VIE D’UN ANCIEN VETERINAIRE : Daniel Matchoudo revient sur ses 30 ans de carrière

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VIE D’UN ANCIEN VETERINAIRE

Daniel Matchoudo revient sur ses 30 ans de carrière

L’élevage qui était réservé autrefois à un groupe ethnique au Bénin, occupe de plus en plus le quotidien des populations. Mais la santé et la reproduction des bêtes restent encore un véritable problème mal géré par ces éleveurs. C’est alors que le vétérinaire, joue un rôle primordial dans le suivi sanitaire, alimentaire des animaux surtout domestiques mais aussi pour la préservation de la santé humaine grâce aux contrôles des denrées alimentaires d’origine animale consommées par l’homme. Pour en savoir plus sur ce métier, les méandres de ce secteur d’activité, votre journal est allé à la rencontre de Daniel Matchoudo, vétérinaire, ancien agent de l’élevage. Lisez plutôt.

Samiratou ZAKARI

Daabaaru : Pourquoi avez vous choisi faire carrière dans le domaine de l’élevage ?

Daniel Matchoudo : Tout d’abord, il faut dire que je suis un peulh et l’élevage fait partir de la première activité du peulh. Vu que mes parents étaient des agro-éleveurs, ils avaient un troupeau auquel je m’occupais, donc la passion a commencé immédiatement de là. Comme j’avais de difficultés en ce qui concerne le traitement et le suivi de la reproduction des animaux, j’ai donc voulu avoir une formation complémentaire dans le domaine pour mieux suivre les animaux d’où je suis allé au lycée agricole d’Ina pour avoir une formation et être vétérinaire.

Parlez nous de vos débuts 

A la fin de ma formation en 1985, j’ai été immédiatement recruté par l’Etat. Mon premier poste, c’était dans l’Atacora plus précisément à Kika dans la commune d’Ouassa Péhunco où j’ai été nommé responsable d’une unité pastorale. Il faut dire que déjà au début, le travail était très intéressant. Il y a une bonne ambiance qui régnait entre les éleveurs et les agents de l’élevage donc les vétérinaires.

Quelles sont les avantages liés à ce métier que vous avez choisi ?

Les avantages liés à ce métier sont énormes. Tout d’abord la santé des animaux mais aussi des hommes dépendent en grande partie du vétérinaire en ce sens qu’il veille à la santé des animaux, leurs traitements quand ils sont malades mais aussi les hommes car si l’animal qui est mis à la consommation humaine n’est pas de bonne qualité cela peut porter atteinte à la santé de la population. Donc, si le vétérinaire fait bien son travail, il jouit de cela et est sollicité partout. Aussi un vétérinaire en poste dans une zone donnée, s’il fait bien son travail, il ne restera jamais affamé. Tu reçois assez de dons surtout des éleveurs. Les œufs, les animaux et même les vivres, on n’en manque jamais. Aussi quand tu es le chef poste de ta zone d’intervention, la viande tu n’en manque pas. Il y a ce qu’on appelle le kilo de l’inspecteur dans notre jargon, donc après chaque inspection de viande de boucherie, le vétérinaire à droit à son kilo de viande.

Et qu’en est-il des difficultés?

Vraiment, elles sont énormes et c’est surtout au niveau de l’inspection. Je vous avais dit que la santé des animaux, mais aussi des hommes reposent sur les épaules du vétérinaire. Les vétérinaires sont souvent victimes de corruption de la part du boucher. Donc si après une inspection tu livres à la consommation une viande que tu reconnais toi-même dangereuse parce que tu as cédé à la tentation de l’argent, tu peux risquer gros pour cela car tu as violé à ce niveau le serment que tu as fait de protéger la santé des usagers. Aussi, le vétérinaire fait objet de menace dans l’exécution de son travail qui va jusqu’à lui coûté sa vie. Il arrive qu’après inspection, une carcasse entière soit saisie par le vétérinaire parce qu’ayant suspecté une maladie dangereuse au niveau de cette carcasse. Cela n’arrange pas toujours le boucher et va vouloir payer le coût par tous les moyens à celui qui a saisi sa viande si les négociations ne marchent pas. Et quand je dis tous les moyens, nous sommes en Afrique et les mystères, il y en existe. Il faut être vraiment fort spirituellement pour exercer librement ce métier dans certaines zones.

