EXTREMISME VIOLENT AU NORD-BÉNIN : Le rôle de la presse dans la lutte

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Depuis quelques années, la partie septentrionale du Bénin vit sous la menace des actes d’extrémisme violent. À certains endroits, des pertes en vies humaines et des dégâts matériels ont même déjà été déplorés. Dans le cadre de la prévention contre le phénomène, les professionnels des médias ont, tout comme les autres couches de la société, également une grande responsabilité à jouer. Il en va du vivre ensemble et du bien-être des populations.

Wilfried AGNINNIN

Deux soldats des Forces Armées Béninoises (Fab) tués dans la localité de Porga, près de la frontière avec le Burkina-Faso. C’etait suite à la première attaque meurtrière enregistrée le 2 décembre 2021. Mais bien avant, c’est depuis 2019 que l’alerte avait été donnée. Ainsi, lors d’un safari dans le parc de la Pendjari, le 1er mai 2019, ce sont deux touristes français qui ont été enlevés et leur guide béninois assassiné. La dernière attaque des Individus Armés Non Identifiés (Iani) est celle de Kaobagou, dans la commune de Kérou. Elle remonte au lundi 1er mai 2023. Elle a fait au moins 15 morts et des personnes enlevées.

Selon le Docteur Abdel Aziz Monsi, enseignant au département de la sociologie de l’Université de Parakou (Up), cité par l’Unesco, l’extrémisme violent renvoie aux opinions et actions de ceux qui approuvent la violence ou y ont recours au nom d’objectifs idéologiques, religieux ou politiques. Cette définition inclut le terrorisme et d’autres formes de violences sectaires et motivées par des raisons politiques.
Des actes d’extrémisme violent, rapporte Boni S., journaliste à Kérou, sont légions dans cette commune de l’Atacora. Même si c’est à travers les réseaux sociaux que les informations parviennent à sa rédaction, leur traitement se fait de manière professionnelle, avant leur diffusion. D’ailleurs, un comité de crise chargé du traitement des informations ayant trait à l’extrémisme violent a été mis en place. « En tant que journalistes, nous essayons d’entrer en contact avec les autorités des localités attaquées par les Iani. C’est après avoir reçu, à travers des appels téléphoniques, la confirmation des faits avec nos correspondants locaux sur les lieux », confie-t-il. A l’en croire, une équipe descend ensuite sur le terrain, pour constater l’ambiance et interroger les témoins oculaires. « Dans le traitement de l’information, nous évitons les termes tels que terrorisme, djihadistes, pour ne pas nous exposer, enflammer la toile et mettre les populations dans la psychose », souligne Boni S.

Des difficultés rencontrées

Dans le traitement de l’information, les professionnels des médias sont souvent confrontés à des difficultés. En premier lieu, Boni S. évoque l’accès aux sources d’informations. « Lorsque vous appelez les personnes ressources informées ou témoins de l’évènement, elles ne veulent souvent pas se confier à vous, sous prétexte que les autorités au plus haut niveau ne se sont pas encore prononcées », déplore-t-il.
De son côté, Gounou M., journaliste à Kandi, indique que sa rédaction hésite à traiter les informations liées à l’extrémisme violent. « Malgré la collaboration que nous entretenons avec les forces de l’ordre et les populations, nous n’arrivons pas à avoir les vraies informations sur le terrain. Lorsqu’elles nous parviennent parfois, il ne nous est pas souvent facile de les vérifier, faute de moyens. L’autre problème, c’est que, avant de la vérifier, elle est déjà sur les réseaux sociaux. Lorsque nous la diffusons après, elle n’a plus d’importance pour les populations qui l’ont déjà lu sur la toile. Avec l’avènement des réseaux sociaux, presque tout le monde est aujourd’hui devenu journaliste », se plaint-il.
Par ailleurs, dans la recherche, le traitement et la diffusion de l’information ainsi que le commentaire des événements, le journaliste doit faire preuve de professionnalisme.

Concernant sa responsabilité sociale, l’article 2 du Code de déontologie de la presse béninoise dispose, « Le journaliste publie uniquement les informations dont l’origine, la véracité et l’exactitude sont établies. Le moindre doute l’oblige à s’abstenir ou à émettre les réserves nécessaires dans les formes professionnelles requises. Le traitement des informations susceptibles de mettre en péril la société, requiert du journaliste, une grande rigueur professionnelle et, au besoin, une certaine circonspection ». Plus loin l’article 16, (La violence et les obscénités) précise « Le journaliste doit s’abstenir, autant que possible, de publier des scènes de violence, des images macabres et obscènes ».
Face au traitement des informations relatives à l’extrémisme violent, ce sont autant de garde-fous pour permettre aux professionnels des médias de mieux exercer leur profession. C’est de leur crédibilité qu’il s’agit également.

