UNE VIE UN MÉTIER
A la découverte de la frigoriste Foussena Sefandé
Foussena Sefandé fait partie des braves femmes entreprenantes de la cité des Kobourou qui pensent que ce que l’homme peut faire, la femme aussi en est capable et qu’aucun métier n’est fait pour l’homme. Frigoriste de son état, cette dame s’est toujours montrée dynamique, accomplie, déterminé et rigoureuse dans ce métier qu’elle exerce depuis des années. Une détermination qui lui a permis de marquer son territoire et de gagner le cœur de la clientèle et de la population de Parakou et environs qui pensent que le métier de frigoriste est réservé seulement aux hommes. Dans ce numéro de votre rubrique une vie un métier, votre quotidien vous fait découvrir cette amazone qui livre ici tout sur son métier. Lisez plutôt.
Daabaaru : Pourquoi avoir choisi exercer ce métier parmi tant d’autres ?
Foussena Sefandé : Bon les raisons, elles sont énormes. Tout d’abord en allant vers ce métier en tant que femme, je me suis dis que je dois faire la différence. Il faut dire aussi que je suis une femme qui n’a que des amis hommes. Depuis toute petite, j’étais toujours avec les hommes, je collaborais avec ceux-là. Et comme à l’école les grèves étaient devenues une habitude, j’ai décidé quitter les bancs et m’orienter vers un métier. Comme toutes les filles qui apprenaient un métier choisissaient soit la couture ou la coiffure, moi j’ai décidé faire la différence. Donc voilà comment tout a commencé, je voulais même faire la mécanique mais on m’a dissuadé de ce que j’aurai de problème de force dans ce métier et c’est comme ça j’ai choisi le froid.
Comment et quand avez vous intégré ce corps ?
Je vivais à Djougou avec mes parents et comme le moment est arrivé de commencer ma formation, je suis venu à Parakou. J’ai commencé en 1996 et l’apprentissage a duré 4 ans. A la fin de la formation on a perdu pratiquement un an à nous chercher puisque les patrons ne voulaient pas nous libérer. Mais finalement on est parti chacun se chercher et s’installer. Au départ, je n’avais pas les moyens pour acheter le nécessaire et ouvrir mon atelier, j’étais là errante. C’est finalement grâce à un ami douanier qui a compris que ce métier que j’ai appris était passionnant et il a décidé de me faire un capital de 100 000f cfa qui m’a permis d’acheter quelques matériels et de louer un atelier. C’est comme ça j’ai commencé petit à petit.
Comment étaient vos débuts dans ce métier ?
On a commencé le travail dans une bonne ambiance. Avec les collègues, tout allait bien, on s’entraidait. Quand quelqu’un avait un problème et sollicitait son ami ce dernier répondait toujours et c’est vice-versa.
Quels sont les avantages de votre métier ?
Les avantages, je dirai tout simplement que le métier de frigoriste est un métier noble qui nourrit bien son homme. Il suffit d’être compétent et de bien faire son job ça va toujours marcher. Moi par exemple je ne fais rien d’autre à par ce métier là et c’est la qualité de mon travail qui parle de moi. Étant donné que je suis une femme, les gens se disent est-ce qu’elle fait bien ce travail là puisque ce n’est pas réservé aux femmes et ils décident donc de m’expérimenter et c’est là qu’ils constatent qu’au fait ils se trompaient sur ma personne. Cela fait partie des avantages dont je bénéficie, les gens me font facilement confiance.
Qu’en est-il des difficultés ?
On en rencontre assez. Dans ce métier, on rencontre tout type de client des plus capricieux aux orgueilleux. Des petits problèmes avec les clients qui après nous avoir confié un travail qu’on a livré, refusent de payer la facture et trouvent des arguments bizarres pour se défendre comme quoi le travail n’a pas été bien fait et autres. On arrive à gérer en tout cas.
Étant femme aussi, on est trop exposé aux hommes dans ce métier, qui trouvent en nous des proies à conquérir. Le métier de frigoriste est un domaine très large qui traite de tout problème de froid dans les véhicules, les maisons, les services, les frigos etc. Donc on est très souvent sollicité dans les maisons pour travailler et dans les bureaux. Il arrive que les femmes de nos clients hommes ou les secrétaires rivalisent avec nous déjà étant femme pour elles, venir se présenter pour dire qu’on cherche telle personne porte à croire qu’on a une liaison intime avec cette dernière, et commencent par nous regarder d’un mauvais œil. C’est finalement quand elles constatent qu’on est là dans le cadre professionnel qu’elles changent de mine et deviennent plus relaxe. Assez de problème en tout cas.
