L’extrémisme violent se développe sous plusieurs formes au sein des communautés au Bénin notamment au nord-Bénin. Parmi les facteurs favorisant ce phénomène, l’on note les discours haineux qui divisent les communautés. Ces récits péjoratifs mettent ainsi à mal le vivre-ensemble, la promotion de la diversité et l’inclusion sociale. Face à ce phénomène, les divers acteurs de la société doivent intensifier les séances de sensibilisation sur l’importance des messages positifs dans la communauté pour une prévention effective des conflits et de l’extrémisme violent.
Wilfried AGNINNIN
Les discours de haine se développent de plus en plus dans les communautés. Un terreau fertile pour l’extrémisme violent.
Un discours de haine désigne un récit injurieux, discriminatoire visant un groupe ou un individu sur la base de caractéristiques intrinsèques notamment la race, la religion et le genre. Ces discours haineux peuvent menacer la paix sociale au sein d’une communauté. Selon la Stratégie et le Plan d’action des Nations Unies pour la lutte contre les discours de haine, le discours de haine est défini comme «tout type de communication, orale ou écrite, ou de comportement, constituant une atteinte ou utilisant un langage péjoratif ou discriminatoire à l’égard d’une personne ou d’un groupe en raison de leur identité». En d’autres termes, de l’appartenance religieuse, de l’origine ethnique, de la nationalité, de la race, de la couleur de peau, de l’ascendance, du genre ou d’autres facteurs constitutifs de l’identité.
Quelques propos de haine
Les propos haineux subsistent et sont en fonction de chaque localité. Dans les communes du nord-Bénin, l’on peut entendre par exemple, «Ce sont les Peuhls qui sont à la base des conflits entre agriculteurs et éleveurs, c’est comme cela, ils sont, c’est leur comportement» ; «Les « Adjas », ce sont eux qui tuent nos jeunes à petit feu avec leurs boissons frelatées». De même, dans ces communes il n’est pas rare d’entendre dire par certaines personnes, «Ce sont des gens de la brousse et ils sont des soulards, les hommes de l’Atacora», «Les hommes de Tchaourou sont des sanguinaires, ils aiment la bagarre», «Les Fons ne sont pas bons, il faut les éviter à tout prix». Pour le contrôleur général de Police Louis T. Tokpanou, Secrétaire permanent par intérim de la Commission nationale de Lutte Contre la Radicalisation, l’Extrémisme violent et le Terrorisme, «les discours de haine peuvent être véhiculés par toute forme d’expression, notamment des images, des caricatures, des mèmes, des objets, des gestes et des symboles, et ils peuvent être diffusés hors ligne ou en ligne».
Des facteurs favorisant
Quelques facteurs sont à l’origine des discours haineux, selon le contrôleur général de Police Louis T. Tokpanou. L’on peut citer entre autres, l’ignorance et le manque d’éducation, la peur de l’inconnu, l’influence sociale et environnementale, le besoin de se sentir supérieur, les systèmes de croyances et idéologies extrémistes, les frustrations et la colère, le manque d’empathie.
Des conséquences
Les conséquences des discours haineux sont nombreuses et créent des divisions dans les communautés. «Moi je pense que c’est dommage, parce que ces propos haineux créent des barrières et freinent le dialogue interculturel. Ça favorise également les stéréotypes qui gangrènent la société», croit savoir, Bachirou Amadou, Président de l’Association des Étudiants Peuhls du Nord (Aepen). De son côté, le contrôleur général de Police Louis T. Tokpanou a relevé quelques conséquences lors d’une présentation à N’Dali en décembre 2023, à l’occasion d’un atelier de formation. Au nombre des conséquences de ces discours haineux sur les communautés, il a mentionné notamment, la division sociale et la polarisation, la violence et les discriminations, les effets sur la santé mentale, la réduction de la liberté d’expression, les impacts sur la cohésion sociale et les effets sur la démocratie.
Approches de solutions
Au regard des conséquences de ces propos haineux, des solutions sont proposées pour circonscrire et déconstruire ces discours. Le maire de la commune de N’Dali Daouda Saka Méré pense qu’il faut régler les problèmes à l’amiable. «Nous essayons de gérer au maximum les problèmes pour que nous ne marginalisons pas une couche de la société, pour que cette couche ne se sente pas méprisée. Donc, les efforts sont en train d’être faits et aussi au niveau du règlement des conflits, il faut que les conflits soient réglés vraiment à l’amiable d’abord, avant qu’on aille au niveau du tribunal de conciliation, où même au niveau du commissariat», a-t-il fait savoir.
Selon le Révérend Léon Hougbédji de l’église des Assemblées de Dieu temple universitaire de Parakou, il n’y qu’une seule race, la race humaine. «Nous sommes appelés à aimer nos prochains comme nous-mêmes (Jacques 2.8). Tous ont été créés à l’image et selon la ressemblance de Dieu (Genèse 1.26-27). Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés (Mathieu 7:1)», a-t-il rappelé. La constitution béninoise, en son article 36 dispose que, «chaque béninois a le devoir de respecter et de considérer son semblable sans discrimination aucune et d’entretenir avec les autres des relations qui permettent de sauvegarder, de renforcer et de promouvoir le respect, le dialogue et la tolérance réciproque en vue de la paix et de la cohésion nationale».
Pour Louis T. Tokpanou, il faut, «réaliser un diagnostic approfondi sur la cohabitation entre les communautés du Nord-Bénin; former les leaders et autres personnalités des communautés sur la communication non-violente; mettre en place des plateformes de dialogue social entre communautés; promouvoir l’éducation pour sensibiliser les populations sur les préjugés et stéréotypes, encourageant ainsi une compréhension plus nuancée». Outre ces mesures, il faut également encourager les médias à diffuser des informations équilibrées, à éviter le sensationnel et à promouvoir des narratifs inclusifs ; promouvoir une utilisation responsable des médias sociaux et encourager les plateformes à lutter activement contre les discours haineux et développer des programmes de formation à la pensée critique pour aider les individus à analyser de manière critique les informations et à remettre en question les préjugés.
Les discours haineux subsistent dans les communautés. Mais il faut des séances de sensibilisation et des stratégies pour changer les mentalités.