BÉNIN : La journaliste Pesce Hounyo explore les objectifs de création des formations politiques

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La situation politique du Bénin notamment les objectifs de création des formations politiques d’hier à aujourd’hui, c’est le sujet auquel s’est intéressé la journaliste Pesce Hounyo dans son interview analyse avec le politologue Richard Boni Ouorou. À travers des questions posées à son hôte, la journaliste a essayé d’avoir son point de vue d’une part sur le fonctionnement de ses regroupements politiques d’hier à aujourd’hui, les forces et faiblesses du système partisan et bien d’autres faits. Voici l’intégralité de l’interview.

Samira ZAKARI

1- Avant l’avènement de UP le Renouveau, qui semble aujourd’hui très en vogue, nous avons connu dans l’histoire politique récente de notre pays, UBF sous Kérékou et UMPP sous Yayi. Vu que les objectifs et les devanciers de ces creusets politiques d’envergure semblent pratiquement les mêmes, est-ce que la fin risque encore d’être la même ou alors vous y voyez du différent ? (analyse comparative)

Vous avez sans doute omis de mentionner la Renaissance du Bénin durant le régime du président Nicéphore Soglo. Ce tableau que vous avez dressé si bien est assez révélateur des spécificités de notre espace politique. Il y a deux choses à retenir du constat qui est le vôtre : la rupture institutionnelle d’une part et la continuité du comportement politique

Afin de mieux saisir mon propos, il faut noter quelque chose d’important qui est le fait qu’aucun des Présidents que nous venons d’évoquer n’est parvenu au pouvoir ni sous la bannière des partis politiques cités, ni sous aucune bannière politique. Ce qui va curieusement à l’encontre d’une des théories politiques dominantes qui veut que ce soit le parti politique qui soit le vecteur principal de l’accession au pouvoir politique du fait de l’idéologie qui l’anime, des valeurs qu’il porte et de l’étendue de son influence géographique et du dynamisme de ses militants et cadres.

Au Bénin par contre, c’est toute autre dynamique faite d’alliance de diverses entités sociologiques et politiques qui portent un individu au pouvoir. Le parti politique n’intervient qu’à l’issue de la prise de pouvoir et n’a pour fonction principale que celle de consolider et de garder ce dernier par le jeu de divers accords et arrangements.

…D’un régime à un autre, il n’y a pas de continuité dans la conception et la mise en œuvre des plans de développement. Chaque régime vient avec sa vision. La vue en perspective de tout cela donne l’impression d’un éternel recommencement et d’un gâchis irrémédiable.

RICHARD BONI OUOROU, Politologue :

Ce qui se passe donc, c’est qu’à l’issue d’un cycle de pouvoir qui correspond généralement à deux mandats présidentiels, les différentes forces sociologiques et politiques se recombinent de différentes manières pour assurer leur existence au cours du cycle à venir. D’où ce que j’ai précédemment appelé la continuité du comportement politique. En effet, de manière invariable, il s’agit du même modus operandi pour l’accession au pouvoir.

La mise en œuvre de celui-ci passe nécessairement aux yeux des acteurs impliqués par la mise en œuvre de l’autre élément que j’ai tantôt évoqué qui est celui de la rupture institutionnelle. Il faut entendre par-là la fin du parti hégémonique précédent afin de préparer le terrain pour le prochain. Cette phase de transition est l’occasion pour les uns et les autres de se refaire une virginité politique par le biais d’un nouveau discours qui surfe sur le mécontentement populaire.

Malheureusement la rupture ne s’arrête pas à ce niveau. On la remarque également au niveau des politiques publiques qui prétendent au développement. Vous aurez sans doute remarqué que d’un régime à un autre, il n’y a pas de continuité dans la conception et la mise en œuvre des plans de développement. Chaque régime vient avec sa vision. La vue en perspective de tout cela donne l’impression d’un éternel recommencement et d’un gâchis irrémédiable.

Pour appuyer mon propos, je ne prendrai qu’un seul exemple. Rappelez-vous que depuis le Président Soglo le chantier prioritaire de tous les Présidents était l’instauration et la perpétuation d’une politique énergétique de bonne qualité, accessible et à bas coût. Imaginez donc un seul instant ce que serait devenu notre pays en terme de développement et de niveau de qualité de vie pour ses habitants. Car il est important d’intégrer le fait que l’énergie et la transformation qu’elle induit, est depuis la nuit des temps la clé principale du développement économique et social.

Il y a tant un lien de causalité qu’une corrélation entre la maîtrise et l’accessibilité de l’énergie d’une part et le niveau de développement d’un pays ainsi que la qualité de vie de sa population d’autre part. L’économie n’est que de l’énergie que l’on transforme. Or au Bénin comme dans beaucoup d’autres pays pauvres, l’énergie sous toutes ses formes est peu disponible, est coûteuse et est de mauvaise qualité. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que nous soyons au niveau où nous nous trouvons.

Pour en revenir à votre question, il est évidemment important que les choses changent. J’ai grand espoir que ce sera le cas grâce à une nouvelle offre politique qui entend donner à chaque Béninois la maîtrise de sa propre destinée et l’acteur principal de la transformation heureuse de son pays.

