ART AU BÉNIN : Au cœur de la sculpture des pierres ornementales de Natitingou 

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Depuis plusieurs années, le quartzite sert à confectionner des objets d’art dans la région de Natitingou, département de l’Atacora. À Bérècingou, les artisans sculpteurs utilisent cette roche siliceuse pour fabriquer des tables, des chaises, des meules, des cartes géographiques et plusieurs autres objets avec des formes géométriques variées. La commercialisation de ces chefs-d’œuvre permet aux artisans de subvenir à leurs besoins. Nombreux sont ceux qui préfèrent ces pierres ornementales pour diverses raisons. Toutefois, cette activité n’est pas sans conséquence sur la vie des sculpteurs. Ce dossier présente les réalités qui entourent le travail de ces pierres.

Abdoul Raouf Séro TOSSOUNON (Stg)

Elles décorent et renforcent. Les pierres ornementales jouent un rôle important aussi bien pour les utilisateurs que pour les sculpteurs. Plusieurs figures géométriques sont façonnées à partir du quartzite dans le but d’orner un espace. En effet, le quartzite est une roche siliceuse massive, constituée de cristaux de quartz soudés. Bon nombre de personnes adoptent ces pierres dans plusieurs domaines.

L’historique de la confection des pierres ornementales

Partant d’une simple extraction, la main de l’homme a apporté des formes modernes à cette roche avec le temps. François N’dah, un sculpteur de pierres ornementales fait un bref historique des débuts du métier des pierres ornementales. «La pierre ornementale a vu le jour il y a de cela une soixantaine d’années dans le village de Kota dans l’arrondissement de Kotopounga à Natitingou. C’est un parent qui a découvert le quartzite suite à la recherche de pierres pour écraser les céréales et pour faire des beignets. Il a trouvé une pierre plate qu’il a déposée au bord de la voie et qui lui servait de support pour s’asseoir. Un jour, un passant l’a trouvé assis sur la pierre. Il a demandé de lui en trouver de semblable. Le vieux est reparti et a ramené deux pierres plates. Il a commencé par vendre aux blancs. Ces derniers sont revenus avec des commandes. C’est de là qu’est partie la commercialisation des pierres. Lorsque le vieux a pris goût à ce commerce, il a invité ses frères à venir exploiter également les pierres », a-t-il relaté avant d’ajouter que « Au cours de l’année 89, nous avons découvert le quartzite dans l’embranchement de Kouandé. Nous avons commencé à extraire la pierre et lui donner des formes plus modernes».

Les étapes à suivre pour obtenir la pierre exploitable 

Plusieurs étapes conduisent à l’obtention de ces pierres géométriquement formées. Munis de plusieurs matériels comme les houes, les pelles, les dabas, les pioches et bien d’autres, les artisans vont avant tout à la recherche de la pierre exploitable. François N’dah expose le processus. «Dans l’arrondissement de Bérècingou, nous extrayons le quartzite exploitable à Tawatantè qui est à 1km de la route principale Natitingou-Djougou au pied des collines. Arrivé sur les lieux, je dois faire le décapage, enlever le sable. Lorsque je finis d’enlever le sable, j’enlève la pierre qui est de surface. C’est elle qui n’est pas bonne. Au fur et à mesure que j’évolue j’enlève les mauvaises parties jusqu’à atteindre la bonne partie », a-t-il expliqué.

Les difficultés rencontrées lors de l’extraction du quartzite 

Pour l’extraction du quartzite, chaque saison à ses réalités. François N’dah a fait savoir que, « le travail est difficile en saison des pluies a cause de l’eau, c’est-à-dire pendant le mois d’août il y a assez d’eau dans les trous. Mais par contre, en saison sèche il n’y a pas d’eau mais la pierre est difficile à extraire»

Les différents modèles de pierres ornementales

Les pierres sont façonnées de différentes manières. Selon l’artisan N’dah « la pierre peut prendre différentes formes. Il y a les pierres non travaillées qu’on colle aux murs, les pierres travaillées à la main et les pierres travaillées à la machine qu’on peut rendre glissant pour servir de carreaux. En plus des pierres coupées, nous confectionnons des objets d’arts comme: les cartes géographiques, les croix, les cœurs et plusieurs autres figures géométriques. Nous fabriquons aussi des tables en pierre, des chaises en pierre, qu’on peut déposer dans les jardins»