Quel est le moment qui vous a marqué positivement au-cours de votre carrière ?
Le moment qui m’a marqué, c’est ce jour où j’ai été sollicité pour un travail par un projet 48h après l’ouverture de mon atelier. J’ai eu à travailler pour des chinois qui à la fin du travail m’ont payé 50 000f cfa pour mon travail. Ce jour là, c’était comme un million on m’a donné. J’avais un problème de famille en instance là, ma sœur qui devait faire sa libération mais il n’y avait pas d’argent. Directement ces 50 000f cfa m’ont permis de régler ce problème et j’étais tellement fière de moi car j’ai pu jouer mon rôle de grande sœur au moment où il le fallait.
Contez-nous une période malheureuse de votre vie ?
J’ai eu à travailler pour une dame là qui malheureusement s’est mal terminé. Je devais changer de batterie à son frigo et on a été ensemble elle et moi pour l’achat du matériel. Une fois de retour j’ai placé la batterie et malheureusement les coupures intempestives de la Sbee ce jour là, ont grillé la batterie. J’étais obligée d’en racheter un nouveau avec mon argent qui n’a pas aussi duré puisque le courant dans la zone n’est pas stable. Mais la dame contre toute attente m’a convoqué au commissariat avec pour raison qu’elle m’a confié un travail que j’ai mal fait et j’ai bouffé l’argent. Ce qui n’était pas vrai bien-sûr. Elle voulait que je lui rembourse son argent, chose que j’ai refusée. J’ai expliqué à l’agent la situation comme ça s’est passé et si je devais lui rembourser quelque chose, ce serait la bactérie et Dieu sait faire ses choses on a été ensemble acheté ça, je n’étais pas à l’origine de ce qui est arrivé à la batterie. Elle a tiré l’affaire comme ça, mais finalement il n’y a plus eu de suite puisque l’argent de police a été affecté. Ça m’a vraiment touché.
L’autre chose qui m’a marqué mais qui n’est pas forcément dans le cadre professionnel c’est la rencontre du père de ma fille. Je l’ai rencontré quand j’ai commencé ce métier et pour moi c’était l’homme de ma vie sans aucun doute encore qu’il était aussi dans ce corps. Mais malheureusement ça n’a as été le cas, j’ai perdu 5 années de ma vie, de ma carrière à traîner. Avec la maternité qui m’a énormément fait souffrir et lui même qui m’a ruinée. Durant ces 5 ans, j’ai traîné comme ça sans rien et j’ai hésité même à relancer ma vie professionnelle car je me suis dis qu’avec tout ce temps perdu, plusieurs de mes clients seraient partis et il me faut encore reprendre tout à zéro. Mais avec l’aide de Dieu, ça n’a pas été le cas, le jour même j’ai ouvert, les gens venaient seulement en me disant qu’ils m’ont trop cherchée. J’ai pu récupérer en un clic, ce que j’avais perdu. Aujourd’hui mon travail et ma fille sont ce que j’ai de plus chers. J’ai décidé ne plus jamais refaire confiance à un homme. Ça m’a beaucoup marqué ça.
Un message à l’endroit de la jeunesse ?
Que puis-je leur dire à part de vraiment donner d’importance à leur métier. Le métier de frigoriste dans 5 ans 10 ans n’aura plus sa valeur de maintenant. Les clients seront en mesure de faire eux-mêmes leur dépannage avec les nouveaux appareils électroniques mis sur le marché. Je ne le dis pas pour les décourager mais pour les amener à comprendre que leur travail bien fait leur permettra de résister face à ce monde où la plupart des métiers sont menacés de disparition. Si ils font bien leur travail, peu importe où ils sont ou comment c’est dur, on les sollicitera toujours. Ça c’est sûr.
Votre mot de la fin ?
Je vous remercie beaucoup pour cette occasion que vous m’offrez de m’exprimer. Longue vie à vous et j’invite une fois encore les jeunes au travail bien fait.
Propos recueillis et transcrits par Samira ZAKARI