2-Les jeux de ralliements font beaucoup de bruits. Les uns sont qualifiés de contre nature, les autres, d’irrationnels, certains suscitent des procès et justifications. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Et où peut-on apporter des réajustements dans la réforme du système partisan?

Je suis tenté de dire que ce n’est que la conséquence à ma réponse précédente. La question qui est la vôtre pose le problème de la motivation idéologique, partisane dans notre espace politique. Autrement dit, est-ce que nos acteurs politiques sont mués par une idéologie, un positionnement socio-politique que reflèteraient non seulement leur engagement mais aussi leur parti politique.

Il est donc intéressant de savoir comment est organisé idéologiquement le champ politique chez nous. Y trouve-t-on des partis de gauche, de droite, des centristes, des libéraux, des nationalistes, etc. Est-ce que la plupart des acteurs politiques connaissent seulement la signification de tous ces termes.

Il ne s’agit pas seulement de simple mots. Il s’agit d’une vision que l’on se fait du monde et de la manière dont les transformations doivent s’opérer dans l’intérêt de la société et des hommes. Quelle est donc la vision transformatrice de la société béninoise que possèdent ceux que vous évoquez ? Nous sommes ici confrontés à la question fondamentale des motivations qui emmènent les uns et les autres en politique.

En l’absence des marqueurs idéologiques qui différencient les uns et les autres, il ne me paraît pas juste de dire que ces jeux de ralliements sont irrationnels. À moins de précisément indiquer, en quoi ils sont irrationnels.

Ceci dit, à votre interrogation de savoir comment peut-on apporter des ajustements dans la réforme du système partisan, il me paraît d’emblée important d’exprimer ma réserve sur le fait qu’il ne s’agit pas ici de quelque chose qui puisse être changé par la loi. Il est en effet difficile de légiférer aux fins de changer la nature humaine. Toutefois, la solution selon moi passe par le retour aux fondamentaux. Parmi ceux-ci il y a la formation politique qui doit permettre de savoir comment l’État est structuré, de déterminer les enjeux de l’heure et la position de la Nation par rapport à celle-ci, d’avoir conscience des atouts et insuffisances qui sont les nôtres dans l’espace sous-régional et régional, etc.

Il ne s’agit donc pas de se dire politicien ou de se lever un matin et de décider d’entrer en politique. Il est important d’intégrer le fait qu’il s’agit avant tout d’une activité humaine régie par des règles qu’il faut apprendre et assimiler. La formation politique à elle seule n’est pas suffisante. Elle est un complément à un bagage constitué des parcours académiques, professionnels, sociétaux, associatifs, etc.

Mais le réajustement majeur à apporter est au niveau du citoyen. Celui-ci doit se réapproprier le débat public avec la conscience qu’il en est l’unité de mesure. Il doit quitter la posture de spectateur pour celui d’acteur, avoir conscience de sa qualité de souverain et de dépositaire de toutes légitimités publiques.

3- Dans vos précédentes réponses vous évoquiez pour parler idéologie? les partis de gauche, de droite et autres caractéristiques du champ des idées politiques en occident, et j’en profite avant de conclure ce Question-Réponse pour savoir, face au fort sentiment anti-français en Afrique actuellement, comment vivent aujourd’hui les gens de la diaspora ?. Est-ce selon vous une situation normale et heureuse ou un phénomène contre-productif pour le continent ?

La perte d’influence (car c’est de ça qu’il s’agit) de la France en Afrique doit plutôt être appréhendée comme une opportunité pour nous. Si le bilan que l’on peut dresser des décennies de relations avec la France se solde par un passif pour nous, il faut simplement préciser que ce pays n’a agit que dans le seul sens de son intérêt, comme toutes les autres puissances. En nous en inspirant, nous ne devons considérer les événements que dans le seul sens de nos intérêts.

Il faudrait donc déjà les connaître, les structurer et les transformer en politiques publiques concrètes. Ceci me semble le préalable pour pouvoir bénéficier de la formidable opportunité que représente le déclin de la France en Afrique. En effet, la perte d’influence de cette Nation correspond à l’émergence de plusieurs autres pays qui constitue donc pour nous autant d’atouts en termes de coopération commerciale, technologique, industrielle et scientifique.

Contrairement donc à ce que l’on peut penser, le déclin de l’influence française en Afrique met beaucoup plus en exergue nos capacités à nous définir ou non, nos aptitudes à savoir lire ou non, les événements géopolitiques ou non dans notre propre intérêt.

L’heure des invectives est finie. Nos devanciers avaient l’excuse du carcan de la françafrique comme frein à notre développement. Si demain nous voulons procéder à la reddition historique à l’occasion de laquelle nous demanderons des comptes à la France au nom de toutes les turpitudes que nous avons subies, nous devons préalablement nous montrer à la hauteur.

Si nous ratons la fenêtre d’opportunité qui s’offre à nous en ce moment, ce serait un aveu que la France n’a jamais été un obstacle pour nous. Ce serait plutôt l’aveu que le problème c’est nous.

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