CONSÉQUENCES DU COUP D’ÉTAT AU NIGER : Moussa Garadima invite Talon à sauver les acquis de la coopération

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Le Bénin et le Niger sont deux pays unis par l’histoire et la géographie dont les relations diplomatiques, économiques et sociales sont excellentes. Deux pays qui ont un gigantesque projet dans le cadre de la collaboration bilatérale. Ainsi, avec la situation actuelle que traverse le Niger, les intérêts économiques et stratégiques du Bénin sont en jeu. A cet effet, l’acteur politique, Moussa Garadima, à travers une réflexion a invité Le Président Patrice Talon à sauver les acquis de cette coopération bilatérale et de se concentrer sur la gouvernance du pays. Voici l’intégralité de sa réflexion.

Huguette LAWANI (Stg)

Thème. Coup d’état du Général Tchiani au Niger : Nécessité pour le Président Talon de sauver les acquis de la coopération bilatérale et de se concentrer sur la gouvernance de notre pays.

« L’Afrique noire est mal partie » disait René Dumont en 1962.
60 ans après, peut-on dire qu’il avait raison ?
Depuis le 26 juillet 2023, le Niger est dirigé par une junte militaire ayant à sa tête le Général Abdouramane Tchiani, ancien chef de la garde présidentielle du Président Mohamed Bazoum. Ce coup d’état perpétré par un proche du Président Bazoum, en l’occurrence celui qui est en charge de sa sécurité personnelle, interpelle tous les démocrates du continent africain.
Ainsi donc, après le Mali, la Guinée-Conakry, le Burkina-Faso, c’est le Niger qui s’invite désormais dans le cercle des pays dirigés par une junte militaire. C’est à croire aujourd’hui, que les coups de force sont devenus contagieux en Afrique de l’Ouest.

Parlant justement des coups de force, on constate que de 1960 à nos jours, le continent africain a connu plus d’une centaine de coups d’état militaires. Lorsqu’on s’arrête aujourd’hui pour faire un bilan, pouvons-nous dire que ces nombreux coups de force enregistrés en Afrique ont généré le développement souhaité par les populations ? Ces coups d’état ont-ils réglé les problèmes de misère, de paupérisation extrême et d’insécurité auxquelles font face quotidiennement les populations africaines ?

Les coups d’état des années 1960 à 1970 en Afrique avaient été très applaudis par la population, car ils avaient eu pour fondement l’instabilité politique résultant du mauvais fonctionnement ou de la mauvaise application du système partisan par l’élite politique du lendemain des indépendances.
Cette immixtion des militaires dans l’arène politique a eu pour conséquences dans la majorité des cas, d’enfoncer l’Afrique dans le sous-développement et le dérèglement du système constitutionnel.

Résultat : 60 ans après, le tableau est sombre. Les services sociaux de base sont en déficit cruel, nos matières premières continuent de traverser la méditerranée pour être transformées loin de l’Afrique, nos systèmes éducatifs totalement en inadéquation avec les besoins réels de l’Afrique, des centres de santé qui sont des mouroirs, une insécurité alimentaire galopante, une Afrique de l’Ouest transformée en terre de lutte d’influence et d’affrontement des puissances étrangères par pays interposés. Même l’agriculture qui emploie plus 70 % de nos populations est toujours dans la pénibilité avec des itinéraires techniques dignes du moyen âge, et naturellement des rendements les plus faibles de la planète.

Curieusement, le Sénégal et la Côte d’Ivoire qui sont aujourd’hui considérés comme les locomotives de l’UEMOA, sont comme par hasard les pays dans lesquels, il n’y a pas eu de coup d’état militaire, en dehors de l’épisode du Général Robert Guéi en Côte -d’Ivoire. En termes clairs, les coups d’état quoique applaudis et soutenus par les populations dans leur grande majorité, n’ont pas apporté le développement souhaité.

