COUP D’ETAT AU BURKINA-FASO : Le Dr Victor Dangnon analyse et fait des propositions

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Le Burkina-Faso a connu à nouveau un coup d’État. Après huit mois de gestion des affaires à la tête de la République burkinabè, le président de la transition, le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba a été renversé du pouvoir par un groupe de militaires dirigé par le capitaine Ibrahim Traoré. C’était le vendredi 30 septembre 2022. À cet effet, nombre d’observateurs de l’actualité politique en Afrique ne cessent de monter au créneau pour apporter leurs points de vu notamment sur les raisons qui pourraient expliquer ce coup d’État. C’est le cas du Dr Victor Dangnon, ancien président du comité interparlementaire de l’Uemoa qui a fait une analyse de la situation tout en faisant des propositions de solutions pour un retour à l’ordre constitutionnel. Voici l’intégralité de son point de vue.

Samira ZAKARI

Par Dr. Victor Dangnon,

Ancien président du Comité Interparlementaire de l’UEMOA.

À mon sens, le coup d’État burkinabé exige un regard serein, au-delà du sens commun. Huit mois après un précédent qui n’a pas encore arrêté de faire des bulles et survenu au cœur des négociations et sanctions pour un retour à l’ordre constitutionnel dans la sous-région. Tel que venu, Paul-Henri Sandaogo Damiba est renversé de son fauteuil présidentiel, obtenu par coup d’État. C’est ce retour de manivelle qui éjecte le colonel du fauteuil qu’occupera désormais le capitaine Ibrahim Traoré.

S’il s’avère que ce dernier putsch n’a pas des tenants extérieurs, il pourra être perçu comme une des séries de confirmations du rejet de la politique de la France, comme également un affront d’un courant idéologique de plus en plus désuet et contesté, sournoisement pour les uns, manifestement pour autres. Le Mali est le point actuel de mire. Mais en vérité, il faut aller au-delà des apparences, de la réelle question sécuritaire qui captive la grande attention. Il faut voir, sous cape, les fondements réels des récidives militaires fracassantes et brutales dans la politique; surtout lorsqu’elles se trouvent soutenues par une frange importante de la population civile africaine. Les bruits de bottes, largement applaudis dans l’opinion de ce continent, sont révélateurs d’un malaise profond, de l’expression d’une soif d’affirmation de soi et d’un désir d’autodétermination qui tenaillent visiblement les communautés africaines de nouvelle génération, dans leur ensemble. Pour la majorité, la CEDEAO subit actuellement infiltrations et instrumentalisation dans son fonctionnement, la faisant prendre un sens contraire à sa mission initiale de développement. La France a un intérêt majeur à colmater les brèches, faire disparaître, bien péniblement certes, les soupçons qui pèsent sur elle. Elle doit plus que jamais renégocier ses liens avec les anciennes colonies. C’est un impératif de survie. Déjà vulnérable, toute autre attitude supplémentaire peut la rendre momentanément victorieuse, sans pour autant lui rassurer une durabilité de puissance dans le temps. L’effet majeur sera le fait de contamination du “déni francophone” qui se fait de plus en plus imminente en faveur de la Russie. En l’état de la situation actuelle des choses, en effet, l’image de marque de la France est déjà profondément écorchée, sa diplomatie menacée de dégringolade absolu, la condamnant ainsi à une perte de compétitivité économique internationale. Les troublantes révélations qui s’enchaînent et alimentent l’actualité, ajoutées aux actes de bravoures ne sont pas sans effets dévastateurs sur l’Hexagone.

Les violentes tentatives de mutations sociopolitiques actuelles, dont l’encrage se situe au Mali d’aujourd’hui, interpellent tous et tendent vers de grands bouleversements de la diplomatie entre l’Afrique et ses maîtres d’hier. Mutations irréversibles à vrai dire car, ainsi, partaient, en 1958, les indépendances avec les mêmes espoirs, réticences et égales inquiétudes sur la Guinée de Sékou Touré qui, à l’époque déjà, martelait le droit africain à la vraie souveraineté, à l’égalité et au respect de la dignité du continent. A l’accepter ou non, les indépendances des années 60 ont de solides tenants sur le refus de la Guinée à adhérer au projet référendaire du président de Gaulle. Voilà un Mali, avec l’histoire d’un Assimi Goïta, à l’image de celle d’un Sékou Touré, pendant son « Non » historique à la France.

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest risque de perdre ce qui lui reste de de contenu crédible, si elle maintient le cap actuel. L’opinion africaine est globalement tranchante quant au rejet de l’orientation que suit cette Communauté. Celle qui, quelques années plus tôt, charriait tous les espoirs d’une sous-région.

Si cela est encore possible, les États ouest-africains gagneront dans l’organisation d’un forum sous-régional aux fins de redéfinir les Chartres des grandes institutions qu’ils se sont donnés. Il y a nécessité de les contextualiser aux plans politique, sécuritaire et la coopération internationale. Les grands aspects tels que l’application des sanctions pourraient être abordés et reprécisés avec minutie. La clé pourrait être dans le tiroir de qui de droit, pour ne pas citer la France.

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