EXERÇANT LE MÉTIER DE COIFFEUR À PARAKOU : Rafatou Boro, une femme hors du commun

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Il n’est pas rare aujourd’hui de voir des femmes exercer des métiers dits d’hommes soit par passion ou simplement dans leur quête de prouver la capacité de la femme à faire autant que l’homme. Ainsi, plusieurs femmes s’adonnent à fond à ces métiers dits d’hommes. Tel est le cas de Rafatou Boro, exerçant le métier de coiffeur au quartier Tranza de Parakou. À travers une interview exclusive accordée à la rédaction, cette dame hors du commun parle de son métier et ses réalités.

Elvire A.MARIANO & Laurence AMOUSSOU (Stgs)

Daabaaru : Pourquoi avoir choisi exercer le métier de coiffeur ?

Rafatou Boro: J’ai choisi le métier de coiffeur parce que j’ai vu que généralement les femmes font la coiffure pour femme. Donc c’est très rare de voir une femme exercer la coiffure d’homme. Du coup, je me suis dite pourquoi ne pas aussi montrer que la femme peut aussi faire un métier d’homme. Et puis, j’ai constaté qu’avec les femmes, il y a beaucoup trop d’hypocrisie, les femmes viennent aujourd’hui, après elles quittent pour aller ailleurs. Or avec les hommes, il y a la fidélité. Quand un homme te fait confiance et il commence par se coiffer chez toi, il reste durant le temps qu’il va passer dans le milieu où tu es.

Parlez-nous de votre métier 

Chez moi, quand le client vient, je l’accueille très bien. Je l’accompagne jusqu’à l’endroit où il doit s’asseoir. On protège bien les clients. On désinfecte bien les outils. Par rapport à notre horaire de travail, nous venons à 7h et rentrons à 21h en fonction de la clientèle. Le travail est organisé de manière à ce que ce sont les premières apprenties que j’ai moi-même formées sur mes règles de base dont entre autres, la discipline, le respect, la propreté et bien d’autres, qui à leur tour forment les nouvelles venues. Aussi, lorsqu’une de mes apprenties viole le règlement, elle est punie devant les autres pour servir d’exemple. Je les traite comme mes enfants, nous sommes une famille. Ce métier n’a pas été facile pour moi du fait que j’ai eu des patrons hommes. Elles autres ont beaucoup de chance de m’avoir du fait de mon expérience dans le travail. Je leur dis que le plus important n’est pas de maîtriser le travail, mais plutôt d’avoir un bon comportement. En effet, j’ai constaté au nord ici que nous sommes en retard en tant que femme à exercer les métiers dits d’hommes.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans ce métier ?

Les difficultés sont énormes. Parce que je suis une femme, et c’est rare de voir une femme faire un métier d’homme. Et puis, ce métier, c’est l’homme même qu’on doit toucher, ce ne sont pas des matériaux ou ordinateurs mais l’être humain même. Du coup, psychologiquement quand on touche l’homme, c’est une autre chose. Il commence par avoir des idées bizarres, jusqu’à commencer avec la drague. Je ne les condamne pas, je me dis que c’est psychologique. C’est à moi de rester ferme pour mon boulot et de leur expliquer. Avec le temps, ils comprennent et me soutiennent. Encore comme difficultés, il y a leurs épouses qui viennent faire des scènes de jalousie, les unes en faisant semblant de se coiffer et d’autres, en m’appelant pour des insultes et menaces. Il y a également les insultes en ville, quand je passe on dit regarder là, c’est elle qui coiffe les hommes, prostituée et autres propos méprisants. Et ce n’est vraiment pas encourageant.

Comment arrivez-vous à surmonter les préjugés sociaux ?

Ce n’est pas facile mais je tiens bon, à être ferme à ne pas me faire voir n’importe où et avec n’importe qui pour vraiment garder ma dignité. A choisir un seul homme et rester avec lui, lui être fidèle, c’est ça qui m’aide à supporter les préjugés sociaux.

Quelles sont les innovations que vous comptez apporter à votre travail ? 

Je veux être l’une des meilleures dans mon domaine, être une grossiste de tous mes produits de travail pour que d’autres viennent s’en procurer chez moi sans se déplacer et aller travailler où besoin se fera sentir. Du coup, je suis en train de mettre en place un projet pour sensibiliser les filles sur l’évolution qu’a connu le monde. Qu’elles ne se laissent pas avoir par les hommes où il faut sortir avec eux pour le matériel en échange du sexe. Qu’elles apprennent à dépenser leur argent de telle sorte que si elles ont faim, que ce soit leur porte monnaie qu’elles ouvrent et non leurs jambes. Le projet est en cours afin qu’il y ait beaucoup de femmes mécaniciennes, soudeurs, maçons, électriciennes et bien d’autres.

Comment arrivez-vous à concilier votre métier à votre foyer ? 

J’ai trouvé un bon mari, c’est Dieu qui me l’a donné, et il me fait confiance c’est surtout la base. Il m’accompagne et me soutient dans tout ce que je fais. Quand je suis ici, même par téléphone je l’informe de tout, l’heure à laquelle je dois finir le travail. La confiance c’est la base. Du coup, je n’ai pas de difficultés à la maison.

Un mot à l’endroit des personnes qui continuent par décourager les femmes à exercer les métiers dits d’hommes

Je demande pardon à nos parents, je leur demande vraiment pardon parce que leur temps n’est plus le même avec notre temps. Autrefois, les femmes étaient moins que les hommes, aujourd’hui nous sommes plus nombreuses que les hommes. La femme doit se battre, si elle n’a rien, elle peut même ne pas trouver un homme puisqu’il y en a plus. Il n’y a plus de sot métier, l’homme et la femme peuvent faire la même chose. Il n’y a même plus d’emploi. Il faut faire quelque chose d’extraordinaire pour avoir un peu de visibilité, pour se faire démarquer. Que nos parents comprennent et qu’ils laissent leurs enfants filles faire leurs métiers de choix.

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