CHRONIQUE DES US ET COUTUMES : Tout sauf la famille?

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CHRONIQUE DES US ET COUTUMES

Tout sauf la famille?

Les liens familiaux sont très précieux en Afrique depuis la nuit des temps. C’est ce qui justifie les conditions d’éducation des enfants chez nous. Dans l’Afrique traditionnelle, le garçon est élevé pratiquement par l’un de ses oncles paternels qu’il appelle ‘’papa’’. Dans bien des cas, l’oncle est même plus respecté que le père géniteur de l’enfant. Il en est de même pour les tantes à qui les neveux et nièces accordent un profond respect. D’ailleurs, dans nos langues maternelles les termes ‘’neveux’’ et ‘’cousin’’ n’ont presque pas de correspondants réels si ce ne sont que des périphrases de leur définition. Sinon le plus souvent l’oncle et la tante appellent leurs neveux et nièces ‘’ leurs enfants’’ et par ricochet les cousins et cousines s’appellent par les termes de ‘’frères ‘’ et ‘’sœurs’’. Par conséquent, les parents en Afrique ne se limitent pas aux père et mère mais s’étendent plutôt aux oncles et aux tantes sans oublier les grands-parents qui eux ont une place de choix.
Dans cette Afrique de la nuit des temps, l’individu n’existait donc pas mais plutôt une communauté unie par le lien de sang. Ainsi, la réussite d’un individu était celle de toute sa famille de même que son échec. Raison pour laquelle, chacun veille sur ses pas dans la société, pas pour préserver son seul honneur mais également et surtout celui de sa famille.
C’est au nom de ce lien sacré de sang que l’enfant qui grandit a la lourde responsabilité de s’occuper non seulement de ses parents géniteurs mais de tous ses parents au sens africain du mot comme nous enseigne Amadou Koné dans Les frasques d’Ebinto, « grandir sa vie c’est servir ses parents ». Ainsi donc, dans certaines cultures du sud Bénin, quand un enfant n’a pas pu organiser dignement les obsèques de ses tantes et oncles, la communauté ne lui permet pas d’en organiser pour ses propres parents à leur tour.
Mais avec la modernisation qui a pour corollaire la montée de l’individualisme, ces liens de parenté s’effritent peu à peu et même disparaissent dans bien des cas. Puisque aujourd’hui les mentalités ont changé, pour beaucoup d’africains, « les familles sont terribles, elles vous plantent toute la vie des épingles à l’endroit sensible ». Un constat d’Henri-Frédéric Amiel dont la véracité n’est plus à prouver à qui que ce soit. Dans nos sociétés actuelles, combien ne sont-ils ceux qui par amour pour la famille, se sont retrouvés fauchés pour avoir associé des cousins et des neveux à leurs business ? Combien de foyers ne sont pas disloqués à cause d’un cousin ou d’une nièce qui a été généreusement accueillie sous le toit d’un frère en ville ? Des cas de grandes déceptions venant des liens familiaux courent les rues !
Alors pour se préserver, la confiance en un membre de sa famille est devenue rare voire inexistante laissant la place à la méfiance. Par conséquent, on préfère faire du bien à un inconnu qu’à quelqu’un avec qui l’on partage un lien de parenté. Pire, dans le monde des affaires, on préfère collaborer avec des inconnus que les siens afin d’éviter des problèmes familiaux à la longue. Des problèmes dont l’issue est souvent la ruine totale ou la mort du bienfaiteur. Et ainsi, l’Afrique paie progressivement l’une de ses valeurs cardinales qui est la force du lien de sang.
Au demeurant, on préfère avoir affaire à des amis qu’à un ‘’frère’’ tout en oubliant que « la parenté est comme un manteau d’épine ». Autant elle fait très mal, autant elle reste utile à l’homme. Chacun doit donc savoir s’en servir avec sagesse pour ne pas subir ses revers.

Edouard ADODE

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