Le quartzite joue le rôle de protection et d’ornement. Il renforce les murs. François N’dah revient sur l’utilité de cette roche. «La pierre est très utile. Une fois placée, elle protège le mur contre l’eau. En plus de renforcer le mur, la pierre rend belle la maison », a-t-il affirmé. Saïbou Tapsoba, Directeur du Ceg 1 Natitingou, a utilisé le quartzite coupé pour renforcer son mur. Il expose les raisons. «Les questions relatives au goût, on ne peut pas les justifier. C’est donc une question de goût et je ne suis pas allé chercher trop loin pour décorer ma maison. J’ai la chance d’être dans l’Atacora. En dehors du fait que ça embellisse la maison, ce sont de matériaux définitifs et sont dans la plus part des maisons de Natitingou et de l’Atacora. Un peu loin, à Porto-Novo ou à Cotonou, ces pierres sont utilisées pour l’embellissement des espaces publics. Donc c’est un ensemble de raisons qui poussent les béninois à consommer les produits locaux. Il y a l’esthétique, ensuite il y a l’effet d’efficacité. Ma maison est pavée de ces pierres et le mur est décoré avec les mêmes éléments et je pense que c’est bon, ça répond à mon goût», a-t-il fait savoir. Camille Modeste Alapini, ingénieur agronome de formation et biochimiste, en plus de l’utilisation personnelle, lui il en fait la recommercialisation. Il explique les avantages qui découlent de ces pierres ornementales. «Si je prends les meules qu’on fabrique à base de ciment, ce ne sont pas de bonnes meules. Ceci a un caractère naturel et protecteur sur beaucoup de plans et ça donne la longévité. Au temps de nos ancêtres, quand vous limez les granites et ça rentre dans votre alimentation, votre santé reste intacte. C’est mieux que de consommer du ciment à longueur de journée», a déclaré Camille Modeste Alapini.

La variation des prix 

Selon François N’dah, le prix varie en fonction de la taille des différents objets. Les objets d’art de petites tailles comme la croix, les cartes géographiques, les cœurs et bien d’autres varient de 1 000f à 3 000f. Les pierres coupées à la machine pour renforcer les murs ou pour faire des terrasses quant à elles varient de 6 000f à 6 500f selon les dimensions de la pierre. Les femmes ne sont pas restées en marge de ce métier. Elles s’occupent de la commercialisation des meules à écraser et des petits objets d’art. Céline Mêwêi explique brièvement leurs rôles. « Nous on vend les meules. Ce sont les garçons qui vendent les pierres coupées. Pour nos meules, il y a pour 1 000f, 1 500f, 3 000f. Nous nous occupons des petits objets comme les cartes du Bénin, les cœurs…» a-t-elle laissé entendre.

Les investissements matériels et financiers

Selon François N’dah, les sculpteurs investissent pour se procurer le matériel adéquat. La machine qui sert à couper le quartzite fonctionne avec un moteur. Il estime que les moteurs électriques sont plus avantageux que les groupes électrogènes. Pour se procurer cette machine, ils font un investissement d’au moins un million. À cela s’ajoute d’autres investissements comme ceux des meules qui varient de 60 000f à 80 000f et les disques qui les accompagnent qui varient de 5 000f à 7 500f.

En ce qui concerne les revenus Céline Mêwêi a souligné qu’ils contribuent dans leur vie quotidienne. «Ça nous sert à subvenir à nos besoins. On paye la scolarité des enfants grâce aux revenus, on se vêtit, on se nourrit et on fait bien d’autres choses », a-t-elle confié.

Conséquences de ce métier sur la santé

Cette activité de manipulation du quartzite n’est pas sans conséquence sur la santé. François N’dah donne des détails. « Concernant les conséquences, on peut citer les blessures physiques, les problèmes de vues, des maladies liées à la respiration à cause de la poussière», a-t-il expliqué. Il ajoute que le port des masques de protection contre la poussière, des gants et des bottes sont autant, de mesures sécuritaires pour la santé.

Appel aux autorités

François N’dah n’a pas manqué de lancer un appel à l’endroit des autorités. « Je souhaite que les autorités nous aident à avoir des moyens plus adéquats pour extraire le quartzite. J’invite également le service des mines à nous aider à trouver des moyens pour remblayer les trous après exploitation d’un espace».

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