40 ANS APRES SA RETRAITE : Thomas Maurice revient sur les souvenirs de ses années de service

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40 ANS APRES SA RETRAITE

Thomas Maurice revient sur les souvenirs de ses années de service

Il a été l’un des cadres dévoué de l’administration coloniale dahoméenne. Courage, abnégation, patience ce sont les mots qui le caractérisent. Très jeune, Thomas Maurice puisque c’est de lui qu’il s’agit a su se mettre à la disposition de son pays et contribuer à son développement. Mais avant d’intégrer l’administration, il est passé par des difficultés et des obstacles qu’il a pu surmonter grâce à sa détermination. Ainsi, pour en savoir plus sur Thomas Maurice, votre quotidien dans sa rubrique ‘’Une vie, un métier’’ s’est rapproché de ce dernier qui livre ici les temps forts de ses 30 années de carrière. Lisez plutôt.
Samiratou ZAKARI

Daabaaru : Pourquoi avoir choisi faire carrière dans l’administration publique ?

Thomas Maurice : Je n’ai pas fait le choix de travailler dans ce secteur. Ce sont juste les circonstances qui m’ont amené là-bas. Au début, moi je voulais être vétérinaire mais les portes ne se sont pas ouvertes à moi dans ce domaine. Comme à l’époque ce qui était important pour nous était le travail, j’ai donc profité de l’opportunité que j’ai eu d’intégrer l’administration coloniale en son temps.

Parlez-nous de votre cursus scolaire

J’ai eu la chance de mettre les pieds à l’école du blanc même si cela n’a pas été comme je l’ai souhaité. En effet, après l’obtention de mon Certificat d’Etudes Primaires Elémentaires (Cepe) à Parakou en 1946, je voulais poursuivre mes études à l’école primaire supérieure Victor Ballot de Porto-Novo mais malheureusement mes dossiers furent rejetés avec pour raison avancée, j’étais trop âgé pour intégrer cette école. J’avais 18 ans à l’époque. Toutes les tentatives faites pour intégrer aussi le lycée Van Volen Hoven de Dakar ont été vaines. N’ayant plus aucun espoir, j’ai proposé à mon père de me laisser me lancer dans la vie active. C’est ainsi qu’après une année scolaire perdu je me suis lancé dans le commerce avec l’aide de mon père qui était déjà dans le secteur même si je n’envisageais pas faire de cela une carrière. Je recherchais mieux, et le commerce c’était juste un passe-temps en attendant de trouver mieux. Ainsi, après un moment de carrière en tant que commerçant et par la suite contrôleur d’une boutique de marchandises diverses à Parakou, j’ai rejoins la Factory de la compagnie Fao à Natitingou pour un stage en tant qu’aide-comptable en début du mois de janvier 1948.

Alors, dites nous, d’aide-comptable à la Fao, comment avez-vous intégrer l’administration coloniale ?

J’étais à Natitingou dans ma nouvelle fonction d’aide-comptable quand Hubert Maga à l’époque député à l’Assemblée Nationale française de passage à Nati m’a aperçu au niveau de mon service. Ayant été mon tuteur et mon enseignant en classe de Cm2, ce dernier m’intima donc de passer le concours de recrutement dans la fonction publique. Etant toujours à la recherche du mieux-être, j’ai pris en compte la proposition de mon père spirituel puisqu’étant celui qui a parrainé mon baptême. C’est ainsi que j’ai postulé au concours pour le recrutement des commis-expéditionnaires lancé par l’Etat dans la période. Heureusement la chance m’a sourit et c’était pour moi le début d’une nouvelle aventure.

Comment étaient vos débuts dans cette nouvelle fonction ?

Un peu compliqué mais ce n’étaient pas mal dans l’ensemble. Mon premier poste fut le bureau des finances à Porto-Novo en 1949. Malheureusement j’ai été accueilli par une mauvaise nouvelle au niveau de cette direction. Christophe Agbo qui était mon chef m’a fait savoir par une lettre que j’étais considéré comme démissionnaire puisque je n’avais pas pu rejoindre à temps mon poste. J’ai dû expliquer à ce dernier les raisons de mon absence le jour de ma prise de service et il me comprit. Il m’intima donc l’ordre de rejoindre le service de la pension qui était mon service d’intervention. En 1952, j’ai rejoins Parakou suite à la création d’un Trésor public et d’un service du Sous-Ordonnancement où j’ai été envoyé en tant qu’agent financier ainsi que d’autres collègues. J’ai travaillé là pendant 4 ans avant d’être affecté par la suite en détachement à la Subdivision Temporaire des Routes et Ponts (Strp) à Bembèrèkè. J’ai passé 4 mois à ce poste avant de recevoir la proposition d’Hubert Maga pour être son secrétaire particulier à l’Assemblée Territoriale où il venait d’être élu Président. Je suis donc reparti au Sud pour rejoindre mon nouveau patron.

Quels ont les avantages de servir dans l’administration publique en votre temps ?