De la collaboration avec les forces de sécurité

La prévention de l’extrémisme violent c’est aussi la collaboration entre professionnels des médias et Forces de Défense et de Sécurité (Fds). Elle est plus que nécessaire, estime le journaliste Barnabas Orou Kouman. « Elle va permettre de savoir, à quel moment, il faut porter certaines informations sensibles et jugées d’importance sécuritaire, ou par rapport à une attaque, à la connaissance des populations », pense-t-il. Quant au journaliste Kamirou Nanda Ousmane, il recommande à ses confrères de laisser le soin à l’armée de s’occuper de la communication opérationnelle. Selon lui, le service de la communication de l’armée doit chercher à se professionnaliser et se doter d’outils modernes afin de rendre l’information diffusable, puis disponible à temps.

Du rôle des acteurs de l’internet

Le gouvernement fait, depuis quelques moments, des efforts pour renforcer la sécurité numérique au Bénin. En témoignent la promulgation de la loi n°2017-20 du 20 avril 2018 portant code du numérique en République du Bénin et la mise en place de la Stratégie Nationale de Sécurité Numérique (Snsn) qui a fait l’objet d’une évaluation le 20 avril dernier, par les acteurs de l’écosystème du numérique.

Face au péril de l’extrémisme violent, le terrain est en principe balisé pour que les acteurs de l’internet puissent accomplir convenablement leurs missions d’information, à travers l’utilisation des médias numériques. Toutefois, pour une meilleure utilisation de l’internet, l’ingénieur en informatique, Wilfried Etèka, propose d’ailleurs une synergie d’actions entre les hébergeurs de sites, le gouvernement à travers le ministère du Numérique et de la Digitalisation et les autres acteurs de l’écosystème du numérique. Ce qui limiterait les fake news, encore appelées fausses informations qui circulent régulièrement sur les réseaux sociaux et faisant état des actes d’extrémisme violent dans les départements du septentrion. À travers des informations non fondées, des chiffres sont souvent relayés par des organes de presse. « Il y a quelques semaines, un journal a titré qu’il y a le terrorisme dans les Collines, parce que les actes de kidnapping et de demande de rançons se sont multipliés dans ce département. J’ai vu aussi un article titré ‘’terrorisme dans les Collines’’. C’est faux ! », avait démenti, selon les informations du quotidien ‘’Le Béninois Libéré’’, le commandant Finagnon Ebénézer Honfoga, Chef du Bureau information et relations publiques de l’armée béninoise, lors du mini-colloque régional organisé par le Civic Academy for Africa’s Future (Ciaaf), le 6 mai dernier à Cotonou.

Des propositions

Dans ces conditions, le journaliste Gounou G. exhorte ses confrères à devenir des journalistes de “solution”, en faisant preuve de professionnalisme dans le traitement de l’information. « Tout le monde n’est pas habilité à communiquer dans cette situation de crise sécuritaire. Comment faut-il traiter l’information afin que demain, les mêmes causes ne produisent plus les mêmes effets ? C’est de cela qu’il s’agit. Il faut aussi savoir employer les termes dans ce contexte d’extrémisme violent, pour ne pas créer de problèmes à l’avenir », propose-t-il. Il invite ensuite les autorités à divers niveaux, à plus de collaboration avec les hommes des médias.

Pour sa part, Boni S. appelle les autorités à donner à temps les informations aux professionnels des médias. Il a également appelé les gouvernants à soutenir les journalistes résidant dans les zones réputées à risque en matière d’extrémisme violent. Pour le commandant Finagnon Ebénézer Honfoga, les journalistes doivent faire preuve de professionnalisme, dans la vérification de l’information avant toute publication ou diffusion.

Au cours du mini-colloque organisé par le Ciaaf en mai dernier à Cotonou, la présidente de l’Union des professionnels des médias du Bénin (Upmb), Zakiath Latoundji, a indiqué que la prévention de l’extrémisme violent grâce au concours des journalistes, doit passer par la formation, la spécialisation et la professionnalisation. La Haute Autorité de l’Audiovisuelle et de la Communication (Haac) est aussi appelée à mieux assainir le monde des médias au Bénin. Face à la révolution numérique et la création tous azimuts des organes de presse surtout des médias en ligne, c’est un défi qu’elle doit relever.

Par ailleurs, les journalistes proposent d’intensifier à leur intention, des formations sur l’extrémisme violent et l’installation d’une cellule de fact-checker pour la vérification des informations. Ils constituent un maillon important dans la prévention contre le phénomène, mais il va falloir qu’ils jouent véritablement leur partition.

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