Quel a été le jour le plus heureux de votre carrière ?

Comme jour heureux, je parlerai surtout du jour ou j’ai pu atteindre mon objectif premier étant vétérinaire, le jour où j’ai constitué moi-même mon troupeau de bétail. En faisant une formation dans le domaine de l’élevage, je ne visais pas vraiment la fonction publique mais c’était plus pour m’installer et avoir mon propre troupeau mais comme en notre temps on était tellement sollicité et même avant la fin de notre formation, on était déjà affecté dans différents postes ce qui a fait que je suis devenu vétérinaire d’Etat. Mais je n’ai pas laissé tomber mon objectif et étant déjà dans le domaine ça été facile pour moi de constituer mon troupeau et c’était ça ma plus grande réussite.

Contez-nous le jour malheureux de votre carrière

Bon comme jour malheureux je parlerai du jour où je me suis rendu compte que l’homme était mauvais. J’ai été victime de la méchanceté de l’homme. Les faits se sont passés à Tchatchou mon village d’origine ou était installé mon troupeau de bétail et où j’ai d’ailleurs pris ma retraite en 2015. Mon troupeau d’animaux a été victime de sorcellerie de l’homme. Quand le mal est survenu les animaux tombaient et mouraient. Il y avait aucun symptôme pour nous permettre d’identifier la provenance du mal. Et à la mort des animaux quand on faisait l’éviscération on trouvait des aiguilles en grande quantité au niveau des organes comme la rate, le foie, le cœur… J’ai vu plus d’une trentaine de mes bovins et ovins partir sans pouvoir rien faire pour arrêter cela. Le fruit de plusieurs années de labeur est parti comme ça. C’était vraiment un coup dur pour moi que je ne pourrai jamais oublier.

Une anecdote

Comme anecdote je parlerai du moment où j’ai saisi la viande d’un vieux très respecté que tout le monde redoutait à Toucoutounna. Après inspection, j’ai détecté une maladie infectieuse qui m’obligeait à saisir la viande. Le vieux a tout fait et m’a même menacé en me faisant savoir qu’aucun vétérinaire n’a jamais osé saisir sa viande mais mon rôle d’agent inspecteur m’empêchait de livrer cette viande à la consommation. Il a voulu me corrompre avec de l’argent mais je lui ai montré que je n’en avais pas besoin, car je ne me plaignais pas aussi sur ce point. Il a envoyé le sous-préfet d’alors de la zone pour m’intimider avec son titre mais je n’ai pas cédé. J’ai proposé à ce préfet de signer un engagement qui attestait que c’est lui qui autorise la mise en consommation de cette viande. Ce dernier s’est donc désengagé et le vieux malgré sa force a été dans l’obligation d’obtempérer. La viande a été enfouies dans une fosse et brulée.

Un message à l’endroit de la jeunesse qui veut faire comme vous ?

Bon je leur dirai de donner le meilleur d’eux même, car dans notre domaine c’est ce qui compte et tu seras récompensé en fonction du travail que tu fais. Les temps sont durs aujourd’hui et il n’y a plus beaucoup d’opportunités comme en notre temps. Je vais donc conseiller les jeunes de ne pas forcément attendre l’Etat car pratiquement depuis notre époque aucun recrutement n’a été lancé dans ce secteur, ils doivent donc opter plus pour l’entreprenariat car c’est la seule porte de sortie aujourd’hui. Aussi le vétérinaire est une personne très importante et c’est un métier très risqué, il faut donc éviter de poursuivre l’argent car le bien-être de toute une population mais aussi des animaux repose sur sa main.

Votre mot de la fin

Comme mot de la fin, je vais lancer un appel à l’endroit du gouvernement, qu’il accompagne au moins ces jeunes qui sont à la maison sans emploi et cherchent à survivre peut être dans l’entreprenariat. Merci et longue vie à votre journal.

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