CULTURE/ORIGINES, PRINCIPES ET RÔLES DE LA DIVINITÉ DU FEU AU BÉNIN : Dans les méandres de Hêbiosso, le dieu justicier

8 mois ago | Written by
19 531 vues
0 0

Dans de nombreuses cultures et traditions du monde, les pratiques spirituelles sont liées aux divinités. Au Bénin, une divinité n’est pas uniquement caractérisée par le mystère, mais elle traduit dans d’autres sens, une tentative de domination et de domestication par l’être humain. L’homme doit donc s’assurer de la maîtrise de ce patrimoine qui lui a été légué afin d’en tirer profit. Dans un entretien exclusif, Bérou Fatouma Dafia N’gobi, spiritualiste et gardienne de la tradition revient sur les origines, interdits et rôles relatifs à la divinité du feu (Hêbiosso). Lisez plutôt.

Abdèl Khalik ZIME (Stg)

Daabaaru: Que représente Hêbiosso parmi les multiples divinités du Bénin?
Spiritualiste: Hêbiosso est le gardien de l’ordre dans la société. C’est le dieu du tonnerre, de la foudre, de la force et du feu. Hêbiosso est le dieu de la justice sociale en ce sens que c’est lui qui punit les malfaiteurs, les voleurs. Hêbiosso est le dieu-gendarme, le justicier, le père qui frappe. Que ça soit un envoûteur ou un empoisonneur, c’est Hêbiosso qui règle son compte un jour.

Quelles sont les vraies origines de cette divinité et comment est-elle représentée ?

Le vodoun Hêbiosso était au commencement de la terre. Il est né dans l’Egypte antique et s’appelait dans le temps le dieu soleil Amon-râ, en langue égyptienne des temps anciens. Ce nom Hêbiosso indique l’origine géographique et ethnique de ce vodoun et du clan qui l’honore. Hêbiosso peut être décrit sous deux aspects, historique et divin. Comme personnage historique, il aurait été le troisième Alaafin Oyo, roi de Oyo, fils de Oranmiyan et de Torosi. Oranmiyan fut le plus jeune fils de Odudua et devint le plus fort d’entre eux, celui dont la renommée était la plus grande dans tout le pays Yoruba. Il devint fameux, dès sa jeunesse comme chasseur et après en raison des nombreuses et profitables conquêtes qu’il entreprit. Il fut le fondateur du royaume d’Oyo. Torosi quant à elle était fille d’Elémpe, le roi du pays Tapa. Hêbiosso grandit au pays de sa mère et plus tard alla s’installer à Koso où les gens ne voulurent pas de lui en raison de son caractère violent et impérieux, mais il s’imposa à eux par la force. Il alla ensuite, suivi par ces gens, à Oyo où il établit un quartier appelé Koso. C’est une divinité ancestrale qui gouverne la lumière, l’énergie cosmique. Hêbiosso s’est établi au Bénin surtout au niveau de l’aire culturelle Adja-Tado. Les deux dignitaires du culte vodoun confirment le fait que le dieu du tonnerre comme les ‘’blancs’’ l’appellent, est une divinité discrète, qui n’aime pas la propagande et qui frappe fort. Au fil du temps, il apparaîtra sous plusieurs appellations dans les ethnies du Bénin comme chez les Baatombu (Gùrù gbā), les Nagot (Arà), les Zermans (Dongô, Bīnin kpê).

Pourquoi le nom Hêbiosso et comment cette divinité est-elle représentée ?

La divinité Hêbiosso est traduite par le mot tonnerre. Le tonnerre relève de l’autorité du vodoun Hêbiosso. Dans sa matérialisation, Hêbiosso tient en main un emblème, le «So-Kpê» selon l’étymologie ou le «Gbāa» en Baatonu, «hache de tonnerre», une sorte de pierre météorique. Or, la hache symbolise la puissance et la volonté. Ainsi, nous pouvons invoquer Hêbiosso en vue de se placer sous sa protection. Ce vodoun est également représenté par le bélier, symbole de la force et du pouvoir. La tradition attribue la couleur rouge flamboyant à ce vodoun. Hêbiosso a également pour attribut la justice qu’elle rend, sur la terre en châtiant par la foudre les malfaiteurs, les voleurs, les sorciers.

Quelles sont les personnes qui peuvent vénérer cette divinité ?

Le choix des fils de Hêbiosso ne se fait pas au hasard. Avant d’être consacré adepte, déjà à la grossesse, les parents doivent consulter un prêtre vodoun Hêbiosso, pour des rituels avant naissance. Après accouchement, le nouveau-né devient fils de Hêbiosso. Des cérémonies propitiatoires sont initiées pour le consacrer adepte de la divinité. Quand Hêbiosso est dans une collectivité et que l’un de ses fils tombe gravement malade, on demande qu’il soit sacrifié au vodoun Hêbiosso. Une personne étrangère qui n’a aucune affiliation avec Hêbiosso ne peut pas en être l’adepte. On ne force pas les gens à devenir adepte de Hêbiosso. Ça va d’une famille à une autre, d’une collectivité à une autre. Je connais des collectivités qui adorent Hêbiosso : les Houéda par exemple. Quand tu vas à Ouidah, il y a des maisons qui adorent Hêbiosso. Quand cette divinité n’est pas implantée par les anciens dans ta collectivité, tu ne peux pas en être adepte. Si en pleine cérémonie quelqu’un qui n’est pas initié rentre au couvent. Il sera obligé de devenir adepte. Il y a des choses interdites aux regards des non-initiés ; et quand on ne fait pas les sacrifices nécessaires, la mort s’en suit. Alors, pour sauver l’individu, les prêtres de vodoun Hêbiosso sont obligés de faire certaines cérémonies.

