Le mariage est considéré comme l’union de deux personnes de sexes opposés reconnue de façon officielle par la loi ou les règles en vigueur localement, dans le but de s’unir en formant un couple pour le restant de leurs vies. Cependant, il n’est pas rare que cette union se fasse au-delà de deux personnes. Un homme peut s’unir à deux, quatre femmes voire plus, compte tenu de ses moyens sans gêne, c’est la polygamie. Bien qu’elle ne soit pas reconnue par le Code de la famille au Bénin, cette pratique est acceptée en Islam et autorisée par la tradition béninoise. Une incursion dans la réalité des familles polygames et le constat qui se dégage laisse à désirer compte tenu des énormes problèmes que cause cette pratique.
Barnabas OROU KOUMAN
Depuis la nuit des temps, la polygamie est encrée dans l’habitude des hommes. Dans certaines sociétés, elle est signe d’aisance et de prospérité. Certaines religions la recommandent d’ailleurs. La polygamie désigne la situation dans laquelle un individu est lié, au même moment, à plusieurs conjoints. Pour une femme ayant plusieurs hommes ; on parle de polyandrie et pour un homme ayant plusieurs femmes, de polygynie. Le terme ‘’polygamie’’ est couramment utilisé pour désigner le mariage d’un homme avec plusieurs femmes ; il existe pourtant mais très rarement le contraire. Dire ‘’ polygamie’’ est en fait un abus de langage. Il faudrait parler plutôt de ‘’ polygynie’’ quand on parle d’un homme avec plusieurs épouses car la polygamie englobe aussi la polyandrie qui est bien moins répandue.
De la cause de la polygamie
« Ma première femme, faisait des crises de jalousie régulières, à peine elle comblait mes attentes », telles sont les raisons sur lesquelles certains hommes se basent pour s’unir à plusieurs femmes. Prendre une deuxième femme peut dans certains cas s’avérer être la solution pour l’homme et la femme. Certains hommes pour régler le problème de fécondité de certaines femmes, se voient obligés d’épouser une autre. D’autres hommes pratiquent la polygamie à cause des caprices de certaines femmes. A en croire Allou Aliou, technicien agronome à Parakou, « quand une femme sait que c’est elle seule qui est sous le toit de son mari, elle lui fait voir de toutes les couleurs. De plus, c’est aussi bien d’avoir des frères consanguins, moi par exemple, j’en profite beaucoup ». « Tu es chéri et soigné de tous les côtés », poursuit-il. « Moi, ma première femme n’arrive pas à accoucher et ma deuxième n’accouche que des filles, il me faut un garçon », se plaint Moussa.
Outre cela, des raisons traditionnelles et religieuses sont mis en avant pour soutenir ce phénomène. Dans certaines ethnies comme le Baatonu, la polygamie est signe d’aisance et de prospérité. « Etre marié qu’à une seule femme est une incapacité », affirme le vieux Zimé.
Aussi, il n’est pas rare de rencontrer des musulmans affirmer que le Coran leur autorise d’épouser jusqu’à quatre femmes. La majorité des musulmans polygames qui défendent la polygamie affirment disposer des moyens pour subvenir aux besoins de leurs femmes et enfants. « Chacune de mes femmes a ce qu’elle désire et j’assume au quotidien leurs dépenses. De plus mes enfants sont dans les meilleures écoles », déclare Issa un transporteur résidant à Parakou. Au debut la polygamie ne présente aucun danger apparent, mais au fil des ans ses conséquences se font voir.
De multiples conséquences liées à des problèmes financiers
La polygamie augmente les charges du ménage et impacte négativement le devenir des enfants. Des enfants accusent leur géniteur d’être la cause de leurs échecs dans la vie. « Ce qui m’a le plus marqué est que j’avais 4 ans quand papa est décédé et il n’avait personne pour s’occuper de moi dans les études. Mais il avait l’un des enfants de la première femme qui a décidé de nous aider, mais très vite les autres se sont opposés et il a laissé. C’est vrai j’ai pardonné mais je n’arrive pas à oublier cet événement. Peut-être je serai déjà docteur et je serai très loin », confesse Gnantsiglo Kokou Mensah Barnabé, un enfant issu d’une famille polygame. « Moi par exemple, la polygamie fait que je dépense trop, je dois m’occuper et de mes mamans et de mes frères et de leurs familles, cela m’épuise financièrement et m’empêche de réaliser », s’est plaint Worou. Comme eux, ils sont nombreux à se plaindre et à en vouloir à leur géniteur.