Des avantages il y en avait. Vous savez, nous à notre époque les fonctionnaires n’étaient pas recrutés pour travailler dans un seul bureau. On était appelé à travailler partout où le besoin se faisait sentir même si on avait aucune formation du poste au départ. Au cours de ma carrière j’ai eu au total 15 affectations d’un poste à un autre et 11 déplacements à l’intérieur du pays. Et ça, c’est déjà un avantage car j’ai pu parcourir la majorité des services de l’administration publique, j’ai pu vivre la réalité de ces différents postes. Aussi, les affectations m’ont permis de connaître plusieurs villes de mon pays et vivre dans différentes sociétés, de connaître différentes cultures. Il faut dire également nous, on travaillait pour assurer le futur. Ayant travaillé en tant que fonctionnaire, on bénéficie d’une pension qui nous permettait de vivre l’après retraite. J’ai pris ma retraite en 1979 ce qui me fait aujourd’hui 40 années de retraite. Le salaire, les primes, les avancements, nous faisaient également gagnés beaucoup d’argent en tant que fonctionnaire.

Qu’en est-t-il des difficultés ?

Bon, les difficultés il n’y en avait pas comme ça. Etant à un poste, si on te confie une tâche que tu n’exécute pas où que tu ne fais pas bien, tu auras des difficultés, des problèmes avec tes chefs hiérarchiques. Je dirai que moi mon arrivée à l’Assemblée Territoriale n’a pas été du tout facile pour moi. Le secrétaire administratif Alfred Bossou qui était à l’époque là, n’a pas du tout bien accueilli ma venue dans ce service car pour lui, j’étais là pour lui prendre sa place. Ce qui a fait que l’atmosphère entre nous deux n’était pas du tout vivable. Il a mis en œuvre des stratégies pour ne pas me faciliter la tâche. Les choses se sont encore plus compliquées pour moi au départ du président Maga de l’Assemblée Territoriale. J’étais donc obligé de quitter.

Quels ont été les moments les plus heureux de votre carrière ?

Comme moments heureux de ma carrière, je parlerai d’abord du jour où j’ai eu ma première promotion. A l’époque, je travaillais en tant que dépositaire comptable à la Strp à Bembèrèkè lorsque le président Maga après son élection à l’Assemblée Territoriale est venu jusqu’où j’étais pour me proposer de travailler à ses côtés en tant que secrétaire particulier. J’étais tellement content car c’était l’ouverture de nouvelles opportunités pour moi. Encore quand le président Maga a été nommé ministre du travail et des affaires sociales après son départ de l’Assemblée, il m’a encore fait appel pour être son attaché de cabinet. Devenu par la suite premier ministre, il forme son gouvernement et me nomme cette fois-ci comme son chef de cabinet. Et c’est à cette époque qu’il a travaillé pour conduire le Dahomey à l’indépendance.

Qu’en est-t-il des moments malheureux ?

Les problèmes sont survenus pour nous à la chute du régime du président Maga en 1963. Je me suis retrouvé menotté pendant cette période de coup d’état suite à une affaire banale qui est devenue par la suite une affaire nationale grâce à l’opposition qui à travailler à cela. Plusieurs choses comme la construction du palais présidentiel après l’indépendance du pays ont fait objet de polémique par ceux qui voulaient voir ce dernier quitter le pouvoir. Le palais présidentiel qui est là aujourd’hui date de la gouvernance de Maga et a été construit à environs 800 millions de Fcfa. Les gens ont critiqué comme ils veulent et qualifiaient cela de gaspillage des ressources de l’Etat. Tout ceci pour avoir la main sur le pouvoir et faire partir le Président Maga de son fauteuil présidentiel. Les choses ont donc dégénéré, les syndicalistes en ont fait leur affaire et Maga était obligé de quitter. Nous qui étions ses collaborateurs, il fallait nous coller aussi quelque chose pour nous arrêter. C’est ainsi que je me suis retrouvé en prison avec d’autres collègues pendant trois mois le temps que des enquêtes soient faites sur ce qu’on nous reprochait. On a vécu cette période dans des conditions déplorables. On passait nos nuits parfois menottés et entassés dans des cellules très minuscules. Tout ce traitement c’était dans l’intention de nous faire dire ce qu’ils voulaient entendre. C’est le commissaire Titus qui avait la charge de mener les enquêtes autour de nous qui étions les collaborateurs de Maga. Chaque matin, il venait nous réveiller dans notre cellule à 2 heures pour nous faire avouer des choses dont on n’était pas au courant. Il avançait souvent comme argument, qu’il revenait de la résidence surveillée où était logé le président Maga et que ce dernier avait tout avouée et qu’on devait faire pareil pour être libérés. Mais on n’est resté ferme sur notre décision sans jamais rien dire jusqu’au jour où ils ont décidé de nous libérer enfin. C’était vraiment dur.

Quel message avez-vous à l’endroit de la jeunesse d’aujourd’hui ?

J’exhorte la jeunesse à travailler véritablement à la construction de ce pays que nous ont laissé nos aïeux. Je les invite à l’union et à ne pas forcément attendre gagner immédiatement du travail qu’ils font. Il faut travailler véritablement et attendre les résultats après.

Votre mot de la fin

Je remercie votre quotidien pour la considération portée en ma personne en me permettant de parler de moi. Plein succès à vous dans vos activités.

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Daabaaru