Quelles sont les divinités équivalentes ?

Dans l’aire culturelle Adja-Tado, c’est-à-dire l’espace qui va de Lagos, au Nigeria, à Accra au Ghana en passant par Cotonou, au Bénin et Lomé, au Togo et dont les populations étaient surtout concentrées dans le bassin inférieur du Mono, l’une des divinités les plus populaires est le Hêbiosso. Au Bénin, il porte le nom de Hêbiosso tandis que chez les Ouatchi au Sud-Togo, il prend le nom de Hêbiosso. Au Nigéria, cette divinité prend le nom de Shangô. Au Bénin, chez les peuples Baatombu, on parle de «Gùrù gbān», «Ara» chez les Nagot et «Bīnin kpê» chez les Zermans. Les origines de cette divinité sont à cheval entre le Nigéria, les peuples Xwéda du Sud du Bénin, d’où la divinité aurait été importée vers l’ancien royaume de Danxomè après une conquête du roi Tégbésu et Hévié, une ville du Sud-Bénin dont le nom a une affinité étymologique avec le nom de la divinité. Mais toutes ces sources s’accordent sur le fait que Hêbiosso s’écrit de plusieurs manières mais désignant la même divinité.

Quels sont les principes et totems du Hêbiosso ?

Comme toutes les autres divinités, le gardien de la pluie a plusieurs totems et principes. On doit lui faire des offrandes et des sacrifices lorsqu’un individu va pêcher dans une zone interdite de pêche. Quand on est adepte du fétiche tonnerre, on ne ment pas sinon il vous tuera. Aussi, Hêbiosso n’aime pas la publicité et d’ailleurs pour cela, on ne lui fait pas de chants de louanges spécifiques contrairement aux autres divinités. Une femme en état d’impureté doit l’éviter.
Un adepte de cette divinité s’habille en rouge et blanc. Il faut savoir que Hêbiosso ne pardonne pas après une offense et il est exclusivement associé au bélier, à la colombe et au cheval.

Comment Hêbiosso agit-il envers les injustes ?

Cette divinité agit un jour en pleine pluie. Lorsque le tonnerre gronde, le malfaiteur est abattu. On découvre ses cadavres à certains endroits, quelques minutes après une pluie torrentielle. Ces décès sont brutaux et spectaculaires. Les victimes de Hêbiosso sont soit des personnes qui s’apprêtent à commettre des crimes, à voler ou qui ont enfreint les règles de la nature. C’est ainsi que la colère du dieu tonnerre se déclenche et il agit. La personne non-initiée à ce vodoun trouvera qu’elle fait du mal alors qu’il est avant tout un vodoun bienfaiteur. Il intervient régulièrement car les règles et les lois de la nature sont de plus en plus foulées au pied.

Hêbiosso se trompe-t-il ?

Ça dépendra de l’interprétation de chacun. Hêbiosso peut tuer si l’on te l’envoie par jalousie ou la haine. Aussi, on ne s’abrite pas près des arbres quand il pleut. Lorsqu’il pleut et puis la divinité est en mouvement, il descend par moment sur les arbres. Si vous y êtes, vous périrez! Doit-on parler d’injustice ? Non! Donc, dans plusieurs cas, Hêbiosso rend justice en toute transparence et fait mourir la personne injuste et de mauvais cœur. Tout est aussi question de moralité personnelle et d’intentions.

Comment demander pardon à Hêbiosso ?

Dans tous les cas, le dieu tonnerre n’accepte pas le pardon. Qui tire avec lui meurt, il agit et passe à autre chose sans aucun pardon. En tant que maître justicier, il reste impardonnable et tous ses adeptes le savent.

Quelle est la portée de cette divinité sur la vie de ses adeptes ?

Ne cherchez jamais à provoquer la colère ou vouloir du mal d’un adepte du dieu tonnerre. S’il est juste, vous avez une chance sur milles. Un adepte du Hêbiosso par exemple, n’aura jamais de surprise, ne sera jamais atteint par les envoutements. Il n’a peur de rien et ne mourra pas jeune du moment où il respecte bien les lois. Qui dit Hêbiosso dit justice, il est très protecteur envers ses adeptes, lorsqu’il frappe pour défendre, seule la mort reste possible.

Propos recueillis et transcrits par Abdèl Khalik ZIME (Stg)

Article Categories:
A la une · Société

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Daabaaru