DECOUVERTE D’UN PAN DE LA CULTURE DES PEUPLES BÉNINOIS, : Zoom sur les rites funéraires chez les Baatombu

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DECOUVERTE D’UN PAN DE LA CULTURE DES PEUPLES BÉNINOIS,

Zoom sur les rites funéraires chez les Baatombu

En Afrique, la naissance comme le décès sont des évènements très significatifs dans la vie des peuples. Si le premier est source de joie, le dernier provoque désolation et tristesse. Cependant, il nécessite plus d’exigences et d’attention de la part des proches du défunt selon les peuples. Ainsi, chez les peuples Baatombu du Bénin, en fonction du clan du défunt, de sa tranche d’âge, il existe des rites d’enterrement auxquels la société traditionnelle attache du prix en guise de derniers hommages au disparu.

Samiratou ZAKARI

Le corps d’un défunt avant l’enterrement

Photo: César GABA

Les Baatombu sont une communauté sociolinguistique rencontrée dans la région septentrionale du Bénin. Ils sont subdivisés en deux grandes catégories, les Wassangari qui sont de la lignée princière et les Baatombu autochtones qui sont les chefs de terre. Ainsi, chez les Baatombu autochtones, l’enterrement est d’une grande portée spirituelle. Les autochtones se considèrent comme les chefs de terre et l’enterrement d’un mort dans cette communauté est une étape très délicate.

Des rites funéraires du vrai Baatoonu

Une série de rituels selon la tradition, est donc faite par les sages et initiés de la famille pour annoncer le décès d’un des leurs avant que ce dernier ne rejoigne sa dernière demeure. Jacques Bagoudou, animateur culturel à la retraite et consultant culturel explique, « dès qu’on constate que l’individu arrête de respirer, les vieilles de la maison se réunissent, elles prélèvent de la farine pour faire de la pâte qui ne cuise pas bien. Ensuite, on égorge un poulet avec lequel on fait de la sauce gluante tout en ayant soin que le poulet ne cuise pas bien. Ce repas est transporté à l’ouest du village là où il y a embranchement de chemin par l’une des vieilles de la maison, accompagnée de quelques jeunes et un chasseur muni de son fusil. Le repas est posé au niveau de l’embranchement et représente le dernier repas du défunt puisque ce dernier vient de quitter le monde des vivants. Après que la vielle ait souhaité un bon voyage au défunt, l’un des jeunes gardant un bâton en main casse d’un coup la calebasse de pâte et le chasseur appuie sur sa gâchette et tir d’un coup. C’est ainsi qu’on annonce qu’il y a décès dans le village. Dès que le coup de fusil retentit tout le monde comprend qu’il y a décès quelque part dans le village ».

Selon les explications du consultant culturel, après cette étape on revient à la maison faire au défunt la toilette mortuaire. Chez les autochtones, la tradition exige que le corps du défunt soit plié et c’est la cuisine qui devient dès cet instant la chambre mortuaire où toutes les cérémonies sont faites. « Après la toilette mortuaire, le fossoyeur vient plier le corps avant qu’il ne soit installé sur une natte à la cuisine et couvert d’un pagne noir », a fait savoir Jacques Bagoudou. Il indique par la suite qu’après l’étape de lavage et d’installation du corps, les vieilles de la maison viennent dans la chambre mortuaire suivies des griots et tam-tam pour jouer la musique mortuaire autour du corps. Les panégyriques du défunt sont chantés et ses louanges faites par les griots.

Chez les Baatombu autochtones, chaque être vivant a sa part d’eau du marigot à utiliser avant de rejoindre le monde des ancêtres. Cette eau est “coupée” au décès de l’individu. « Quand une personne décède chez nous les Baatombu, au moment où le corps est couché dans la cuisine, la toute dernière fille de la famille se charge d’aller au marigot munie d’un canari pour aller “couper de l’eau” qui sera déposée à l’entrée de la chambre mortuaire avec des feuilles de karité à l’intérieur. Cela représente la part d’eau du défunt qui lui restait », a expliqué Nan Gniré, l’octogénaire résidant au quartier Dopkarou de Parakou.

La benjamine de la famille d’un défunt s’apprêtant pour le marigot

Photo : César GABA

Après toutes ces cérémonies, il revient au fossoyeur d’apprêter la tombe pour l’enterrement selon les exigences de la tradition.