Des problèmes sociaux liés à la polygamie
Outre cela, les questions d’héritage à la mort d’un père polygame sont souvent source de conflits entre ses enfants. Les héritiers du défunt se lancent le plus souvent dans des disputes de toutes sortes. Beaucoup en viennent d’ailleurs à la main, aux audiences devant les cours et tribunaux et pire, des crimes aussi bien physiques que spirituels. Ces problèmes d’héritage sont courants au Bénin. Pour Francine, issue d’une famille polygame, « j’ai vu trois de mes frères perdre mystérieusement la vie dans cette affaire d’héritage ». Il faudra prendre aussi en compte la jalousie qui naît entre les coépouses et même les enfants consanguins allant à la haine. Les coépouses se livrent une guerre froide. Il arrive qu’elles en viennent à se déclarer la guerre. Du passage chez les marabouts aux féticheurs, la finalité est souvent l’idée de nuire à sa coépouse. Les enfants des différentes coépouses ne sont pas épargnés par cette guerre. Entre eux, ce n’est pas la fraternité, des clans sont formés dans la même famille entre enfants issus d’une même mère pour combattre les enfants des autres femmes. A tout cela s’ajoute l’impartialité et l’injustice que commet le père de famille dans le traitement de ses femmes et enfants. Certains sont préférés à d’autres. S’en suit des discriminations, marginalisations et injustices. Tout ceci a un impact négatif sur l’avenir et le développement des enfants, ceux-là qui constituent l’espoir de la nation.
Le code de la famille au Bénin insiste sur l’égalité des sexes et donc s’oppose au mariage d’un homme à plusieurs femmes. Cependant, vu la tendance actuelle sur la polygamie, l’Etat béninois a opté pour une loi qui reconnait les enfants issus d’un hors-mariage afin de réduire les catastrophes et ne pas faire trop de victimes.
Opinion d’un sociologue
Pour N’koué Sambiéni socio-anthropologue à l’université de Parakou, en général il y a des difficultés dans le fonctionnement quotidien de la famille polygamique. Mais, il y a également des aspects positifs notamment dans la gestion du travail, en tout cas de tout ce qui est charge. Si, continue-t-il, on regarde un peu les conflits à l’intérieur de la famille et la difficulté de gestion où très souvent le père dans l’incapacité de prendre en charge tous les enfants et toutes les mamans, se dérobe de tout pour ne pas faire des jalousies exacerbées, on peut dire que c’est quand même difficile de gérer une famille polygamique. Le sociologue n’a pas manqué d’évoquer le cas de ces femmes qui trouvent pénible le fait de vivre seule avec un homme et vont faire des pieds et mains pour que leur mari prennent une seconde épouse. « En tant que sociologue je ne peux pas dire que l’acte de ces femmes est mauvais, non », dit-il.
D’autres hommes préfèrent être monogames
Aujourd’hui les jeunes aspirent vivre avec une seule femme toute leur vie et cela est bien possible et très bénéfique à tout point de vue. Ayant fait l’expérience, le pasteur Ousmane Assane conseille, « c’est très possible, l’homme peut vivre avec une seule femme. Moi j’ai fait l’expérience, depuis 37 ans de mariage, je suis avec ma femme et je resterai monogame. C’est une question de volonté. » La polygamie se révèle alors comme une arme destructrice, qu’il va falloir savoir manipuler pour préserver la société.
La polygamie bien qu’elle semble résoudre et réduit les problèmes de prostitution, de célibat et d’enfants nés hors mariage, n’est pas sans répercussions sur les acteurs impliqués. L’idéal pour certains comme l’islamologue Issa Mohammed Awali serait d’opter pour la polygamie réglementée où l’équité et la justice règne au sein de la famille. Mais au vu du mal que cette pratique fait à la société en dissolvant le ciment familial mettant en péril la paix et la quiétude fraternelle et parentale, le mieux serait de s’en tenir à une femme.