Depuis 2020, l’Afrique occidentale a renoué encore avec les coups d’état avec cette fois-ci pour fondement : françafrique, menace terroriste et insécurité grandissante. Et comme dans les années 60 et 79, ces coups d’état sont applaudis et semblent bien accueillis par la population. Mais en réalité, la seule chose qui a changé par rapport aux années antérieures, ce sont les acteurs. Ceux qui applaudissent aujourd’hui ne sont pas évidemment les mêmes que ceux des années 1960 à 1979. Mais le fait est là, les peuples d’hier et d’aujourd’hui ont presque les mêmes réflexes. Applaudir les coups d’état comme si ceux-ci, sont la solution à nos problèmes de misère et de pauvreté extrême. Est-ce que nous, peuples africains avons vraiment tiré leçons des affres de ces coups d’état antérieurs ? Tout porte à croire que les africains, surtout ceux de la zone CFA, n’ont pas tiré leçon des 60 ans de gouvernance, marquée par la récurrence des coups d’état militaires. Dans ce cas, il est à craindre que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Lorsqu’ on analyse l’état dans lequel se trouve la plupart des pays ayant fait les coups d’état en Afrique, à quelques exceptions près et plus particulièrement dans l’espace CEDEAO, les populations, surtout celles qui vivent en milieu rural , sont dans la misère et le dénuement.
Le Bénin et le Niger sont deux pays, unis par l’histoire et la géographie, deux pays dont les relations diplomatiques, économiques et sociales sont excellentes.

En effet, la grande partie des marchandises du Niger transitent par le port autonome de Cotonou, considéré comme le port naturel du Niger. Entre Niamey et Cotonou, d’énormes intérêts économiques et stratégiques sont en jeu. Une dégradation de la situation sécuritaire au Niger, une instabilité politique dans ce pays, auront forcément un impact négatif sur notre économie car provoqueront une réduction drastique de nos transactions portuaires.

Aussi, comme vous le savez déjà, depuis 2019, dans le cadre de la coopération bilatérale, un gigantesque projet à caractère régional, lie Bénin et le Niger. Il s’agit du projet Pipeline Export Niger -Bénin qui permettra d’acheminer et d’exporter le pétrole brut nigérien à travers le port de Cotonou. Il permettra également de mobiliser d’importantes recettes fiscales pour le Bénin et contribuera ainsi à la réduction du chômage à travers la création de milliers d’emplois. Avec ce projet, près 4 500 000 tonnes de pétrole brut nigérien sera exporté via le port autonome de Cotonou.

Il ressort donc clairement que le Bénin n’a pas intérêt à voir ce pays frère et ami, basculer dans le chaos et l’instabilité politique. Le Bénin se doit donc d’aller impérativement au secours de son voisin, pays frère et ami, le Niger. Mais comment s’y prendre sans encourir la colère du peuple nigérien ? Quelle attitude devons-nous adopter en tant que citoyens béninois pour accompagner nos frères nigériens à éviter le chaos qui pointe à l’horizon ?

Nous pouvons déjà remercier le Général Tchiani et sa troupe pour avoir fait un coup d’état sympathique, c’est-à-dire un coup d’état sans effusion de sang. Mais, le Général Tchiani doit aller au-delà en acceptant le compromis nécessaire pour éviter le chaos au Niger.
Quant à notre Président de la République, désigné médiateur de la CEDEAO dans cette crise, nous lui demandons avec beaucoup de respect, de se concentrer sur la gouvernance de notre pays, car c’est bien au peuple béninois qu’il aura à rendre compte, et non à la CEDEAO. Qu’il trouve impérativement même de façon informelle, des moyens de rentrer en contact avec les nouvelles autorités nigériennes fussent-ils des putschistes, car à l’impossible, nul n’est tenu. Il doit sauvegarder à tout prix les acquis de la coopération bilatérale, et plus particulièrement ceux du projet Pipeline Export Niger-Bénin et envisager ensemble avec ces nouvelles autorités, les mécanismes de renforcement des règles de bon voisinage pour co-construire la paix, gage du développement durable.

Quant à la CEDEAO, elle doit absolument s’engager très rapidement dans une démarche de réforme très profonde, afin d’adapter ses instruments et ses interventions au nouveau contexte de gouvernance de ses pays membres. C’est seulement à ce prix, qu’elle pourra retrouver sa noblesse et sa légitimité d’antan. Sinon, elle risque de devenir une institution peu crédible et rejetée par l’ensemble des populations de l’espace CEDEAO.

Moussa GARADIMA

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