra déduire que <<Je suis Bio Guerra >> véhicule, en Patrice TALON, une charge symbolique importante. Le héros Bio Guerra incarne les idéaux du président qui, comme l’autre qui a rompu avec les habitudes du moment, anime aussi la rupture de pratiques. Son admiration, il ne s’en est pas caché, devant micros et cameras.

Le ton, la solennité font penser au discours du pasteur Martin Luther King : « j’ai fait un rêve ! », prononcé à Washington devant le Lincoln Memorial. Et cela ne fait l’objet d’aucune surprise. Sorti des ancrages royaux, comme le prince de son admiration, Patrice TALON pourrait se sentir alter ego de Bio Guerra : homme de conviction, de détermination et preneur de grands risques. Bio Guerra s’en est pris à un système, le système colonial qu’il trouve nuisible. TALON s’en est pris à un système politique, vieux, lourd et peu favorable à des dynamiques productives, un système fournisseur de soulagement socioéconomique immédiat mais peu porteur de développement.

« Je suis Bio Guerra » ! Au-delà des mots, il faut questionner son auteur et au-delà de lui son univers social et politique d’appartenance pour mieux comprendre le sens du discours : une invite à une citoyenneté qui réfute l’avilissement de la domination, une invite à se ressourcer dans les références symboliques de cette riche histoire faite d’actes qui expriment assez clairement la revendication d’une fierté nationale.

Dr Victor DANGNON / Sociologue

COTONOU

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