Des exigences de la tombe et de l’enterrement

L’enterrement est fait par le fossoyeur qui est une personne initiée. Les Baatombu autochtones sont enterrés dans une tombe de forme carrée. La fausse n’est pas creusé n’importe comment, il y a un plan à suivre. A ce sujet, le consultant culturel explique, « la tombe est faite de forme carrée à raison d’une coudé et demi par côté. La fausse est ensuite creusée jusqu’à 1m 20 de profondeur. Une autre sorte de chambre est faite encore à l’intérieur de la fausse et c’est dedans que sera caché le corps. Une fois la fausse creusée, il faut aller chercher les bois qui serviront à la couvrir. Et à ce niveau, seuls les bois de karité et de néré sont exigés pour l’enterrement ».

La tombe d’un Baatonu autochtone

Photo : César GABA

Le corps étant toujours couché dans la chambre mortuaire, l’enterrement doit être fait impérativement à 16h du même jour parfois même le lendemain ou deux jours après à la même heure. Mais avant que l’enterrement ne démarre, les femmes de la maison se chargent de préparer de l’igname pilée pour les fossoyeurs avant que ces derniers ne reviennent dans la maison mortuaire. « Avant que l’heure ne sonne, un bol d’igname pilée est envoyé aux fossoyeurs. Au cas où ce plat ne leurs parvient pas, l’enterrement n’aura pas lieu, c’est la règle », a clarifié Jacques Bagoudou. Une fois le repas consommé, et la rémunération des fossoyeurs connue, le fossoyeur et sa délégation rejoignent la maison mortuaire pour la cérémonie.

 

D’après Souleymane Gbassidé, journaliste culturel, l’enterrement se fait dans une ambiance de fête à travers des chants et danses exécutés uniquement lors des cérémonies mortuaires. Il ajoute que la cérémonie se fait avec un coq qui va accompagner le défunt et considéré comme son cheval de voyage. Ce coq est en effet égorgé et sert à faire quelques rituels au niveau de la tombe. Le corps déjà au bord de la fausse, un groupe de jeunes chacun avec un pagne noir noué à la poitrine vient former un cercle au tour du cadavre afin que le pagne qui le couvrait soit enlevé. Tout nu, le corps est envoyé dans sa dernière demeure par le fossoyeur et est par la suite recouvert par le même pagne à l’intérieur. Les parents, frères, sœurs, petits fils et filles viennent ensuite remettre au défunt une pièce d’argent qui selon eux lui servira à acheter de l’eau au cours de son voyage. « Cet argent réuni, on dit qu’il va servir au défunt lors de son voyage mais il est au fait remis aux fossoyeurs. C’est ce qui est fait », a fait savoir le journaliste en langue Baatonum de la chaîne publique Ortb à la retraite, Jacques Bagoudou.

Après cela, la tombe est hermétiquement fermée, d’abord avec les branchages de karité cherché à la forêt pour la circonstance, ensuite la natte sur laquelle était couché le corps dans la chambre mortuaire est posée au dessus des bois et puis on rajoute du sable tout en prenant soin de donner à la tombe une forme conique. C’est alors que viennent les enfants et petits enfants du défunt pour danser sur la tombe au son des tam-tams. Cela permet d’après Jacques Bagoudou, de bien entasser le sable car la personne enterrée s’en est allée pour toujours et ne fait plus désormais partie du monde des vivants.

Les fossoyeurs entrain de mettre un corps dans la tombe

Photo : César GABA

Soulémane Gbassidé a fait remarquer qu’après l’inhumation, commence la cérémonie d’observance du deuil et une semaine après s’organise la cérémonie de deuil appelée le ”Gô Wuroru” en Baatonum. Aussi précise-t-il que d’autres cérémonies funéraires ont lieu des années après et cela se fait de façon groupée. Les familles qui ont eu des parents décédés dans la même période se réunissent pour organiser ces dernières cérémonies de réjouissances en mémoire de leurs défunts.

Cependant, la mondialisation avec l’arrivée de nouvelles religions importées a pris un grand pas sur la tradition. Les Baatombu sont de plus en plus enclins à abandonner cette tradition sous l’effet des religions importées. Ce qui engendre de lourdes conséquences spirituelles selon les sachants et les sages de l’aire culturelle Baatonu.

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